Affichage des articles dont le libellé est campagne électorale. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est campagne électorale. Afficher tous les articles

mercredi 5 mai 2010

dans les 2000 micro-organismes par minute (à peu près)


 22h40. J'écoute dans l'casque "i want you" de Laurent Zyvoul sur le Gothique flamboyant pop dancing tour.
On sonne à la porte.
Diantre, qui ça peut donc bien être à cette heure-ci?
Le ministre de l'enseignement de la communauté française en personne de lui-même, suite à ma lettre de candidature canon pour la promo 2010?
 Mince, j'espère que c'est pas l'aut'zigue de la semaine dernière, un ancien de la faculté, celui que je croise tous les deux ans et qui me tient au courant de l'avancée de ses travaux (après avoir résolu conjointement la quadrature du cercle, le mystère du nombre pi, et bouleversé les lois de passage de la logique modale, un pas décisif a été franchi, avec des applications dans le secteur industriel de la bureautique: une nouvelle logique bivalente non-contradictoire détruisant les illusions de la métaphysique occidentale, et accessoirement inspirée par la pensée d'Auguste Comte. Vazy Marcel, lâche pas le morceau, tu tiens le bon bout, là).

Je me penche à la fenêtre.

Y a un type bizarre tout en bas près de la porte, que j'ai jamais vu de ma vie.

Le sosie parfait de Germain Dufour, mais sans les favoris. Et en plus jeune.

Alors ça c'est pas commun. D'autant que je pense rarement à Germain Dufour.
Pour qui ne le saurait pas, Germain Dufour est un moine capucin liégeois devenu sénateur Ecolo puis candidat communiste puis redevenu prêtre. Puis après je sais pas, on sait plus. Enfin, si, c'est mis dans google qu'il est actuellement "vicaire dominical attaché à la paroisse de Wasmes-Audemetz-Briffoeil, dans l’entité de Péruwelz" (c'est pas du flan. Et tout ce que je vais raconter plus bas, c'est absolument véridique aussi). On le croise parfois sur la place du marché, pieds nus dans ses sandales, comme Jésus. Mais c'est pas lui. C'est pas Dufour.




- Vous êtes monsieur Pericolosospore? Qu'y m'fait. 
- Oui, c'est bien moi. 
- Bonsoir monsieur Pericolosospore, excusez-moi de vous déranger à cette heure-ci. Je m'appelle moi-même Pericolosospore. Je voudrais parler avec vous, et vous demander si vous souhaitez devenir membre du nouveau parti politique que j'ai créé pour les prochaines élections.
- Excusez, je comprends rien à ce que vous me dites, là (il fait venteux). Si vous voulez bien patienter quelques minutes, je descends.

Je descends.

- Voilà. Pardon. Oui, monsieur, c'est pour?
- Vous êtes bien monsieur Pericolosospore?
- Oui je suis Pericolosospore, il n'y a pas de problème, c'est moi (frisson dans l'échine: y m'ont retrouvé, les salauds. Y a la camionnette garée plus loin...)
- Je suis un Pericolosospore aussi.
- Ah bon, vous êtes un Pericolosospore? Comment ça se fait que vous savez que je suis un Pericolosospore?
- Parce que j'ai sonné à votre nom.
- Oui, ça fait sens. [...] Vous sonnez à tous les Pericolosospore? 
- Oui.
- Vous les cherchez dans l'annuaire?
- Oui (sourire malicieux, d'où: pépète)
- Alors, donc, c'est pour... euh...
- Le parti politique.
- C'est-à-dire?
- Le parti écologiste-nationaliste-wallon.
- C'est quoi, ça?
- C'est le parti que j'ai fondé.
- C'est bizarre, comme nom.
- Non, c'est normal: c'est pour l'écologie, le nationalisme et la Wallonie.
- Oui, mais ça va pas bien ensemble, ça.
- Si, ça va ensemble, pourquoi?
- Bon, écoutez, je sais pas moi. Comment on peut être écologiste et nationaliste, tout d'abord?
- C'est normal: c'est les racines. C'est les origines.
- Ah, vous êtes écologiste dans ce sens là... Vous recherchez vos racines?
- Non, je veux défendre mes racines. C'est important, les racines.
- C'est pas du tout évident, si vous me permettez. Et c'est quoi, vos racines?
- Tout d'abord, mes racines, c'est que je m'appelle Pericolosospore.
- Ah bon. Vos racines, c'est Pericolosospore. Vous voulez fonder le parti des Pericolosospore.
- Je commence par les Pericolosospore, c'est logique, non?
- Oui, enfin, ça fait sens, si vous voulez. [...] Vous avez contacté beaucoup de Pericolosospore, déjà?
- Oui, deux.
- Et qu'est-ce qu'ils ont dit? 
- Enfin, c'est à dire... Le premier est parti il y a trois mois. Le deuxième était absent depuis quatre heures.
- Donc, vous n'avez pas pu leur parler?
- Non.
- Alors, je suis le premier Pericolosospore à qui vous parlez.
- Oui, en ce sens, vous êtes le premier (sourire malicieux. D'où: re-pépète)
- Vous savez que c'est très curieux, voire bizarre, votre affaire?
- Non, c'est logique.
- Permettez-moi de vous dire que ça vous semble peut-être logique. Mais ça peut ne pas l'être pour tout le monde. Donc. En résumé. Vous voulez fonder le parti écologiste nationaliste wallon, et vous commencez par les Pericolosospore en tant que Pericolosospore vous-même. C'est la base.
- Oui, c'est la base.
- Bon, allez. Je dois avouer que votre démarche est assez comique. Vous êtes sympathisant du dadaïsme, ou du surréalisme? Allez, c'est un canular, allez. Où est la caméra cachée? Je vous connais, c'est ça? Vous êtes du forum des... enfin, de... Vous êtes Balthazar Claës! (je pointe un doigt scrutateur sur un bouton de sa veste, qu'est plutôt une sorte de parka en raintex).
- (sourire malicieux) Non non, ce n'est pas une blague. C'est très sérieux. C'est un parti écologiste nationaliste wallon, pour combattre les étrangers, les intégristes islamistes et les terroristes.
- Ouhlà, ouhlà. Attendez attendez, là. Qu'est ce que c'est cette histoire d'écologie d'extrême droite, là. C'est n'importe quoi, là. Qui... Quels étrangers, d'abord? C'est des fariboles, tout ça, vous êtes en plein fantasme, là, c'est... c'est, d'où vous sortez ce discours, vous gobez toutes les conneries que vous regardez à la télé ou que vous lisez dans les gazettes, ou je ne sais pas...
- Non non, il suffit de voir ce qui se passe; j'observe autour de moi, je regarde, c'est tout. C'est mon expérience personnelle, je parle de ce que je connais.
- Quoi, comment ça, quelle expérience? Vous connaissez des étrangers intégristes? Vous avez vu des terroristes? Attendez attendez... Je crois, et pardonnez moi si je vous rudoie, mais vous savez que, enfin, quand-même, vous êtes en plein délire, là, vous le savez, quand-même, non?
- Non non, c'est la réalité. Je m'appelle Pericolosospore, et Pericolosospore, c'est un nom belge. Je suis belge, vous êtes belge. C'est dans la généalogie.
- Non non, mais attendez, là. Je suis à peine belge, hein, moi. Pericolosospore, c'est que la moitié de mon nom. Moi, je suis étranger, je suis égyptien pour l'autre moitié. Si ça se trouve, je suis un terroriste.
- Non, vous êtes belge, ça se voit bien que vous êtes belge; vous êtes né ici, vous êtes un Pericolosospore, donc vous avez du sang belge. Nous avons, les Pericolosospore, nos origines du côté celtique, et des Vikings, aussi.

(Bon, alors, ici, je passe sur toute une longue partie, assez technique, au cours de laquelle j'ai tenu à lui expliquer en détail, avec moult argumentations, que la Belgique, ça n'avait pas de racines, qu'y avait pas d'identité des Belges, que les Belges étaient nés d'une opérette, que nous sommes tous des étrangers sur la terre, que la terre elle-même est une planète étrangère, que nous avons étés créés artificiellement, en laboratoire, par des aliens, pleins d'autres trucs, plus politiques, à la Chomsky, sur les voiles, les écrans de fumée pour polluer le temps de cerveau disponible, pour faire peur, pour endormir, faire cauchemarder les asthéniques et bercer les insomniaques, pour cacher, escamoter, les seuls vrais problèmes concrets, qui sont l'écrasement des pauvres par les riches, pis aussi qu'y fallait pas croire Jules César quand il parlait des vikings les plus braves de la Gaule, que Jules César avait été victime d'une erreur de son géo-cartographe personnel, et bien d'autres choses. Il s'est montré sensible à certains aspects de mon argumentaire, pas à d'autres. Je préfère pas préciser lesquels).

- Quoi, sinon, je comprends qu'en fait, vous vous intéressez, pour vous-même, je veux dire, à un problème particulier, qui est celui de vos origines à vous, en gros, quoi. Mais votre origine à vous, vos racines à vous, je veux dire, vos racines généalogiques, de Pericolosospore.
- Oui, c'est normal, c'est logique, tout part de mes racines. Il n'y a rien de plus logique. Je pars de moi-même. Je pars de Pericolosospore. J'étudie aussi la génétique de Pericolosospore.
- Enfin, la génétique, la génétique, c'est pas, c'est pas... Quoi, la génétique?
- Oui, les gènes.
- Non, mais vous confondez tout, hein, c'est grave, hein, ici, non mais c'est très grave, attendez. On parle de la genèse, là.
- La genèse? Comment ça, la genèse? 
- Oui, la genèse du nom de Pericolosospore.
- Non, je ne m'occupe pas de la genèse. Je ne suis pas catholique, je suis écologiste, nationaliste, et wallon.

(Ici, je passe aussi, y a eu tout un exposé assez chiadé sur la genèse, biblique, pas biblique, et dieu dans tout ça, mais bon il se faisait qu'il était athée. Juste écologiste-nationaliste-wallon, rien de plus, rien de moins. On revenait toujours à ça. La base)

- (L'oeil se mettant légèrement à briller, mu par une inspiration subite, et constatant que je faisais un peu "savant" sur les bords) Vous avez fait des recherches sur l'origine de Pericolosospore?
- Ah oui, ça oui. Vous savez, on trouve tout, hein, sur internet, les moteurs de recherche.
- Les moteurs?
- De recherche. Internet. Vous ne... enfin, vous n'avez pas d'ordinateur, je suppose...
- Non, pas actuellement, mais c'est prévu.
- Et bien quand vous aurez l'occasion, vous pourrez trouver des tas d'informations sur l'origine des Pericolosospore. Ah oui, clairement, très clairement. Y a tout.
- Moi, je suis un Pericolosospore de Waremme.
- Ah, pas moi.
- Vous êtes de quelle branche de Pericolosospore?
- Ouhlà... C'est loin, trèès loin. Du côté de Dinant. Une partie seulement, j'insiste.
- (vivement intéressé) Vous connaissez peut-être l'origine précise de Pericolosospore...
- Pas... forcément précisément, mais ce que je sais, ce que je peux vous dire, c'est que "Pericolosospore" a une origine précise du côté du nom donné aux oies élevées dans les campagnes, en basse Normandie. Au Moyen Age. Les pyriscolopores.
- Des Oies?
- Oui, oui, des Oies. Des volatiles, quoi. Des Oies, comme la terrine du même nom.
- En Normandie... C'est étrange.
- En basse Normandie, oui. Mais c'est la réalité.
- Il faudra que je me renseigne.
- Oui, ça, faut le faire, vous apprendrez des tas de choses...
- C'est peut-être une piste intéressante, mais il y en a beaucoup d'autres.
- ça, je ne dis pas. Bien sûr. Mais c'est à creuser. Vous aimez les animaux, je suppose. Non?
- Oui, bien sûr, j'aime la nature, j'aime les animaux. Sinon je ne serais pas écologiste. C'est notre milieu, c'est notre patrimoine, c'est ça qu'il faut préserver.
- Les animaux wallons, surtout. Non?
- Bien sûr, puisque je suis wallon. C'est logique.
- Parce que moi, attention, je ne suis pas écologiste, enfin, pas au sens que je devine être le vôtre. Mais j'aime beaucoup les animaux. Même, je me passionne pour les animaux. Je suis très très curieux des animaux, toutes les variétés d'animaux... C'est un univers fascinant, inépuisable... Et j'ai un respect absolu pour toutes les formes de vie existantes, hein. Par exemple, je n'ai jamais, je dis bien jamais, écrasé ne serait-ce qu'une fourmi.
- Oui, peut-être, les fourmis. Mais non, c'est possible que vous ayez écrasé des tas de fourmis.
- Ah! Oui, à mon corps défendant, vous voulez dire, à mon insu. Oui, ça, c'est possible, malheureusement, on voit pas, on sait pas, y a des herbes, on marche...
- Parce qu'on tue, avec les pots d'échappement des voitures.
- Certainement. Certainement. Avec les pots d'échappement. Oui. Et les roues de vélo sur les terrains de moto-cross. Mais rien qu'en parlant, déjà, en ce moment même, vous et moi, nous engloutissons 2000 micro-organismes. A peu près. Par minute. Et vous savez, par exemple, attention: les enfants qui s'amusent avec les ailes des mouches (je mime un petit enfant qui démembre une mouche).
- (y regarde mes mains d'un air inquiet) Les enfants, les mouches? Ah non, ça moi non, jamais.
- Ah parce que attention, y a des enfants cruels, qui enlèvent les ailes des mouches, pour en faire des araignées. Et puis qui les écrasent contre le mur. Et ça, moi, je ne tolère pas.
- Non non, moi je n'ai pas enlevé les ailes de mouches.
- Vous êtes sûr?  Parce que attention, hein.

(Y a eu ensuite un débat pointu sur les centrales nucléaires, mais je passe aussi)


- (J'lui demande) Vous connaissez Germain Dufour?
- Non.
- Ah bon, j'aurais cru... Parce que vous lui ressemblez étonnamment. Vous avez un air de famille..
- Non... Je ne vois pas qui c'est.
- C'est un écologiste.
- C'est possible... (dubitatif). Ce nom ne me dit rien.
- Vous n'allez jamais à l'église? Vous...
- O-oh, non. Oh non, non non...
- Et sinon, veuillez m'excuser si je vous pose une question personnelle, vous n'êtes pas obligé de me répondre, mais, par curiosité. Vous en avez parlé, dans votre famille, de votre parti écologiste nationaliste wallon?
- J'en ai parlé avec mon père.
- Qu'est-ce qu'il en pense?
- Il n'est pas tellement d'accord... Pour "écologiste".
- Et euh, pardon si je suis encore indiscret, vous faites... quoi, dans la vie?
- Je suis sur la mutuelle.
- Vous êtes sur la mutuelle, euh... Vous êtes chômeur donc, vous... enfin, comme moi.
- Non, à la mutuelle seulement.
- Et avant, vous faisiez quoi?
- J'étais facteur.
- Facteur? Et, quoi... ça na pas marché?
- Quatre mois.
- Vous avez été facteur pendant quatre mois.
- Il y a 18 ans.
- Ah, c'était y a longtemps, alors. 
- Oui, enfin. Pas tellement.   
- Et vous cherchez un autre travail, sinon?
- Oui, j'ai posé ma candidature chez les pompiers.
- Les pompiers. Mais, enfin, les pompiers. Quoi, les... pompiers? (je mime, je sais pas pourquoi, un mec qui agite un volant de bagnole de gauche à droite avec une expression de ravissement idiot. Il opine du chef, presque mélancolique).
- C'est important, les pompiers, c'est un service à la communauté; c'est pour aider les gens, moi, je suis pour rendre service aux gens.
-  Oh, mais c'est un métier très dur, hein. Et très dangereux. En cas de colis piégé, c'est les premiers exposés.
- Justement, c'est pour sauver des vies. J'ai rempli tous les formulaires de sélection. J'attends de passer les entretiens.
- (un accès de cruauté, soudain) Non mais écoutez, c'est pas sérieux. Vous n'avez plus l'âge d'être pompier, écoutez, vous savez qu'y a une limite d'âge, pour les pompiers. Vous avez quel âge, vous, par exemple?
- 47 ans.
- Ah non mais non, attendez, 47 ans, c'est trop vieux, hein. C'est beaucoup trop vieux, ça marchera jamais. Puis, vous ne me semblez pas en grande forme physique, enfin si vous me permettez.
- Oh mais je suis en pleine forme. Déjà parce que je marche beaucoup.
- Oui, la marche, mais bon, la marche...
Mais il faut de la force, euh (je bombe le pectoral), y faut... du muscle (je lève le poing, comme dans une manif de "force ouvrière"). 
- Mais c'est prévu, ça, je vais suivre un entrainement de musculation.
- C'est bien, y faut. C'est un atout. Mais bon, là, c'est pas la priorité pour vous, on est d'accord.
- Non, actuellement, je m'occupe de trouver des adhérents pour mon parti politique. Il y a beaucoup de choses à faire, par rapport aux étrangers, surtout. Les étrangers en Wallonie, les menaces terroristes...
- Ecoutez, je vous écoute, je ne souhaite pas discuter davantage, vous le comprendrez aisément, de votre... projet, de votre parti des Pericolosospore wallons, mais je veux vous dire que, d'abord, il faut bien comprendre ceci. Il faut savoir, voyez-vous, que peut-être, oui, vous allez rencontrer d'autres Pericolosospore, oui, peut-être.
- Sûrement, sûrement.
- Oui, sûrement, enfin bon. Y aura des Pericolosospore, d'accord. Y en aura. C'est sûr. Et c'est sûr aussi que vous allez fédérer des Pericolosospore avec votre programme, mais je peux vous dire une chose. Et excusez-moi de vous le dire franchement, ce n'est pas pour vous blesser, mais les seuls Pericolosospore que vous allez fédérez, ce sera de deux types bien particuliers de Pericolosospore. Premièrement, y aura des... enfin, des "malades" si vous voulez (j'fais des guillemets avec les doigts), des malades de la tête (j'indique  ma zone temporale), vous savez, des détraqués, des gens qui ont, donc, si vous voulez, des problèmes, de santé mentale, en gros, pour simplifier. Tout d'abord. Et peut-être, même sûrement, permettez-moi de vous mettre en garde, et c'est pour votre bien, des violents, des brutaux, des qui vont vous taper dessus, vous imaginez, ça, je pense...
- M'ouiiiii, c'est possible, je ne sais pas, non... (d'un ton sceptique, peu concerné).
- Si si, des violents, et vous le savez peut-être ou peut-être pas, mais vous savez qu'il y a beaucoup de malades mentaux, chez eux, qui sont chez eux. Mais qui pourraient être hors de chez eux. A l'asile psychiatrique. Par exemple. Oui sinon, alors, la deuxième catégorie de Péricolosospore que vous allez fédérer, ce sont des nazis, des skinheads d'extrême-droite, vous savez, qui n'ont plus de cheveux (je tapote mon crâne avec la main) et qu'ont des battes de base-ball dans leur cagibi et tout ça, hein.
- M'ouiii, on verra.
- On verra, on verra. C'est tout vu, attention. Bon, alors, vous allez... voir d'autres Pericolosospore.
- Oui ah ça, oui. Je dois réunir 500 signatures.
- Mais y a pas 500 Pericolosospore. Du moins dans la région liégeoise.
- Non, peut-être pas. Mais j'étends aussi à l'entourage. Je m'intéresse d'abord aux Pericolosospore, parce que c'est mes racines, puis après, la famille, les voisins les amis...
- Comme Jean-Marie Le Pen(w).
- Comment ça?
- Vous connaissez Jean-Marie Le Penw?
- Oui oui, je connais, de nom.
- Oui, Jean-Marie Le Penw, c'est ce qu'il disait: mon père et ma mère comptent plus pour moi que mes frères et mes sœurs; mes frères et sœurs comptent plus que mes neveux et nièces, qui comptent plus que mes cousins, cousines; puis les oncles, les tantes. Mon quartier compte plus pour moi que celui d'en face, et ma ville plus que le département, et mon pays est plus important que le pays d'à côté, etc.
- Et bien oui, c'est naturel, c'est logique.
- C'est logique si vous pensez que vous êtes le centre du monde.
- Oui, mais c'est normal, tout le monde fait comme ça. Vous aussi, vous pensez d'abord aux gens qui sont proches de vous.
- Des Pericolosospore?
- Des Pericolosospore. C'est naturel, c'est logique. Tout le monde fait pareil, vous feriez pareil.
- Mais allez ça veut rien dire, c'est pas naturel du tout, ça. Quoi...Qui... Si... si vous vous êtes un centre, alors tout le monde part aussi de son centre, et alors vous, vous êtes à la périphérie de son centre, et lui au centre de vot'périphérie, ça... ça veut plus rien dire, votre truc. Y a plus de centre, y a plus de périphérie, y a... y a plus rien. Quoi. C'est du délire. Vous êtes un dangereux, vous...
- Pas du tout. Je ne suis pas du tout dangereux. Ils font comme ça dans tous les autres pays, ils pensent d'abord à eux, et ils vivent entre eux. Et ici, les étrangers, ils vivent entre-eux, et ils s'occupent d'abord d'eux, c'est logique. C'est normal qu'ils vivent chez eux, pas chez nous.
- Mais ne faites pas de politique, alors, restez chez vous,  bien tranquille, à vous occuper de vos Pericolosospore à vous, si ça vous chante, et finalement occupez-vous de vous-même et laissez les autres Péricolosospore tranquilles à s'occuper de leur centre dont vous n'êtes même pas la périphérie hein qu'est-ce que c'est que cette histoire; c'est pas ça la politique,  la politique, c'est pas de vouloir organiser le monde à partir de son centre personnel, c'est pas comme ça qu'on fait de la politique, c'est pas...
- Mais si, c'est justement pour ça que je fais de la politique; je vous l'ai expliqué tout à l'heure. Je suis écologiste, nationaliste, et wallon. Et comme je fonde mon parti politique, je commence par les Pericolosospore. Il n'y a rien de plus logique, c'est tout à fait normal. Ce n'est peut-être pas normal pour vous, mais pour moi, c'est tout à fait normal. C'est logique.   
- Non, ce n'est pas logique. C'est même complètement illogique, sachez-le. Vous êtes un intégriste, un intégriste de vous-même.
- Oh-oh-oh, vous vous trompez, je ne suis pas un intégriste, ce n'est pas moi qui suis un intégriste, ce sont les étrangers qui veulent nous imposer leurs lois, et qui commettent des attentats terroristes.
- Écoutez-moi bien, et je vous l'ai dit tout à l'heure: vous vous trompez dans la compréhension de vous-même, de qui vous êtes. Votre centre, ce n'est pas que vous soyez un Pericolosospore wallon, ça, ça veut rien dire. Votre centre, il est où, votre centre? C'est ça la question. 
- Mon centre, c'est mes racines, le pays où je suis né, c'est d'être wallon.  
- Demandez-vous où est vraiment votre centre, quelle est votre place dans la société. C'est ça le problème. Le problème, c'est que vous n'avez pas de place dans la société, wallonne ou pas wallonne. C'est le problème de tous ceux qui comme vous, comme moi, n'ont pas de travail. Ils sont exclus du système économique; ça n'a rien à voir avec les "étrangers". Vous êtes un étranger vous-même. Je suis un étranger. Même sans aucun "étranger", en Belgique, en Wallonie, vous resterez exclu, vous resterez hors de la société. Vous n'irez pas chez les pompiers. Vous n'avez pas les qualifications pour ça, c'est tout. Aucun rapport avec des étrangers quels qu'ils soient. Et vous ne ferez jamais un parti politique, vous avez conscience, de ça?
- Je ne vois pas ce qui s'y oppose. C'est un droit démocratique.
- Les plus nationalistes et les plus xénophobes, en Wallonie ou en Flandre, qui font déjà la même politique que vous, avec vos idées, vous en empêcheront, vous n'irez nulle part. Vous avez l'air d'un militant gauchiste. Ils vous enverront paître: allez, ouste,  du vent, du balais, c'est ça qu'y vont vous dire, les autres Pericolosospore.
- Oh, ce n'est pas sûr du tout (sourire malicieux).
- Non, c'est vrai, ce n'est pas sûr. Vous aurez peut-être une liste de 30 "simplets", c'est tout (j'fais des guillemets avec les doigts). Parce que ce que vous dites, c'est simplet, et ça n'attirera que des simplets. Non pas que vous soyez simplet, comprenons-nous bien, mais peut-être que vous n'êtes pas tout seul. Peut-être que vous êtes conseillé par des gens qui vous utilisent. Vous êtes en contact avec des gens? On vous a promis que vous rentreriez chez les pompiers si vous réunissez le parti des simplets (j'fais plus de guillemets)?
- Non, c'est une initiative personnelle. J'ai adhéré au parti écologiste, mais je les ai quittés, parce qu'ils ne représentaient plus mes idées.
- Si vous voulez faire de la politique, faites de la politique, chez vous, en restant bien tranquille chez vous, avec des idées logiques, pas avec des idées illogiques pour vous exclure vous-même encore plus, et les gens qui sont dans la même situation que vous. 
- C'est justement pour cela que je fonde un nouveau parti, écologiste, nationaliste et wallon. Les étrangers occupent les place des wallons. Sans les étrangers, il n'y aura plus de chômage en Wallonie.
- Non, ça c'est ce que voudraient vous faire croire tous ceux qui vous utilisent, qui vous ont mis ces idées dans la tête, parce que vous ne comprenez rien à la politique ni à l'économie, mais si vous le voulez bien, on va pas reprendre cette conversation à l'infini... Il est tard... Non, moi ce que je vous conseille, c'est de faire chez vous l'arbre généalogique des Pericolosospore; ça, c'est gentil et ça n'embête personne. Y en a qui collectionnent les timbres-postes, vous, vous étudiez l'origine des Pericolosospore, ça suffira bien comme ça.
- Oui... Et donc vous êtes sûr que vous ne voulez pas rejoindre mon parti?
- Non, oui, je suis sûr, ça, il n'y a pas de doute possible là-dessus, non, vraiment. C'est pas douteux du tout pas du tout douteux. C'est...
- Et bien, bonsoir monsieur. Merci de m'avoir accordé votre attention.
- Bonsoir. Prenez bien soin de vous. Et attention, hein, pour les ailes des mouches.
- Non non non, ça non, il n'y a pas de... (fait-il en s'éloignant d'un pas précautionneux).
- Parce que je vous surveille, hein, même de loin. Je vois TOUT (je lève un  index prophétique). Bonsoir. Rentrez-bien... à Waremme.



          
                                          




                                                "Ouete d'Egypte" (photographie Christophe Eyquem)