(4 août 2008, suite)
Val, désormais, est une Victime de l’anti-sionisme. Sa messagerie est littéralement agonie d’antisémites. Il va donc devoir se cacher, tout comme Redeker était harcelé par les islamo-fascistes. Pour s’expliquer à la rentrée, entre deux gardes du corps, à l’émission de Ruquier. Et sans doute faire un peu de retape pour l’essai sur Kant qu’il rédigera en captivité : « Prolégomènes à toute bouffonnerie future qui voudra se présenter comme science ». Ou « Le cirage de pompes dans les limites de la simple raison ».
Pour Joffrin, le dérapage sémantique sur la “race” était gros comme la baraque à frites à côté de chez moi, juste derrière le pont de Fragnée.
Le pire, c’est que Joffrin, se corrigeant, postule que le terme était “mal choisi”.
“Mal choisi”.
Hum.
Ce n’est pas une question de mauvais choix. Ce Joffrin (diplômé de sciences po, pourtant), ne semble pas avoir été bien loadé sur le fait que le concept de “races”, on l’a pourtant assez répété, est l’origine même d’une perception de l’être humain qu’on nomme précisément “racisme”. Soit une biologisation des groupes ethniques. On pouvait encore lire ça dans les manuels scolaires de géographie des années cinquante.
Un mec très “rigoureux”, quoi.
Quant à Alexandre Adler, dans sa missive éditoriale, il troue véritablement la couche d’ozone. Il se surpasse.
Dans un élan de lyrisme qui a tout d’une montée vertigineuse de speed, il en est à comparer Val à Zola.
La bouffonnerie est à son acmé :
« La France tombe souvent très bas, mais se relève ensuite plus haut que n’importe laquelle des autres nations de l’Europe. Aujourd’hui, on voit en tout cas qui a la trempe d’un Zola, d’un général Picard : c’est Philippe Val. Et qui a la bassesse de Drumont, de Maurras ou de Bernanos : ce sont les pétitionnaires semi-trotskistes en faveur de l’éternel stalinien Siné. »
Belle envolée oraculaire et prophétique, digne d’un Charles péguy.
Ah oui, comme dab, il use de la rhétorique de l’ancien stalinien pur sucre qui dissimule ses casseroles derrière la bimbeloterie des ex-petits camarades : traiter tout le monde de stalinien, allez hop.
Adler est un bosseur acharné: quand il ne ronfle pas dans un coin de studio, par suite de digestion laborieuse d’un veau-marengo enfilé à la va-vite à la cantine de France-Culture, il collectionne des potiquets où il place des séries d’étiquettes définitionnelles à haute valeur ajoutée de pertinence socio-géo-politique.
Par exemple, quand il s’agit pour Adler de s’essayer à discréditer un gnouf qui fait rien qu’à ennuyer un de ses potes médiacrates néocon, il mélange ses potiquets en se demandant: “alors, qu’est-ce que je vais bien pouvoir agencer comme étiquette sublimissime qui fera bien rigoler un de mes potes médiacrates… Stalino-célinien, non, d’jà fait… maoiste-robespierrien, non, trop subtil, et ça pourrait indisposer Gluckie, trotskard néo-évangélique… staliniste célinien de la grande banlieue… ah ça sonne pas mal, je prends” :
« La réalité, c’est que le terme «anar» ne signifie pas ici l’anarchisme politique qui eut ses gloires parfois et sa dignité toujours, celui de Durruti en Espagne, de Rudolf Rocker en Allemagne, mais plutôt les borborygmes haineux des Céline de grande banlieue (dont Céline lui-même) qui font régulièrement leur apparition dans notre paysage littéraire comme autant de bulles de méthane sur un étang pollué. »
La charge habituelle, au tarif économique. Adler ne se foule pas des masses. Il doit être en vacances. Relevons cependant le tropisme qui organise cette intimidante assimilation : « de grande banlieue ».
La « grande banlieue ».
C’est superbe.
C’est que Adler, tout comme Val, ont beau être des démocrates convaincus, il n’aiment pas trop le “peuple” (à prononcer comme Michel Serrault dans “la gueule de l’autre” de Pierre Tchernia).
Le “peuple”, c’est la grande banlieue.
Il n’y pousse que des stalinistes, des céliniens, des staliniens et des célinistes.
Quand Adler et Val prennent un taxi pour se recueillir sur la tombe d’Emile Zola entre deux émissions sur l’augmentation d’la r’crudescence des staliniens altermondialistes dans l’Ardèche francomtoise, ils mettent des raybanes au moment de traverser la grande banlieue, à fond sur le champignon.
Pour éviter les hordes d’internautes antisémites célinostalinistes, qui sentent le graillon, écoutent dans des caves des samplings d’accordéon de Verchuren, et qui pullulent par là-bas. Pire que Chinatown, la nuit, la veille de Halloween.
Pour le reste, c’est l’habituel, désormais, écran de fumée. Même ou surtout en période estivale, faut absolument détourner l’attention sur tout ce qui se passe, et peaufiner une story-telling savamment entretenue, un véritable work in progress. Pas un jour ne passe sans qu’une pierre ne soit posée sur l’édifice du néo-mythe fondateur du redressement d’une France moderne, progressiste, éreintée par la feignardise (sic) et par l’obscurantisme régressif d’une gauche aplatie (et, en effet, totalement aplatie, c’est clair).
La nouvelle construction sémantique, qui était déjà prête à l’emploi, en “expérimentation”, mais qui n’attendait que la chiquenaude conjoncturelle pour passer au stade de musellement terminal de toute opposition politique, c’est, entre autres, Adler qui nous la susurre, dans un salmigondis rhétorique proprement hallucinant, marque de très grande chaleur, qui lui permet d’agencer cette description visionnaire, digne de figurer soit dans les plus beaux récits de SF de Van Vogt marqués par la sémantique générale d’Alfred Korzybski, soit dans les sagas d’heroïc-fantazy les plus pré-dianoétiques de Ron Hubbard:
« Qu’est-ce qui unit de part le monde un islamiste marocain, un communiste russe déçu, un pasteur africain-américain ségrégationniste à l’envers, un intellectuel anglais semi-aristocratique et antiaméricain… et un adversaire rabique du président Nicolas Sarkozy, qui voit en lui l’inacceptable promotion de l’étranger ? L’antisémitisme sert ici de ciment à un authentique vertige identitaire. Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Et pourquoi les juifs semblent-ils ne pas souffrir de ce même vertige ? La réponse est d’ailleurs simple : les juifs aussi, de part le monde, souffrent de ce même vertige. Mais revenons un instant sur la haine antisarkozyste : on aura beau rappeler que le président n’est ni juif par la religion ni même très majoritairement par l’origine, de même qu’on constatera que le président s’est illustré depuis un an par une attention sans faille aux difficultés du monde arabe et a incarné, parfois à tort à mon avis, un recentrement assez sceptique de la politique européenne de la France : qu’importe, dans une mondialisation impétueuse que certains, à droite comme à gauche, vivent comme une agression permanente, un homme, Nicolas Sarkozy, proclame, sans cesse, qu’il est une opportunité pour une France qui peut se secouer de la rancœur petite-bourgeoise de la corporation et de l’éloge de la PARESSE [nous soulignons], et voici que les antisémites, comme un essaim de mouches, s’en prennent à sa personne, ou, le cas échéant, à celle de son fils. »
Ce qu’il faudrait retenir, dans ce fatras hypnagogique de semi-aristocratisme, vertige identitaire, haine rabique et autres combinaisons oulipiennes fondées sur la concaténation de fréquences statistiques et d’allitérations euphoniques, c’est ce message quasi subliminal, destiné à frapper notre mauvaise conscience :
Sarkozy est PRESQUE juif.
Ce qui explique que tous ceux qui ne sont pas sarkozystes sont, soit des antisémites qui ne se cachent même plus, soit des proto-antisémites en devenir.
Sarkozy est une Victime, par procuration, par détournement, de cette vieille France réactionnaire en proie à ses démons nationalistes.
Sarkozy et son fiston sont les boucs-émissaires d’une résurgence juillettiste canon de tous les Maurras et les Drumont de la haute banlieue (sic), cette France qui fonde son identité sur la haine de l’Autre, et du Juif en particulier.
« Ciment du vertige identitaire » ou « Vertige du ciment identitaire », on ne sait plus très bien, en effet, à ce degré vertigineux de rhétorique onctuo-fumeuse de ségrégationnismes à l’envers, paradoxes à l’endroit, et gymnoconcepts systématiquement flous et de traviole, ce qui cimente quoi. Une chose est claire, Adler nous mitonne bien là, à son tour, un chef d’oeuvre absolu de Nov’langue, consistant à inverser point par point toutes les données du problème, tordre le langage comme une serpillière pour le faire accoucher des contre-vérités les plus énormes (plus c’est gros, plus ça passe), tenter d’escamoter la réalité de la politique socio-économique du président Sarkozy derrière un mur de fumée aussi opaque que la pellicule technicolor du Jour et la Nuit, l’unique essai à ce jour de BHL dans le domaine de l’Art Total, et il faut le dire, de très loin sa production la plus convaincante.
La France va mal. Très mal. Et la Belgique ne va pas bien non plus.
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