mercredi 13 mars 2013

La mort des Trucs...



Pourquoi ce long silence? Pourquoi cette retraite scripturale lancinante, souciante, voire insupportable - dommageable surtout pour les exigences et les avancées de la Science Universelle, à laquelle je contribue vaille que vaille dans la solitude la plus ingrate et le je m'en fichisme quasi absolu de mes contemporains? Hm?
C'est que - scuzi de souffrir - je suis passé par une sorte de micro-phase dépressive. Après l'inexplicable et soudaine trépanation de mon Lacie Porsche-truc de 2 To qui contenait plus de 300 films (ainsi que plein de choses inavouables loadées avec une ferveur jésuitique sur le net) dont je n'avais pas encore vu le quart, et que j'avais patiemment choisis et engrangés. A vrai dire, je n'en suis pas encore sorti. Y a un terrible et dantesque acting-out qui se prépare. Je le sens dans les turbines rouillées de mon organisme, au son des os qui craquent et au senti des mystérieuses courbatures qui m'affligent.



Laissez-moi vous raconter l'horrible histoire de ce Lacie, saloperie de chien infidèle.



Réputé l'étalon de sa catégorie, ceci justifiant un coût bonbon, vanté partout, comme par ces vendus pourris de chez "les numériques", ce HDD élégant et classieux, à la coque rassurante toute de métal brossé, inspire la confiance, endort toute inquiétude. Le fourbe.

Fort d'une expérience d'archivage heureuse - et qui dure toujours (qu'à dieu ne plaise, et je touche du bois) avec mes déjà vieux Toshiba StorE-Alu 3,5'' (6 ans, quand-même), remplis jusqu'à la couenne, j'avais rangé au rayon des habitudes obsolètes la gravure sur dvd. Habitudes anachroniques autant qu'insatisfaisantes, monologuais-je d'un ton pénétré ne souffrant nulle contradiction: "je vais pas m'faire chier à compresser des bidules de 7,9 gigas, alors que je peux les mater tels qu'en eux-mêmes l'éternité les fige, à loisir, tantôt sur mon merveilleux écran à rétroéclairage led de 23 pouces et à angles de visions ouverts IPS, tantôt sur la tv via mon précieux moviecube Emtec doté d'une connectique digne de Hal (et d'un DD interne Hitachi, une valeur sûre, si)".

Ainsi archivais-je, tranquille et badin, oublieux de l'oubli, chefs d’œuvre et nanars se côtoyant sur mon Lacie dans la plus parfaite égalité démocratique ranciérienne. Sans même penser à en dresser la liste. Plaisir du choix inspiré dans l'instant non délibéré.
Or j'aurais du. Faire quelques captures d'écran de cette putain de liste. Quelques minutes eussent suffit. Car le trauma suscité par l'extinction définitive de ce Lacie porschiné à la flan a engendré lui-même une amnésie quasi-instantanée de son feu-contenu volatilisé. L'horreur, sans nom. Et j'en témoigne: le Nam, en regard d'une expérience aussi extrême, est une douce promenade champêtre. Là résida ma micro-dépression: dans la suture mémorielle, par laquelle je m'interdis alors, et m'interdis encore, de me souvenir de tout ce que j'ai perdu.
Parfois, ces dernières semaines, je passe en trainant les pieds (et ça fait pfschh pfschh sur le balatum mal ciré) devant les rayonnages de la médiathèque, l’œil torve et éteint, un pli amer sur la commissure des lèvres, refusant de lire les titres des pochettes pour ne pas réveiller cette douleur aigüe. On peut sans crainte parler ici de deuil pathologique. Amenez moi un szondien, que je lui épile les moyes...


De cette épreuve malheureuse, il convient, là encore, de tirer des enseignements positifs. Vous ne le savez que trop bien, car c'est ma devise, "une mauvaise expérience vaut mieux qu'un bon conseil".
Désormais, j'ai pigé, là, c'est bon. Mieux vaut archiver les trucs sur des dvds, même à moitié compressés. Ou alors systématiquement copier ses fichiers sur un disque jumeau que t'allumes presque jamais, pour l'éconono, l'éconono - l'économiser, bordel. Un dvd, ça peut te lâcher, s'effacer, dit-on, dans un avenir encore indéterminé, ou passer sous un pneu michelin, une rappe à fromage... Mais tu perds pas 300 films d'un coup, en 1 seconde.

En plus, j'le sais, maintenant: Lacie, ça fait longtemps qu'y fabriquent plus eux-mêmes leurs disques durs. Y s'contentent de la coque, de laisser son design à je ne sais quel Philippe Starck à la manque ou à ne je sais quel concepteur de décapotables automobiles pour rentiers althussériens au gras bide et aux bajoues flacides. Le disque dur lui-même, ici, c'était un Seagate. Seagate... Laisse moi m'marrer... C'est comme si tu confiais la pratique du concept spinozien de Désir à une oblate infibulée, la direction d'un centre pour l'égalité des chances à Patrick Bateman, l'idée de socialisme à Elio Di Rupo. Ou encore - je sais pas moi - comme si tu attribuais un ministère de l'enseignement à Jean-Claude Marcourt, une chronique d'art à Cédric Wautier (*), un Magritte d'or à Jaco Van Dormael, etc.

Non, Toshiba je dis. Avec un Toshiba, tu sais où tu vas: ça ne paie peut-être pas de mine, mais ça chauffe pas, jamais, pis c'est silencieux. Et à un prix défiant toute concurrence. C'est des gens sérieux, chez Toshiba.



(*)