samedi 26 septembre 2009

psittacus project 5.3.2.



Je reviens donc, un instant, sur ce texte improvisé - souvenez-vous, magnifique, formidable - autour de "Birdy" d'Alan Parker.

Le lecteur attentif aura bien évidemment pris soin de relever les multiples tropes magnétiquement invoqués ça et là, dans un ballet étourdissant et enchanteur digne de La Péri de Paul Dukas. On est branché sur l'inconscient ou on ne l'est pas. Point n'est besoin d'insister. L'humilité n'insiste jamais. C'est pourquoi je ne m'appesantirai pas outre-mesure. Je me contenterai de dévoiler quelques éléments épars de cette architecture cryptophorique à la fois savante, ignare, et verviétoise.


Tout d'abord, les ailes, l'envol, le vol (frères Wright); et son envers symétrique, le monde de l'eau (océan, plongeon, placenta, etc), et toutes ces choses;

- autres bébêtes, avec ou sans plumes: soldats-baleines, perroquets télépathes, saintexuperys, prométhées, icariens, archéoptéryx-s, tyrannosaurus-Rex-s, etc

- Allusions imbriquées à diverses théories paléo-anthropo-philosophico-psychanalytiques envisagées comme "transformateurs Duchamp". Farpaitement :

Abraham & Törok (L'Unité duelle, dans "L'écorce et le noyau"),
Ferenzci (Thalassa),
Jean-François Lyotard (La chose, l'inhumain, les grands ancêtres, in "examen oral")
Mélanie Klein (théorie du "bon et du mauvais sein" dans "Envie & Gratitude"),
Winnicott (l'objet transitionnel, le "forda", la "couverture de Linus", in "Jeu et réalité"),
K. G. Jung (la persona, in Dialectique du moi et de l'inconscient), etc.

- Tropes littéraires: Mallarmé, Michaux, Lovecraft, Stevenson, Daniel Goossens, Pierre Perret, Heidegger, Baudelaire, Rimbaud, Hergé (frères Loisau-Wright), Saint Ex (citadelle), Kant (le beau et le sublime), etc.

Plus le fluide (glacial, of course), le grano, salis, évidently, la folle, du logis, forcémently. Et les mineurs de fond. Et les naufragés de l'île de la tortue. Et le Paris-Brest. Et toute la smala. Tous à Zanzibar. Tous à Verviers-Central.


- Références cinématographiques:

- Birdy (Alan Parker)
- Reviens moi (Joe Wright)
- Le grand bleu (Besson)
- la ligne rouge (Malick)
- Johnny got his gun (Trumbo)
- Jurassik park, le Soldat Ryan (Spielberg)
- Le testament d'Orphée; la belle et la bête (Cocteau)
- La Chose (Carpenter)
- La nuit du chasseur (Laughton)
- les contrebandiers de Moonfleet (Lang)
- The deer hunter (Cimino)
- Apocalypse now (Coppola)
- Persona (Bergman)
- Ces merveilleux fous volants dans leurs drôle de machines (Annakin)
- Full metal Jacket (Kubrick)
- Le cri du cormoran le soir au dessus des jonques (Audiard)


Bref, étourdissant. Quel talent. Christian Tzara peut aller se rhabiller, le pauvre. Et son perroquet aussi. Que son grrraand crick le croque.


Ensuite, L'Origine des oiseaux (nouvelle d'Italo Calvino dans "Temps zéro") & Les Dinosaures (dans "Cosmicomics"), matrices de la machine textuelle hypno-grammato-mnésique.
Tout y conspire. Honnêtement, on ne peut pas comprendre ce texte prodigieux sans les avoir lues.

Un passage, au hasard (que je découvre, actuellement, pour la première fois, en même temps que je le tape):

(c'est un dinosaure qui parle, et qui a réussi à passer inaperçu au milieu du groupe des "Nouveaux", ceux qui n'avaient jamais vu les dinosaures, depuis longtemps disparus, mais en avaient entendu parler):

Elle me raconta: "j'ai rêvé que dans une caverne, il y avait l'unique survivant d'une espèce dont personne ne se rappelle le nom, et moi j'allais pour le lui demander, et il faisait noir, et je savais qu'il était là, et je ne le voyais pas, et je savais bien qui il était et comment il était fait, mais je n'aurais pas su le dire, et je ne savais pas si c'était lui qui répondait à mes questions ou moi aux siennes" [...]
Depuis lors, j'avais compris tant de choses, et par-dessus tout de quelle manière les Dinosaures gagnent. D'abord, j'avais cru que leur disparition avait été pour mes frères la magnanime acceptation d'une défaite; maintenant, je savais que plus les Dinosaures disparaissent, plus ils étendent leur empire, et sur des forêts bien plus intimes que celles qui couvrent les continents: dans l'enchevêtrement des pensées de ceux qui demeurent. Dans la pénombre des frayeurs et des doutes de générations désormais ignorantes, ils continuaient à allonger le coup, à soulever leurs pattes griffues, et quand l'ombre ultime de leur image s'était effacée, leur nom continuait à se superposer à toutes les significations du monde, à perpétuer leur présence dans les rapports entre les êtres vivants. A présent que le nom lui-même s'était effacé, il leur revenait de se fondre avec le moule muet et anonyme de la pensée, à travers quoi prennent forme et substance les choses pensées: par les Nouveaux, et par ceux qui viendraient après les Nouveaux, et par ceux qui viendraient après encore." (I. Calvino, Cosmicomics, p.112, Paris, Seuil, coll. "Points")

Je n'ai strictement absolument rien compris. Mais c'est très beau.


Confusément, je sens bien, sans pouvoir m'en expliquer davantage, que c'est là, précisément là, qu'opère, ou d'où procède, le chant du psittacus, au point nodal de sa mémoire reptilienne, à l'intersection des gares de Verviers-Central et de Verviers-Central, point non récursif de mon ressouvenir de Stéphane M., quand j'ai ressenti que je n'étais plus le psittacus que j'avais moi-même connu.
Alors, bon, on nous dira: c'est très fâcheux, tout ça... Peut-être, peut-être, mais c'est là, précisément là, que se révèle et se déploie, qu'on l'admette ou pas, la révolution authentiquement copernicienne du Psittacus. Alan Badius l'a bien compris. C'est un grand Marabout, lui aussi. Je me demande même s'il ne jouait pas dans la guerre du feu des frères Rosny Aîné.
Alan Badius et moi, nous n'avons pas besoin de disserter à l'envi: un coup d'oeil trifurqué, et nous nous sommes compris. Nous sommes tous deux des enfants du limon, fruits du croisement heureux, à Verviers-Central même, des archives Queneau de l'Hôtel de ville et des usines Marabout, là même où, sur cet lopin de terre meuble plus ou moins excavé, naquirent conjointement Stéphane Mallarmé et le Monolithe noir de 2001 lui-même. Car c'est un fait établi, quoique dissimulé dans cette crypte - et l'un comme l'autre nous savons, de ce savoir très ancien probablement oublié, souvenir agi et agissant en nous, que c'est là, à Verviers même, que Stéphane vit le jour, en même temps que l'hominisation du singe. Et bien sûr, ça ne fait rire que nous, mais nous rions sous cape.

A Verviers-Central, le temps était hors de ses gonds.
Nous y étions, Alan & moi, unité duelle de l'enfant majuscule, un Infini turbulent.
Notre code chimique et électromagnétique fut ce qui nous permit de nous flairer à l'odeur, comme les néandertaliens, frères so(u)rciers dans la clairière de l'être, parce qu'ils s'écoutaient eux-mêmes tels qu'en eux-mêmes.


Aussi savions-nous que notre "tombeau" était en réalité une crypte, aussi avions-nous toujours eu la foi en l'avènement obscur, au don dévoilé/voilé de notre code chiffré/constellation d'Or. Aussi étions-nous sauvés. Parce que nous étions déjà sortis par réminiscence tellurique de notre chiffre:

"C'ETAIT (issu stellaire)
LE NOMBRE
EXISTÂT-IL (autrement qu'hallucination éparse d'agonie)
COMMENÇÂT-IL ET CESSÂT-IL (sourdant que nié et clos quand apparu - enfin - par quelque profusion répandue en rareté)
SE CHIFFRÂT- IL (évidence de la somme pour peu qu'une)
ILLUMINÂT-IL
CE SERAIT
(pire
non
davantage ni moins
indifféremment mais autant)
LE HASARD
(Choit
la plume
rythmique suspens du sinistre
s'ensevelir
aux écumes originelles
naguère d'où sursauta son délire jusqu'à une cime
flétrie
par la neutralité identique du gouffre)
RIEN (de la mémorable crise - ou ce fut l'événement accompli en vue de tout résultat nul - humain)
N'AURA EU LIEU ( une élévation ordinaire verse l'absence)
QUE LE LIEU (inférieur clapotis quelconque comme pour disperser l'acte vide
abruptement qui sinon
par son mensonge
eût fondé
la perdition
dans ces parages
du vague
en quoi toute réalité se dissout)
EXCEPTÉ (à l'altitude) -PEUT-ÊTRE […] - UNE CONSTELLATION (froide d'oubli et de désuétude - pas tant - qu'elle énumère - sur quelque surface vacante et supérieure - le heurt successif - sidéralement - d'un compte total en formation)"

Avec les seuls moyens du bord, une caisse à savon évidée en son centre, une cloche tubulaire, quelques macarons, nous avions écrit par avance ce texte, sans même le connaître, ou plutôt, ce texte s'était écrit en nous, au travers des fils innombrables et torsadés que nous tissions inlassablement, chemins de traverse, qui furent tantôt ontologie, tantôt anthropologie structurale, tantôt psychanalyse, clinique du fantôme, approche systémique, anasémique, morale appliquée, pantomime, imitations diverses, thérapie clownesque, rhétorique, linguistique, tintinologie, théorie des champs méta-morphiques et de l'harmonie des sphères, kantisme, leibnizisme, sartrisme, hégélianisme - le tout exclusivement et intégralement lu sur des quatrièmes de couverture de Marabout-sciences-junior;
maïeutique obscure avec bornes de signalisation sonore sous forme de marteaux sans maître qui faisaient tantôt "dong" tantôt "ding", assénés sur la tête de quelques pauvres crânes tondus de passage et qui repartaient aussitôt, migraineux, dans quelque ruelle ténébreuse d'Harry Dickson, et sans demander un putain de Kopeck à qui que ce fût;

aussi par l'invocation de forces occultes qui nous répondirent, depuis la faille de San José, et d'où sortirent un soir de septembre, à notre grand dam, après diverses prières inversées, de sombres borborygmes et invectives recueillis sur la bande magnétique à moitié déchiquetée d'une maxell standard et passées par la touche rewind d'un vieux Sharp tout pourri, quelques grands ancêtres monstrueux aux noms oubliés et imprononçables;

aussi par diverses poudres de perlimpinpin recueillies, filtrées et tamisées à même l'Ab-grund de la forêt noire, dans un commerce clandestin que nous entretenions avec certaines sorcières aux pieds nus et crochus dont nous tairons le nom, appelées à nous par écho-sonar, nous conviant à de sombres sabbats où nous exorcisions les âmes d'enfants morts-nés comprimés entre les pages du Kaddish, et chaque fois (pas toujours), le sortilège bu, par nos cloisons tympaniques transpercées, déployant nos pavillons de fortune, faits de breloques et de peaux de tambours soldées aux puces, nous apprivoisions les mots de la tribu. Sauvés par l'acousmatique, et Alfred Tomatis.

(15 janvier 2008)

psittacus project 5.3.1.


Ce texte magnifique sur Birdy, donc, un chant magnétique vespéral, non seulement très sympathique, mais encore impayablement drôlatique, suscita éventuellement moue dubitative et regimbante.

Peu importa.

Je renonce provisoirement à en déplier ici (cf. cependant "psittacus project 5.3.2.") toutes les riches correspondances ouvragées, et psittacosées avec une maestria sans limites, qui le promeuvent au rang d'une simio-poétique incandescente.. Mes fans s'en chargeront.

Qu'il me suffise de dire que j'en suis un fervent admirateur. Le projet perroquet 5.3.1. initie une ère nouvelle de la modernité littéraire, l'authentique révolution copernicienne d'une jouissance labiale en prise directe sur son inconscient.

Osons le dire, et je cite moi-même la postface de la monographie qui m'est consacrée à titre posthume:


Ainsi Psittacus, portant jusqu'à son terme, avec témérité et d'une main ferme, le projet harassant qui le hanta toute son existence: devenir l'original de sa propre copie, laissera à la postérité la tâche infinie de déchiffrer l'insondable borne hiéroglyphique de son Oeuvre, lancée, comme un défi, aux siècles à venir. Ultime provocation d'un génie sauvage, rieur et frondeur, faisant voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative. Faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative n'était pas une mince affaire. Nombre de plumitifs tombés dans l'oubli s'y sont cassé le bec. L'entreprise en effet, plus que risquée, réclamait une lucidité sans faille dans l'appréciation d'un tel projet.

Psittacus s'acquitta de ce projet.

Non seulement il s'en acquitta, mais encore il parvint, ce n'est pas là le moindre de ses mérites, à excéder les limites qu'il s'était imposées. Transcendant, par une prise de risque qui faillit bien des fois le conduire aux abords de la folie (en témoigne un passage de la correspondance omnibus qui le menait quotidiennement de Verviers-central à Verviers-central : "mince, je ne suis plus le Psittacus que j'ai connu"), les percées somme toute auto-limitantes de la pataphysique verviétoise, il parvint, au prix d'une auto-discipline de fer, se vouant à cet apostolat avec l'inexorable intégrité de ceux qui ont conscience de refermer les portes ouvertes, et de frayer des sentiers où jamais la main du serpent ne s'était aventurée à mettre le pied, non seulement à faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative, mais encore à poser les jalons d'une nouvelle science, crainte par Kierkegaard, entrevue par Heidegger, élaborée par Alexandre Kojève, éditée sous le manteau par Queneau,  saluée par Deleuze, vilipendée par Bouveresse, pillée par Rémy Bricka, et ultimement rejetée par Karl Popper: la science infalsifiablement réfutable de la mimétologie généralisée.
Psittacus, rappelons-le à ceux qui l'ignorent encore, avait tenté de lancer dans les années 50, entre autres projets infructueux, le "cercle de Verviers" (Psittacus project 5.2.0), dont il fut et resta l'unique membre honoraire, en soutien tardif au "cercle de Vienne".

Selon Psittacus, en effet (in "Psittacus auteur du Ménard"):

" En l'état actuel de nos connaissances en éthologie, rien ne permet d'établir avec certitude si Konrad Lorenz se prenait lui-même pour un cygne sauvage suivant des canards anthropomorphes ou, à l'inverse, était lui-même un canard sauvage suivant à la télévision un film de Michel Audiard en croyant le précéder ".

Wittgenstein, dont le violon d'Ingres était le piano (il jouait avec la main gauche de son frère invalide de la Grande guerre les "morceaux en forme de poire" de Satie, portant la mention non-valide bien connue "à jouer comme un rossignol qui aurait mal aux dents"), n'a pas manqué d'ironiser sur cette conjecture, en écrivant dans ses "investigations philosophiques":

"rien ne permet d'établir avec certitude si Psittacus se prend pour un perroquet imitant un canidé imitant la voix de son maître sur un gramophone pathé-marconi ou, à l'inverse, est lui-même un gramophone pathé-marconi imitant un canidé imitant la voix de son perroquet".


Tout ceci relève désormais du registre des anecdotes plaisantes qu'on aime à évoquer entre initiés dans les causeries d'épistémologie anglo-saxonne.
Le travail solitaire entrepris et mené à bien par Psittacus au cercle de Verviers a pâti de cette imagerie quelque peu obsolète, et bien entendu, comme on l'imagine, fut éclipsé par l'ombre tutélaire de Wittgenstein. On trouve encore mention, cependant, des écrits de Psittacus dans l'anthologie des fous littéraires d'André Blavier.

Il importe pourtant de reconsidérer aujourd'hui d'un oeil neuf, et au delà des saillies spirituelles - parfois injustement méprisantes - qui ont fait florès dans l'histoire des Idées du XXè siècle, l'oeuvre solitaire menée d'arrache pied par Psittacus entre 1953 et 1965.
Dans l'extrême dénuement d'une psychè tourmentée par ses propres golems, qui eux-mêmes étaient les golems d'un golem premier à jamais oublié, il sut puiser avec obstination dans les réserves limitées d'une culture et d'une épistémologie invariablement verviétoises, et assumer cette limite jusqu'à esquisser les contours d'une finitude radicale du savoir humain. Un savoir humain encerclé par les tropes d'une révolution résolument et authentiquement copernicienne.

Il partit en effet de son centre, qui n'était nulle part, avec la ferme intention de renouveler la preuve ontologique de l'existence de la périphérie de ce centre. Psittacus était rien de moins que kantien, et sa démarche unique en porte la marque radicalisée, et inouïe, par bien des aspects.

L'impossibilité, assumée, d'envisager la périphérie et l'extraphérie du centre verviétois l'amenèrent à poser thésiquement l'axiome apriorique et solipiste suivant:

"c'est bien parce que nous ne disposons, en tout état de cause, pas d'autre centre, ou point de vue, ou subjectum, que le centre verviétois, que nous devons impérativement revenir à ce centre même, pour rendre compte du caractère originairement excentré du centre, soit encore, pour avérer que ce centre est tout entier la preuve nécessaire et suffisante de sa propre ex-centricité".

La prose éclatée et éclatante de Psittacus est certes difficile à cerner. Et pour cause, puisqu'elle ne cesse de faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative, comme on le rappelle plus haut.
Canardus psittacosé second, un de ses plus fidèles disciples, nous paraît résumer cette axiomatique sartro-kantienne en des termes plus à même de toucher le grand public (le public, donc, de la périphérie verviétoise, voire de ses alentours):

"le centre ne se constitue comme centre que comme habitant une extériorité qui n'est pas lui, dont il est lui-même, in fine et ab origine la périphérie elle-même".

C'est donc à partir du centre lui-même, et en y revenant, qu'on peut et qu'on doit comprendre que ce centre est lui-même second par rapport à une excentricité ou extériorité premières qu'il n'est pas, et dont, par essence et signifiance, il ne peut que rendre compte. En somme, le centre (que constitue Verviers, ainsi que l'ancrage verviétois que constitue l'épistémologie psittacienne), est paradoxalement fondateur parce qu'il est fondé sur et par autre chose que lui-même.
Pour le dire autrement encore, le centre est l'excédent lui-même qui ne cesse d'être excédé par ce qu'il excède.
Alan Badius, dans son traité de la quadrature psittacosienne, a tenté d'axiomatiser le théorème auto-différentiel de cette tournure de pensée qui, à maints égards, demeure une énigme autant qu'un défi:

"SOIT le Psittacus comme tel est exclusivement instituable dans son centre (psittaco-verviétois) par ce qui l'excède, et dans ce cas l'excès en question pourrait se passer du Psittacus pour être défini, SOIT le Psittacus institue-t-il son centre comme l'excédant lui-même, et dans ce cas ce qui excède le Psittacus reste dans le Psittacus: l'excès non-psittaciste, le hors-psittacus sont ce dont sa psittacicité elle-même rend compte".

En tant que matérialiste athée, nous pouvons et nous devons ajouter foi au seul membre second de l'alternative. Que nous formaliserons par le monome binarisé suivant:

"Pour toute périphérie verviétoise dont au moins 1 psittacus est le centre, il existe un 0 divisé par -1 = (psittacus) x la somme des angles droits du cercle quadraturé "

Le psittacisme confluant à l'intersection ferroviaire des correspondances omnibus entre Verviers-central et Verviers-central peut et doit dès lors être considéré comme une variante indémontrable du tombeau d'Edgar Alan Poe (par conversion du corbeau en perroquet): soit un calme bloc ici bas chu d'un désastre obscur. La révolution copernicienne est donc l'événement "never-more" à venir dont Psittacus 5.3.1 est le nom de code chiffré.

Psittacus est un Léon-Blumisme transcendantal.
Il annonce la redistribution radicale du pécule sarkozyste (majoré à 170% ) + la refonte des bijoux de la castafiore, pour une somme finie de congés payés sur le front de mer, où maints steamers balançant leur mâture lèveront l'ancre pour une exotique nature."

On ne saurait mieux définir - grâce soit rendue à Badius, exhumant enfin Psittacus de sa crypte - le "cercle discursif" psittaciste, qui fait voler en éclat, non seulement les limites traditionnelles de la prose récitative, mais encore l'onto-théologie sous-jacente de tout cercle spéculatif qui prétend en finir avec le psittacisme.
Le psittacisme, se revivifiant aux sources d'un kantisme débarrassé du concept de noumène comme concept régulateur vide (de toute intuition), est donc à la fois un idéalisme transcendantal et un réalisme critique. Il engendre lui-même sa révolution autour et hors de son propre centre, parce que le centre qui le constitue est lui-même une périphérie seconde par rapport à une extériorité radicale préexistante.
Telle est l'audace du psittacisme radical.
Et Badius, en psittaco-lacanien, l'avait fort bien compris, qui s'en inspira à juste titre dans ses "prolégomènes à tout psittacisme futur qui voudra se constituer comme révolutionnaire".

Un jour, le siècle sera psittacien. Les rares interprètes qui ont su et pu percé à jour l'entreprise radicalement révolutionnaire de Psittacus peuvent en témoigner par l'irréfutabilité du rire sincère (et émouvant) que son entreprise suscite en eux.
Pour l'instant, il est vrai, ils sont encore obligés d'en rire tout seuls, et peu nombrables. Mais partout, de par le monde, des psittacistes se réunissent et fomentent du psittacisme, suscitant un rire contagieux qui ne cessera plus de croître. C'est du moins notre conviction profonde, au moment de signer cette postface à l'oeuvre désormais complète de Psittacus, qui, dans une manière d'ultime pied de nez à la postérité, nous a quitté, emporté par une psittacose (toujours) galopante et inextinguible."

(14 janvier 2008)



Birdy (Alan Parker), en psittacus


Une heure et demie de pur bonheur, alliant émotion, virtuosité et une rare splendeur esthétique. Et n'oublions pas qu'il s'agit aussi d'une très belle histoire d'amour.

Birdy, c'est contre la guerre et c'est pour l'amour.

Mais il y a aussi un message d'espoir: sur la rage de vivre et de survivre dans un monde hostile.
Moi, la scène qui me fait chavirer à chaque fois, c'est quand Birdy regarde la fenêtre. Il est accroupi sur une chaise. Dans une position fœtale. La scène baigne dans une lumière bleue translucide, avec un cadrage d'une force à tomber par terre. On sent qu'il est enfermé dans la tête de sa prison intérieure, parce que l'amour innocent qu'il est incapable d'exprimer reste comprimé dans sa poitrine. Les volutes hypnotiques de la musique de Peter Gabriel, de toute beauté, traduisent ce mélange de grâce et de pureté blessées, et en même temps un défi, l'esquisse d'un geste de libération risquée, espoir ténu, sur le fil de funambule de l'existence.
Birdy voudrait s'envoler par la fenêtre. La métaphore est explicite. Alan Parker s'adresse à notre coeur. Pas d'intellectualisme froid, la démonstration formelle est répudiée au profit d'une émotion nue, universel sans concept. Le langage abstrait échoue à traduire les sensations qui nous étreignent, qui vont fouiller et même trifouiller dans les zones les plus fragiles et les moins fréquentées de notre appartenance brisée et douloureuse au monde. Sans jamais céder à la complaisance ou à la facilité, Alan Parker nous fait ressentir le côté sombre et tragique de la vie. Il y a dans ce moment miraculeux de cinéma brut, en liberté, à l'état pur, non domesticable, la grâce de ces sensations intraduisibles qui font signe vers l'enfance et ses blessures secrètes.
L'espace d'un instant, on aura été l'homme oiseau, comme Saint Exupéry dans la citadelle ténébreuse, avant de perdre sa gourmette et de plonger mystérieusement au coeur de l'océan profond, gardant jalousement ses secrets.

Mais Birdy n'est pas un oiseau. Les rêves d'évasion, le besoin de se libérer de ses chaines se heurte au mur impitoyable de la réalité matérielle. Subsiste alors cette nostalgie indicible qui nous étreint et nous transperce à vif. On ne ressort pas tout à fait indemne d'une façon aussi frontale d'explorer nos espoirs, nos craintes, nos rêves brisés.
Birdy nous interpelle tous dans notre enfant intérieur.
Y faut libérer la cage aux oiseaux, les laisser s'envoler, c'est beau. Il y a en chacun de nous un enfant apeuré, prisonnier, qui voudrait prendre son envol, loin de la pesanteur de ce monde, qui aimerait - mais ne saurait - briser le mur étanche des horizons bouchés. Alan Parker sait solliciter en nous, avec une pudeur déconcertante par sa naïveté, qui n'a que faire des imageries lourdes et faciles, qu'on a trop vues, notre part océanique, en même temps que céleste, d'enfance déchue.

Comme Luc Besson dans le grand bleu. C'est ce genre de film qui vous plonge dans un état éthéré, dont on revient à grand peine, qui réveille la nostalgie d'un monde perdu, originaire, d'un eden indicible qui toujours résonne en nous arraisonnés, comme la part d'un paradis promis, puis volé, auquel on ne renonce jamais au fond de soi-même. Au prix, peut-être, d'y perdre ses ailes, au prix de se perdre, à jamais, infiniment, dans son fond advers: l'enfer orphique dont le poète signe la trace testimoniale avec une plume d'oie trempée dans le sang.

Le combat entre l'ange et la bête. En cela, Matthew Modine réussit une éblouissante prestation qui rappelle celle de Timothy Bottoms dans "Johnny got his gun". Rarement l'horreur de la guerre n'aura été si bien traduite que par cette image, qui a la puissance d'une parabole biblique: nous sommes Matthew, à ce moment.
Ce n'est plus seulement la guerre, abominable machine à broyer les corps et les âmes, cette entreprise qui envoie les forces vives de sa jeunesse se sacrifier sur l'autel de la patrie, et agonir sans sépulture au champ d'honneur. Ce qui est implicitement dénoncé, ce sont toutes les guerres invisibles que l'homme mène contre l'homme, la guerre intérieure que mène chaque créature avec elle-même. Quelle est donc cette guerre secrète qui étreint le coeur de la vie, ces forces antagonistes qui séparent les éléments? Peut-être pas une force, mais deux? Une dualité? Un symbole de la lutte pour la survie elle-même? C'est aussi ce que nous aidait à comprendre Terrence Malick dans l'ouverture bouleversante de la ligne rouge: l'arbre, symbole de la vie opiniâtre, habité par des forces intérieures qui torsadent ses racines veinées, qui l'étouffent mais en même temps lui permettent de se propulser vers le ciel. La dualité l'habite, comme Matthew, pétrifié sur sa chaise, contemplant la fenêtre d'où sourd une lumière évanescente (image de la vie rêvée? Rayon de pureté qui cherche desespérement à se frayer un chemin dans les anfractuosités de la roche impitoyable et indifférente?).

Matthew est traversé par ces forces antagonistes qu'on sent à l'oeuvre depuis l'origine du monde, de la vie. Cette même dualité sombre, et fascinante en même temps, Spielberg parviendra, lui aussi, à la rendre sensible, dans quelques plans majestueux et inoubliables de Jurassik Park: ce combat de l'ange et de la bête, créatures divisées par la nature, et pourtant réunies, le temps d'une terrifiante confrontation, par la folie prométhéenne des hommes qui ont voulu s'égaler aux dieux, et, dans leur folie, capter eux mêmes le secret des dieux envolés. Pour échapper à la solitude essentielle d'une terre impénétrable et aride.

Alan Parker, avec Joe Wright, Steven Spielberg, Terrence Malick, et quelques sorciers du septième art, sont de ceux qui ont su s'approcher de cette mince frontière impalpable, celle qui sépare l'ange de la bête, les dieux des hommes, l'homme de l'animal. Cette dualité insurmontable qui fait les joies, les peines, mais aussi la tragédie toujours recommencée du règne humain, et son éternelle soif d'absolu.

"Les nageurs ne savent plus que l'eau mouille, les horizons de la terre ferme les stupéfient, ils retournent constamment au fond de l'eau", écrivait Henri Michaux. C'était le monde divisé, ce paradis perdu, mais ressouvenu, par Jacques Maillol. La tentation, fragile mais sublime, de se fondre au coeur des ténèbres, des profondeurs de la vie, et de rejoindre le cycle obscur des éléments toujours s'embrassant, se divisant, éternelle méiose et mitose d'une métamorphose inquiète qui hantait, déjà, les héraclitéens. Une poésie élémentale des élements, de la force obscure du mana, celle qui poussa aussi le soldat Ryan au devant du danger, vers la mine enfouie dans la végétation touffue, au coeur des ténèbres de ce monde, belles et cruelles.

Cette dualité qui traverse l'oeil trifurqué et terrifié du Tyrannosaurus-Rex, comme une gigantesque mémoire rétinienne et reptilienne, avant l'attaque, impitoyable, suicidaire, qui le pousse à déchiqueter son frère humain immémorial, sa filiation étrange, son double impur, ange pourvu du souvenir biologique et fossile de ses moignons dérisoires brassant l'air tel un boxeur antipodique, rejeté des rivages déchiquetés de la lande primitive, éternellement désirée, et éternellement refusée. Tel est le drame pathétique de la force divise qui luit au coeur de chaque créature.
Et qui la rend capable de la plus belle des choses: l'amour, mais aussi son envers abject, redouté: la haine.
Haine et amour, incoercibles forces, au mi-temps d'un sein offert en même temps que refusé, lait opaque de la tendresse humaine. Des deux, qui de quoi lequel imposera son règne? Mais Qui? Ô Personne ne saurait le dire; ou alors la schize redoutée de la double face noire et blanche, persona surgie du ressac inhospitalier de Farö? Est-ce le chasseur de daims, qui, dans la nuit, hulule sa douleur de frôler de sa main gauche le trésor, enfoui dans le coeur d'une infante pavanée de chiffons, que sa main droite lui refuse? Pathétique et vain combat il est vrai, mais là est sa beauté qui fulgure et s'evanesce, d'un moment d'éternité échouant sur la grève de nos rêves entr'aperçus. Rimbaud nous en parlait avant de se taire, et Joe Wright, revenu d'entre les frères Loisau, et qui sait le fragile envol des Prométhée de toiles et d'armatures de bambou sur les berges du nouveau monde battues par des vents contraires, nous le montre, et en témoigne. Sans ostentation, avec cette simplicité désarmante, mais redoutable, des génies bricoleurs de la Nouvelle Angleterre.

Matthew Modine retrouvera ce fratricide combat dans la campagne anglaise verdoyante transformée en chantier de mort et de destruction, avec pour seul souvenir discret, mais tenace, ce symbole, affiché sur son casque, de la dualité primordiale: eros et thanatos mêlés au mugissement terrifiant des baleines, la baleine surgie du fond de Thalassa, et qui s'éprend, dérisoire mais poignant syndrome de l'attachement effiloché à la mère, couverture de linus tirée à soi jusqu'en enfer, d'un fusil nommé Sharleene. Dualité, là encore, de la femme-fusil. De la femme qui, à la fois, enfante et donne la mort.
L'espace d'un instant fugitif, suspendu entre terre et ciel, entre obscurité et lumière, Alan parker nous donnera à voir cette expérience intraduisible, sublime et oppressante, d'un dernier regard posé sur la transcendance perdue des limbes.

Alan Parker, artiste rare, reclus dans sa hutte, loin des clameurs des clichés publicitaires et aliénants de l'industrie mercantile des rêves, passionné, lui aussi, de volatiles, ces êtres hybrides venus d'ailleurs et d'ici, phénix cendrés, suspendus entre terre et ciel, albatros aux ailes de géants brisés, colosses au pied d'Achille ailé, dont le cri, à l'égal du cormoran qui gît en nous, nous étreint le soir au dessus des jonques.

(14 janvier 2008)

documentaires animaliers





Chers Users, je vous remercie de remercier les Users qui vous remercient pour la haute tenue des échanges et des analyses exprimées ici sur les mérites respectifs des films de télévision au cinéma et des films de cinéma à la télévision, ainsi que l'esprit de camaraderie respectueuse de ce forum, dont je lis avec beaucoup de plaisir les interventions aussi diverses que variées.
Enfin un lieu où nous pouvons échanger des commentaires intéressants sur un sujet trop rarement abordé à mon goût.
S’il m’est permis d’insérer ici un avis personnel qui n’engage que moi sur cette problématique un chouïa délaissée en ces contrées où la main du serpent s'aventure rarement à mettre le pied, je vous dirai que je nourris, en ce qui me concerne, mais c'est là une question de goût personnel, une dilection particulière pour les documentaires à la télévision.
Par rapport aux documentaires à la radio, ou les documentaires dans la presse écrite, veux-je dire..
En effet, selon moi, les documentaires à la télévision bénéficient d'un plus : la dimension visuelle.
Autant la dimension visuelle est bien représentée dans les documentaires à la télévision, autant elle fait défaut dans les documentaires radio. Je trouve.
Dans la presse écrite, cependant, il arrive que l'on trouve des documentaires associant la dimension visuelle à la dimension écrite. Mais dans ce cas de figure, ce qu'il me semble un peu manquer dès lors, c'est la dimension auditive.
C'est pourquoi, à tout prendre, je préfère regarder les documentaires à la télévision, tout en me réservant le droit d'écouter les documentaires radiophoniques.
Mais je pense aussi qu'il faut les deux. La variété est source de richesse dans ce monde. Surtout quand ce monde est bien représenté par des documentaires, et surtout quand ces documentaires sont aussi intéressants qu'instructifs.
Je pense, personnellement par moi-même, que certains documentaires sont très bien faits, d'autres moins. J'ai pu constater, je ne sais pas ce que vous en pensez, que les bons documentaires se signalaient par leurs qualités, aussi diverses que variées, cependant que les mauvais documentaires se caractérisent, oserais-je le dire, par une qualité moindre.
Je vous donne un exemple. La semaine dernière, j'ai pu voir sur Télé-Vesdre (une chaîne de proximité sympathique, située non loin de ma région, entre Verviers et Eupen, deux pôles culturels rayonnants qui gagneraient à être mieux connus dans le pauvim – paysage audiovisuel médiatique) un documentaire très bien tourné et très instructif sur la tonte de la fourrure des loulous de Poméranie.
C'est là une chose que l'on ignore, mais le loulou de Poméranie est très prisé dans les cantons rédimés pour sa livrée d'hiver, de couleur blanc cassé, dont les usages sont multiples. J'ai ainsi appris que la doublure intérieure de certains modèles de pantoufle, du style de celles qu'on peut trouver à des prix très intéressants au shoe-post d'Eupen, juste à côté du Super-confex qui, depuis, a été supprimé, sont en poils de loulou de Poméranie.
Dans ce documentaire, très bien tourné, je le répète, nous avons eu la possibilité d'entendre sur ce sujet un propos très intéressant, et instructif, du professeur Rudy Van-Daele, spécialiste des loulous de Poméranie au CHU d'Eupen : la fourrure de loulou de Poméranie, spécialement dans sa livrée d'hiver, secrète une substance intéressante, la phrobéïne, reconnue pour avoir des effets apaisants pour les rhumatismes piédeux, ou piédiques.
Enfin, et bien que ceci n'ait pas directement à voir avec le sujet de mon intervention, j'ajouterai que je connais personnellement Guy Lemaire, présentateur-animateur attitré de "télé-tourisme", dont je m'honore de recevoir l'estime et l'amitié, et que je m'attriste du sous-emploi de ses talents multiples à la télévision ces derniers temps.
Je suis parfois d'accord avec lui, parfois moins, parce qu'il a aussi son franc-parler.
Sur certaines questions, par exemple (les questions d'ordre général, mais aussi, parfois, les questions d'ordre particulier), il nous arrive d'avoir des divergences d'opinion. Mais tout ceci s'oublie bien vite autour d'un bon château Lafitte dans une auberge de Vielsalm, dont Guy Lemaire connaît personnellement la cousine germaine de la patronne. Et dont une des spécialités culinaires que je vous recommande, à l'occasion, est la crêpe au fromage de Herve saupoudrée de Gingembre. Un pur régal.
Mais là, je reconnais que je suis moins objectif, parce que j'aime beaucoup les crêpes au fromage.
Merci de m'avoir lu, et encore bravo pour ce forum où on peut échanger courtoisement des.. euh, échanges très, euh... échangeables.

Bien cordialement,
Jerzy P.

(10 mai 2006)

l'affaire Val-Siné (3): la ténébreuse clarté du baragouin térébrant de Daniel Franco, philosophe.


(5 août 2008, suite)

Les « petits traités » valétudinaires de philosophie « par temps obscurs » se multiplient désormais, à l’ombre des grands chênes tutélaires médiacrates. Au mépris de la sagesse potagère qui nous enseigne pourtant que rien, hélas, ne pousse en leur voisinage, hormis quelques variétés d’endives *** tortillant âprement de l’encolure dans le geste désespérément opiniâtre d’appeler à elles la lumière des néons, et leurs cinq minutes éphémères de gloire .
*** (endive. N. fém. Bourgeon hypertrophié de la chicorée de Bruxelles (witloof) obtenu par forçage dans l’obscurité et consommé cru ou cuit.)
Un nouveau venu, intrépide, est venu tâter du klaxon. Histoire de mettre à profit l’embouteillage estival des Idées, et de ne pas, une fois encore, ce serait trop bête, rester en rade, intermittent de la société du spectacle, sur le bord de la grande autoroute du soleil. Ce genre d’opportunité se présente rarement. Il faut savoir saisir le « kaïros ».
L’aspirant vedette au semainier vespéral, c’est donc Daniel Franco, jusqu’ici obscur cruciverbiste conceptuel (cf. ci-bas), et exerçant provisoirement, pourquoi non, sa créativité itérative dans la dramaturgie scénique.
Belge, né en 1968, et vivant à Bruxelles, apprend-on.
« Formation :
Licence et une maîtrise en philosophie à l’Université Libre de Bruxelles, sous la direction de Pierre Verstraeten
Doctorat en philosophie à l’Université de Paris VIIII, sous la direction d’Alain Badiou.
A été ou est encore… :
Enseignant à l’Institut polytechnique de Paris Jussieu
Conseiller dramaturgique pour Bernard Sobel, au Théâtre National de Gennevilliers ».
Ce monsieur a donc parfait sa formation sous la direction d’Alain Badiou.
Ce serait pure calomnie et procès stalinien ad-hominem que d’oser suggérer, ne serait-ce qu’un instant, que le mobile souterrain qui structure les admirables vaticinations logico-sémantiques qui nous sont offertes là en colliers de « rebonds » intarissables, ressemble à s’y méprendre à quelque vilain affect de jalousie et de ressentiment, s’arc-boutant au prétexte providentiel de flatter les « nouveaux philosophes » d’aujourd’hui et de toujours, par une magnifique chorégraphie toute en contorsions pseudo-savantes.
Aussi convient-il de ne pas se contenter de le suggérer, mais encore de l’établir. Et par le menu, même si la tâche est fastidieuse.
Mais après tout, nous sommes en vacances, nous aussi.
Mais avant de nous plonger dans les agapes de cette para-philosophie de bistrot éditorial dont notre nominaliste au pied agile fait ses choux gras – une improbable science pataphysicienne (qui s’ignore) de la transformation de tout énoncé en n’importe quoi qui serait à minima son contraire, ce « monde des non-A » dont le nexialisme science-fictionnesque d’Alfred Van Vogt, nous le rappelions, plane encore confusément sur les abracadabrantes uchronies géo-politiques de l’éditorialiste Alexandre Adler -, consultons la notice bio-bibliographique que Daniel Franco se consacre modestement à lui-même, et à son dessein :
« Daniel Franco est philosophe et vit à Bruxelles.
Depuis plusieurs années, il publie dans de nombreuses revues (Les Temps Modernes, Purple Journal, Pylone). Certaines pages d’opinion ont également paru dans les journaux Le Monde et Libération.
Ces écrits portent notamment sur la situation tragique au Moyen Orient, qu’il inscrit dans le champ aujourd’hui labouré en tous sens de ce qu’on appelle les « quêtes identitaires ». Il mobilise à ce sujet le legs mythologique ancien, non comme des matrices intemporelles, des cadres inusables, mais comme une sorte de calmant, l’auxiliaire de cette vue dégagée que les Grecs appelaient « théorie ». Œdipe, après avoir résolu l’énigme du Sphinx à Thèbes, libère cette autre peste qui lacère toute peau, qui réfute toute apparence : la volonté d’identité. Cette volonté est vaine, et déçue nécessairement, pour la raison que l’identité n’existe pas, ou pas à la manière d’un objet pour la volonté. Seule existe, et à peine saisissable, à la façon d’un mystère, la ressemblance. Narcisse, fils du fleuve Céphyse, au bord de l’eau, en est le héros émerveillé et dramatiquement inassouvi. Les morales sont limpides : Oedipe à la fin se crève les yeux; Narcisse jusque dans l’extrême douleur s’empêche de les fermer. C’est dans la filiation de ce regard à toute épreuve, somme toute très peu narcissique, que nous souhaitons déployer notre réflexion et jeter, vraiment jeter, nos filets. »
Diantre ! Vaste et noble programme que voilà, n’était l’onctuosité vague d’un « gai-savoir » fort mal imité, et dont l’imitation engendre un charivari nébuleux qui, déjà, berce nos oreilles .
Le « legs mythologique ancien », comme une sorte de « calmant », « auxiliaire de la théorie », remède contre cette « peste qui lacère toute peau : la volonté d’identité ». Jetant, vraiment, jetant ses filets dans la filiation de ce regard, il est bien dommage que Daniel Franco se crève aussitôt l’œil perçant, pour aboutir au résultat résolument inverse de ce qu’il préconisait : à savoir se jeter, tout brûlant, lui aussi, dans le feu vif du vertige identitaire qu’il dénonce. Encore une apprentie midinette sur le retour qui s’est brûlée les ailes, à trop vouloir tâter de la volupté des phares aveuglants de la pensée contemporaine télévisuelle, donc.
Le primo-pataquès au sujet d’un développement de Badiou incroyablement mal compris («il serait terrible pour les juifs, cette multiplicité vivante, de laisser le mot dont ils se réclament, et qui est lié de longue date aux aventures de l’universel, devenir l’emblème du capitalisme modernisé, de la xénophobie antiarabe ou antiafricaine et des guerres américaines») , et synthétisé comme seuls les bâcleurs de seconde session examinatoire en sont capables, ayant été « upgradé » par l’impétrant récipiendaire lui-même, il importe donc, si on n’a vraiment que ça à faire, d’examiner les sidérants syllogismes auxquels sa mise au point donne lieu.
Nous lisons en effet, dans l’addendum :
« J’ai écrit dans mon papier qu’on était amené à en conclure, « en bonne logique, que s’attaquer à l’oligarchie revenait toujours jusqu’à un certain point à s’attaquer aux juifs ». J’ajoutais : « que derrière le très reconnu pouvoir des riches opère secrètement un règne des juifs » : cette dernière phrase, j’en conviens, est excessive et indéfendable. Si on me l’accorde, je souhaite l’annuler. »
Passons rapidement, et par pudeur, sur cette mansuétude de type joffrinesque qui consiste à annuler « magiquement » ses propres contorsions sémantiques par de plates excuses, que seuls quelques rabat-joie jésuitiques renâcleraient à accorder.
Ce n’est pas que ce soit excessif et indéfendable, cela relève tout simplement de ce qu’il faut bien appeler, sans crainte ni tremblement, de la malhonnêteté intellectuelle, de la fraude.
Cette malhonnêteté, sous les auspices d’un sophisme nov’languien qui vaudrait séance tenante à notre érudit-polémiste de prytanées une annulation rétro-active de la mention de bachelier, assortie d’une proposition de réorientation drastique du cursus vers une formation de greffier en procès staliniens en Syldavie septentrionale, a en effet de quoi surprendre :
il s’agit « simplement » de renverser, cul par dessus tête, un argumentaire visant à mettre en garde la tentation d’ériger en « identité essentialiste » le statut universaliste, multiplicitaire, du Juif : son cosmopolitisme, le façonnement de son identité dans et par les différences, les greffes géo-culturelles, la destinerrance, dirait Jacques Derrida.
Que les Juifs, représentants éminents, dans l’histoire et la formation de l’Europe, de cette destinerrance, aient été précisément ce peuple non assignable à un sol, une Nation, une loi du sol et du sang, inquiétant par là les identités archaïques et fantasmées du collectif, voilà bien ce qui précisément jetait dans l’effroi, la terreur, la crispation identitaire, la haine xéno-phobe fondamentale, vertige d’un ciment identitaire, ces idéologues mystiques de l’Identité à soi-même des peuples, que furent les Drumont, les Maurras les Bernanos.
Il serait terrible, donc, que soient attisées de nouvelles haines identitaires, désignés à la vindicte de nouveaux boucs-émissaires, infligés de nouveaux stigmates ethno-religieux, encouragés les « chocs » des civilisations, par le pilonnage incessant de ces sophismes médiatiques, de cette rhétorique irresponsable de « diabolisations » en tous genre que pratiquent ceux qui aujourd’hui stigmatisent le pluri-ethnisme, EN LEUR NOM, au nom des Juifs, persécutés précisément par la logique délirante des pires fantasmes identitaires, aux effets inéluctablement meurtriers et bellicistes.
Voilà ce qui serait terrible, en effet. Cet usage de la victimologie appliquée, qui rabaisse lui-même la dignité du Juif, sa positivité, sa multiplicité, sa complexité, échappant aux codages identitaires et territorialistes. Ce retournement, cette intériorisation du stigmate, qui l’inciteraient à se définir et à s’envisager essentiellement comme victime. Les vrais philosophes, de Spinoza à Deleuze, ont toujours dénoncé avec force l’affirmation de soi par réactivité, le mensonge d’une éthique négative, d’une éthique qui ne peut penser le Bien que sur le fond d’un mal radical ou originaire. Badiou, qu’on l’apprécie ou pas, est un de derniers philosophes à s’inscrire aujourd’hui dans cette rare lignée.
Et voilà que sous les auspices d’une rhétorique frauduleuse, Daniel Franco se met en devoir de faire de « A » un « non-A » et de « non-A » un « A » : prétendant, croit-il, mener bataille contre le mythe de l’identité, il brandit une identité par réactivité, une identité qui ne saurait être que de victime, pour qualifier d’antisémite un penseur qui nous met en garde, dans la grande tradition d’un rationalisme universaliste, contre le syllogisme redoutable consistant à « retourner » le refus de l’oppression au nom des vertiges identitaires en vertige identitaire autorisant la stigmatisation de l’autre par de nouvelles oppressions.
Consistant, pour le dire autrement, à instrumentaliser purement et simplement le concept d’identité : refuser que le statut de Juif soit instrumentalisé au nom de l’affirmation belliciste d’un désir d’empire fondé sur le choc civilisationnel, c’est distribuer la haine du Juif. La paix, c’est la guerre, la guerre, c’est la paix.
Seuls quelques demeurés semi-trotskystes, et céliniens de la grande banlieue, refusent encore de souscrire à cette saine, évidente et implacable logique. Honte à eux. Ils feront triste mine dans les poubelles de l’Histoire, quand Philippe Val, messager éclairé des valeurs laïques et républicaines, sera enterré au Panthéon.
Examinons à présent comment, dans l’auto-absolution de son propre pataquès, Monsieur Franco, tel l’Ouroboros, n’en finit plus de se consommer lui-même, en s’égarant, à l’infini, dans le labyrinthe de la machine « volapuk » à pomper et à improviser des sophismes, qu’il a lui-même engendrée :
« La question que je pose est celle-ci : quel rapport entre la critique de l’oligarchie et les juifs ? Comment celui qui critique l’oligarchie ou la démocratie minimale et minable qui lui sert d’alibi, en vient-il à parler des juifs ? Autant que je sache, nul besoin de parler des juifs pour critiquer les inégalités de pouvoir soutenues par des inégalités de richesse. »
Autant en effet que vous le sachiez, Monsieur Franco, c’est vous-même, en votre complétude auto-suffisante, qui avez déduit votre conclusion de vos propres prémisses : ayant vous-même postulé, en l’effaçant aussitôt, l’adéquation oligarchie-Juifs, c’est vous et vous seul qui en conséquence avez « besoin » de parler des Juifs pour parler de ceux qui critiquent les oligarchies. Vous exploitez vous-même, en le posant comme principe de votre « démonstration », le stéréotype ou amalgame antisémite de l’adéquation juif/oligarque, pour ensuite valider l’adéquation antisémite/anti-oligarque.
Inutile de rappeler, par incidence, que cette profuse dialectique rame à côté de la montre en or, puisque Alexandre Adler s’est chargé de vous instruire au sujet d’un autre amalgame fâcheux, qui a la vie dure chez les boutiquiers feignants et les militants staliniens d’une paresse chère à Paul Lafargue : Sarkozy n’est pas « majoritairement » juif (en l’attente de l’expertise de tests adn qui pourraient faire prochainement les gros titres du Figaro), quoique symboliquement juif par le seul fait que ceux qui critiquent le sarkozysme voit en lui une « intolérable promotion de l’Etranger » (sur ce coup, Adler n’a franchement pas manqué d’un certain toupet, quand on sait à quel point la politique sarkozyenne actuelle de « gestion » du non-Français est un modèle envié d’hospitalité).
Mais plus ponctuellement, vous amalgamez, en l’escamotant, votre gigantomachie ultra-personnelle vis-à-vis de Badiou, laquelle semble motiver l’essentiel de votre intervention dans le champ médiatique, profitant pour cela de l’amalgame préalablement agencé par BHL lors de son intervention dans l’affaire Siné/Val, qui n’en demandait pas tant.
D’amalgame en amalgames d’amalgames, vous irez loi, mon petit (vieux).
Il faut dire que la non-pensée médiatique que vous flattez, lustrez même, vilain stratège en vedettariat mondain que vous êtes, se nourrit quasi exclusivement de cette syllogistique incomparable, dont l’écran de fumée nous divertit tant et tant depuis que les ailes des nains de la pensée, brassant l’air de leurs frénétiques et infatigables moignons, ne les empêchent nullement de voler, et de planer, en haute altitude, sur le paysage « intellectuel » franco-français qu’ils se sont bâti à leur propre mesure.
Cheminons, avec vous, vers la fine pointe de votre ultime ( ?) et vaudevillesque rebond :
« A-t-on connaissance d’intellectuels juifs favorables au capitalisme, aux invasions américaines et hostiles sans mesure aux Africains et aux Arabes, sans doute aux populations d’Islam ? Oui, on les connaît ? Combien sont-ils, une poignée ? Une dizaine ? D’après le Talmud, le monde repose sur la présence de dix justes. Faut-il croire que dans le Talmud de Badiou, le sens du mot ’juif’repose sur dix salauds ? Si les juifs sont « liés de longue date aux aventures de l’universel » – ce qui est exact et c’est même peu dire – par quel renversement démoniaque ces mêmes juifs devraient-ils s’inquiéter du destin de leur nom au seul motif qu’une dizaine d’entre eux ont depuis peu rompu ce lien. Cette phrase, pour moi, c’est l’horreur pure. J’ai rappelé dans mon texte que la série «le capitalisme, la xénophobie, les guerres» reprenait point par point un très vieux et tenace grief. Avec cette phrase, Alain Badiou pose le pied dans la boue. Connaissant son œuvre, je peux témoigner parmi de nombreux autres que cette boue lui est absolument étrangère. L’accusation s’en trouve plus légère ; une explication est d’autant plus requise. »
Saluons cet brillant exercice de chantage qui repose essentiellement sur une confusion persistante qui annule d’emblée l’ensemble de votre prétendu combat contre le mythe des Identités :
une fois de plus, dans votre théâtrale geste, c’est vous-même, en votre plénitude, qui, à l’instar des « nouveaux philosophes » précités, folâtrez dans les plus téméraires amalgames et stéréotypes identitaires entre Juif, Capitaliste, citoyen d’Israël, militant sioniste, etc.
Tout juif n’est pas « par essence » capitaliste, tout capitaliste n’est pas « par essence » juif, tout juif n’est pas « par essence » militant sioniste, tout militant sioniste n’est pas « par essence » capitaliste, tout militant sioniste n’est pas « par essence » militant anti-palestinien, tout militant pro-palestinien n’est pas « par essence » non-juif, etc etc.
Ça fait donc beaucoup de monde.
Vous jouez, vous, par contre, inlassablement, d’une ambiguité entretenue sur le nom de « Juif », en vertu de laquelle, comme tant attendu, vous vous auto-accordez le droit de soupçonner d’antisémitisme toute personne, et votre golem intime en particulier, qui se refuse précisément à ces honteux et frauduleux amalgames. Qui, à part vous et quelques rhéteurs, diabolisent en définitive une « essence » du Juif ? Qui, mais qui ?
Cher pompier et pompeux pyromane, maintenant que vous vous êtes à jamais immolé sur l’autel de la tartufferie intellectuelle, en tentant le coup de dé ultime destiné à vous faire passer pour un philosophe digne de débattre avec un autre philosophe aux yeux de pseudo-philosophes médiatiques, que ne retournez-vous à vos cyber-journaux intimes, où tant de plumivores douloureusement lyriques régalent, et vous le faites si bien, les amateurs de mauvaises imitations pseudo-poétiques, mais authentiquement fumeuses, des vrais Bégayeurs de la pensée ?


vendredi 25 septembre 2009

l'affaire Val-Siné (2)



(4 août 2008, suite)

Val, désormais, est une Victime de l’anti-sionisme. Sa messagerie est littéralement agonie d’antisémites. Il va donc devoir se cacher, tout comme Redeker était harcelé par les islamo-fascistes. Pour s’expliquer à la rentrée, entre deux gardes du corps, à l’émission de Ruquier. Et sans doute faire un peu de retape pour l’essai sur Kant qu’il rédigera en captivité : « Prolégomènes à toute bouffonnerie future qui voudra se présenter comme science ». Ou « Le cirage de pompes dans les limites de la simple raison ».

Pour Joffrin, le dérapage sémantique sur la “race” était gros comme la baraque à frites à côté de chez moi, juste derrière le pont de Fragnée.

Le pire, c’est que Joffrin, se corrigeant, postule que le terme était “mal choisi”.

“Mal choisi”.

Hum.

Ce n’est pas une question de mauvais choix. Ce Joffrin (diplômé de sciences po, pourtant), ne semble pas avoir été bien loadé sur le fait que le concept de “races”, on l’a pourtant assez répété, est l’origine même d’une perception de l’être humain qu’on nomme précisément “racisme”. Soit une biologisation des groupes ethniques. On pouvait encore lire ça dans les manuels scolaires de géographie des années cinquante.

Un mec très “rigoureux”, quoi.

Quant à Alexandre Adler, dans sa missive éditoriale, il troue véritablement la couche d’ozone. Il se surpasse.
Dans un élan de lyrisme qui a tout d’une montée vertigineuse de speed, il en est à comparer Val à Zola.

La bouffonnerie est à son acmé :

« La France tombe souvent très bas, mais se relève ensuite plus haut que n’importe laquelle des autres nations de l’Europe. Aujourd’hui, on voit en tout cas qui a la trempe d’un Zola, d’un général Picard : c’est Philippe Val. Et qui a la bassesse de Drumont, de Maurras ou de Bernanos : ce sont les pétitionnaires semi-trotskistes en faveur de l’éternel stalinien Siné. »

Belle envolée oraculaire et prophétique, digne d’un Charles péguy.
Ah oui, comme dab, il use de la rhétorique de l’ancien stalinien pur sucre qui dissimule ses casseroles derrière la bimbeloterie des ex-petits camarades : traiter tout le monde de stalinien, allez hop.

Adler est un bosseur acharné: quand il ne ronfle pas dans un coin de studio, par suite de digestion laborieuse d’un veau-marengo enfilé à la va-vite à la cantine de France-Culture, il collectionne des potiquets où il place des séries d’étiquettes définitionnelles à haute valeur ajoutée de pertinence socio-géo-politique.

Par exemple, quand il s’agit pour Adler de s’essayer à discréditer un gnouf qui fait rien qu’à ennuyer un de ses potes médiacrates néocon, il mélange ses potiquets en se demandant: “alors, qu’est-ce que je vais bien pouvoir agencer comme étiquette sublimissime qui fera bien rigoler un de mes potes médiacrates… Stalino-célinien, non, d’jà fait… maoiste-robespierrien, non, trop subtil, et ça pourrait indisposer Gluckie, trotskard néo-évangélique… staliniste célinien de la grande banlieue… ah ça sonne pas mal, je prends” :

« La réalité, c’est que le terme «anar» ne signifie pas ici l’anarchisme politique qui eut ses gloires parfois et sa dignité toujours, celui de Durruti en Espagne, de Rudolf Rocker en Allemagne, mais plutôt les borborygmes haineux des Céline de grande banlieue (dont Céline lui-même) qui font régulièrement leur apparition dans notre paysage littéraire comme autant de bulles de méthane sur un étang pollué. »

La charge habituelle, au tarif économique. Adler ne se foule pas des masses. Il doit être en vacances. Relevons cependant le tropisme qui organise cette intimidante assimilation : « de grande banlieue ».

La « grande banlieue ».

C’est superbe.

C’est que Adler, tout comme Val, ont beau être des démocrates convaincus, il n’aiment pas trop le “peuple” (à prononcer comme Michel Serrault dans “la gueule de l’autre” de Pierre Tchernia).

Le “peuple”, c’est la grande banlieue.
Il n’y pousse que des stalinistes, des céliniens, des staliniens et des célinistes.
Quand Adler et Val prennent un taxi pour se recueillir sur la tombe d’Emile Zola entre deux émissions sur l’augmentation d’la r’crudescence des staliniens altermondialistes dans l’Ardèche francomtoise, ils mettent des raybanes au moment de traverser la grande banlieue, à fond sur le champignon.
Pour éviter les hordes d’internautes antisémites célinostalinistes, qui sentent le graillon, écoutent dans des caves des samplings d’accordéon de Verchuren, et qui pullulent par là-bas. Pire que Chinatown, la nuit, la veille de Halloween.

Pour le reste, c’est l’habituel, désormais, écran de fumée. Même ou surtout en période estivale, faut absolument détourner l’attention sur tout ce qui se passe, et peaufiner une story-telling savamment entretenue, un véritable work in progress. Pas un jour ne passe sans qu’une pierre ne soit posée sur l’édifice du néo-mythe fondateur du redressement d’une France moderne, progressiste, éreintée par la feignardise (sic) et par l’obscurantisme régressif d’une gauche aplatie (et, en effet, totalement aplatie, c’est clair).

La nouvelle construction sémantique, qui était déjà prête à l’emploi, en “expérimentation”, mais qui n’attendait que la chiquenaude conjoncturelle pour passer au stade de musellement terminal de toute opposition politique, c’est, entre autres, Adler qui nous la susurre, dans un salmigondis rhétorique proprement hallucinant, marque de très grande chaleur, qui lui permet d’agencer cette description visionnaire, digne de figurer soit dans les plus beaux récits de SF de Van Vogt marqués par la sémantique générale d’Alfred Korzybski, soit dans les sagas d’heroïc-fantazy les plus pré-dianoétiques de Ron Hubbard:

« Qu’est-ce qui unit de part le monde un islamiste marocain, un communiste russe déçu, un pasteur africain-américain ségrégationniste à l’envers, un intellectuel anglais semi-aristocratique et antiaméricain… et un adversaire rabique du président Nicolas Sarkozy, qui voit en lui l’inacceptable promotion de l’étranger ? L’antisémitisme sert ici de ciment à un authentique vertige identitaire. Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Et pourquoi les juifs semblent-ils ne pas souffrir de ce même vertige ? La réponse est d’ailleurs simple : les juifs aussi, de part le monde, souffrent de ce même vertige. Mais revenons un instant sur la haine antisarkozyste : on aura beau rappeler que le président n’est ni juif par la religion ni même très majoritairement par l’origine, de même qu’on constatera que le président s’est illustré depuis un an par une attention sans faille aux difficultés du monde arabe et a incarné, parfois à tort à mon avis, un recentrement assez sceptique de la politique européenne de la France : qu’importe, dans une mondialisation impétueuse que certains, à droite comme à gauche, vivent comme une agression permanente, un homme, Nicolas Sarkozy, proclame, sans cesse, qu’il est une opportunité pour une France qui peut se secouer de la rancœur petite-bourgeoise de la corporation et de l’éloge de la PARESSE [nous soulignons], et voici que les antisémites, comme un essaim de mouches, s’en prennent à sa personne, ou, le cas échéant, à celle de son fils. »

Ce qu’il faudrait retenir, dans ce fatras hypnagogique de semi-aristocratisme, vertige identitaire, haine rabique et autres combinaisons oulipiennes fondées sur la concaténation de fréquences statistiques et d’allitérations euphoniques, c’est ce message quasi subliminal, destiné à frapper notre mauvaise conscience :

Sarkozy est PRESQUE juif.

Ce qui explique que tous ceux qui ne sont pas sarkozystes sont, soit des antisémites qui ne se cachent même plus, soit des proto-antisémites en devenir.

Sarkozy est une Victime, par procuration, par détournement, de cette vieille France réactionnaire en proie à ses démons nationalistes.
Sarkozy et son fiston sont les boucs-émissaires d’une résurgence juillettiste canon de tous les Maurras et les Drumont de la haute banlieue (sic), cette France qui fonde son identité sur la haine de l’Autre, et du Juif en particulier.

« Ciment du vertige identitaire » ou « Vertige du ciment identitaire », on ne sait plus très bien, en effet, à ce degré vertigineux de rhétorique onctuo-fumeuse de ségrégationnismes à l’envers, paradoxes à l’endroit, et gymnoconcepts systématiquement flous et de traviole, ce qui cimente quoi. Une chose est claire, Adler nous mitonne bien là, à son tour, un chef d’oeuvre absolu de Nov’langue, consistant à inverser point par point toutes les données du problème, tordre le langage comme une serpillière pour le faire accoucher des contre-vérités les plus énormes (plus c’est gros, plus ça passe), tenter d’escamoter la réalité de la politique socio-économique du président Sarkozy derrière un mur de fumée aussi opaque que la pellicule technicolor du Jour et la Nuit, l’unique essai à ce jour de BHL dans le domaine de l’Art Total, et il faut le dire, de très loin sa production la plus convaincante.

La France va mal. Très mal. Et la Belgique ne va pas bien non plus.