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samedi 21 novembre 2009

Les gens savent plus causer...


Bon, je repasse par ici parce que j'ai un truc sévère à dire sur le plan du niveau de l'entendement de la question de l'existentiel, faut toujours creuser du côté de l'existentiel, comme je dis toujours c'est là que gît le mystère de la vie du vivant, pis ça me démangeait - je l'avoue je l'admets je ne le renie point oh non ça jamais - de me réessayer à l'écriture, cette espèce de truc aberrant qu'on se demande bien qu'est-ce ça peut foutre pis de toute façon ça fout, faire ça ou peigner la girafe, faut vraiment rien avoir à foutt et ça tombe bien parce que justement, bingo, j'ai rien à foutt, après un mois d'inactivité absolutely totale proprement indescriptible, tu peux pas imaginer, un embryon de méduse échoué sur la grève un dimanche à Ostende, c'est plus actif. Levé à 18h couché à 9h du matin,  je sais même plus à quoi ressemble la lumière du jour automnal, et ça m'inquiète un peu je dois dire, surtout depuis que je suis tombé sur cette émission où on expliquait que le manque d'exposition aux particules de photons influe sur le moral, même qu'y faudrait s'acheter un masque et se le foutre sur la tronche pour se  bombarder de photons vu qu'on manque de lumière en cette saison où les jours raccourcissent à vue d'oeil; grave mais grave, et j'ai  même pas envoyé une seule lettre de motivation au secrétariat du ministère du temps libre pour implorer un futur ex-décisionnaire responsable de la mobilité des ressources humaines du personnel de la gare de triage désaffectée de Quincampoix-nord, d'entrer comme préposé aux lettres de réclamation au rebut. De toute façon c'est poubelle direct avec ces gens-là y a un truc, je dis bien un, qui leur démange le fion, cette saloperie de zone du corps humain la moins fournie en photons, c'est peu d'le dire: c'est le sens de la politesse, de l'enchainement service-volée et surtout comment dire l'empathie qui est une faculté passionnante et vraiment sous-estimée mais passons.

Non ce que je voulais dire c'est que j'ai croisé y a une semaine une vague connaissance qui habite juste au dessus du night-shop où je vais acheter mes clopes, en face du Théâtre de la place. Le genre de mec un poil collant qu'a rien à dire mais faut absolument qu'il le dise à quelqu'un, surtout après minuit sinon il se choppe une crise d'angoisse et moi que voulez-vous l'éthique de la réponse j'ai ça dans le sang, pour ainsi dire, sans parler de l'empathie dont j'ai accumulé une telle réserve que je peux en distribuer à la cantonade à tous les proto-dépressifs du quartier, et avec cette maestria de l'entertainment combiné à l'understatment qui caractérisent ma faculté quasi innée à mettre de la joie autour de moi, sans déconner j'irradie de bonne humeur contagieuse comme une pile atomique même si la comparaison est un tantinet foireuse mais foin de vain ergotage, le mec, à peine m'aperçoit-il de sa fenêtre qu'il se met à hurler à la mort en faisant de grands gestes avec ses mains partant de la poitrine:


" eh Jerzy, tu sais quoi, Jerzy? Eh Jerzy, je suis timoré, Jerzy, timoré, tu m'entends: TI-MO-RÉ !"

Alors moi saisi par une pudeur un peu étrange, et pour le coup timoré, je balbutie un truc, le nez en l'air et le sourcil s'excusant presque:

"euh, pardon, je vois pas bien ce que tu veux dire; pourquoi, euh, timoré, c'est pas ça timoré, tu m'as pas l'air timoré si tu veux..."

" Ah bon, qu'y fait l'air soudain abattu, ça veut dire quoi "timoré"?


"Ben, je sais pas, timoré ça veut dire je sais pas moi, craintif, quelqu'un qui n'ose pas faire quelque chose, quoi..."

"Ah oui pardon Jerzy, je voulais dire un autre mot, je me suis trompé excuse-moi, non, je veux dire - et le voilà qui se remet à faire de grands gestes brassant l'air autour du sternum comme s'il allait s'envoler tel un pélican aux ailes délicates et néanmoins majestueuses: "je... je suis... je suis maudit, voilà, c'est le mot que je cherchais, je suis maudit, Jerzy, MAUDIT!

" Whoua bon ce n'est que ça, pfff, que je réponds, pas du tout surpris ni démonté, ben oui t'inquiète pô va, moi aussi j'suis maudit, on est tous maudits, y a pas vraiment de problème. Puis comme disait Beckett, tu sais bien, c'est pas exactement ça mais c'est de mémoire: "je tiens à dire avant tout que je ne pardonne à personne, je souhaite à tous une vie atroce et ensuite la  flamme et les glaces des enfers et aux exécrables générations à venir une mémoire honorée".

Là-dessus, le gars, tout ragaillardi, l'arborait une banane d'enfer: "Ah Jerzy excuse-moi, tu m'fais rire, tu m'fais toujours rire, je ne saurais pas t'expliquer mais vraiment tu m'fais rire."

On a donc partagé un peu de ce rire, sans excès car je traine toujours un petit pet de travers et après tout ça fait une partie de mon charme et ça me rend encore plus drôle, si possible, puis j'ai pris congé et je suis rentré chez moi, moins guilleret que lorsque j'en suis sorti...


Sur le chemin, je pensais: timoré, timoré, moi aussi je suis timoré, et en plus je suis maudit, je vois vraiment pas pourquoi y s'excite, l'autre, là, comme s'il venait de décrocher la timbale en or massif... Chaque solution a son problème, ah non, c'est le contraire. Bah, n'y pensons plus nous aurons bien le temps d'y revenir, avec le retour des photons. Enfin bon, une bonne clope, un bon dvd, pis un bon bain et c'est marre.