samedi 26 septembre 2009

psittacus project 5.3.1.


Ce texte magnifique sur Birdy, donc, un chant magnétique vespéral, non seulement très sympathique, mais encore impayablement drôlatique, suscita éventuellement moue dubitative et regimbante.

Peu importa.

Je renonce provisoirement à en déplier ici (cf. cependant "psittacus project 5.3.2.") toutes les riches correspondances ouvragées, et psittacosées avec une maestria sans limites, qui le promeuvent au rang d'une simio-poétique incandescente.. Mes fans s'en chargeront.

Qu'il me suffise de dire que j'en suis un fervent admirateur. Le projet perroquet 5.3.1. initie une ère nouvelle de la modernité littéraire, l'authentique révolution copernicienne d'une jouissance labiale en prise directe sur son inconscient.

Osons le dire, et je cite moi-même la postface de la monographie qui m'est consacrée à titre posthume:


Ainsi Psittacus, portant jusqu'à son terme, avec témérité et d'une main ferme, le projet harassant qui le hanta toute son existence: devenir l'original de sa propre copie, laissera à la postérité la tâche infinie de déchiffrer l'insondable borne hiéroglyphique de son Oeuvre, lancée, comme un défi, aux siècles à venir. Ultime provocation d'un génie sauvage, rieur et frondeur, faisant voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative. Faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative n'était pas une mince affaire. Nombre de plumitifs tombés dans l'oubli s'y sont cassé le bec. L'entreprise en effet, plus que risquée, réclamait une lucidité sans faille dans l'appréciation d'un tel projet.

Psittacus s'acquitta de ce projet.

Non seulement il s'en acquitta, mais encore il parvint, ce n'est pas là le moindre de ses mérites, à excéder les limites qu'il s'était imposées. Transcendant, par une prise de risque qui faillit bien des fois le conduire aux abords de la folie (en témoigne un passage de la correspondance omnibus qui le menait quotidiennement de Verviers-central à Verviers-central : "mince, je ne suis plus le Psittacus que j'ai connu"), les percées somme toute auto-limitantes de la pataphysique verviétoise, il parvint, au prix d'une auto-discipline de fer, se vouant à cet apostolat avec l'inexorable intégrité de ceux qui ont conscience de refermer les portes ouvertes, et de frayer des sentiers où jamais la main du serpent ne s'était aventurée à mettre le pied, non seulement à faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative, mais encore à poser les jalons d'une nouvelle science, crainte par Kierkegaard, entrevue par Heidegger, élaborée par Alexandre Kojève, éditée sous le manteau par Queneau,  saluée par Deleuze, vilipendée par Bouveresse, pillée par Rémy Bricka, et ultimement rejetée par Karl Popper: la science infalsifiablement réfutable de la mimétologie généralisée.
Psittacus, rappelons-le à ceux qui l'ignorent encore, avait tenté de lancer dans les années 50, entre autres projets infructueux, le "cercle de Verviers" (Psittacus project 5.2.0), dont il fut et resta l'unique membre honoraire, en soutien tardif au "cercle de Vienne".

Selon Psittacus, en effet (in "Psittacus auteur du Ménard"):

" En l'état actuel de nos connaissances en éthologie, rien ne permet d'établir avec certitude si Konrad Lorenz se prenait lui-même pour un cygne sauvage suivant des canards anthropomorphes ou, à l'inverse, était lui-même un canard sauvage suivant à la télévision un film de Michel Audiard en croyant le précéder ".

Wittgenstein, dont le violon d'Ingres était le piano (il jouait avec la main gauche de son frère invalide de la Grande guerre les "morceaux en forme de poire" de Satie, portant la mention non-valide bien connue "à jouer comme un rossignol qui aurait mal aux dents"), n'a pas manqué d'ironiser sur cette conjecture, en écrivant dans ses "investigations philosophiques":

"rien ne permet d'établir avec certitude si Psittacus se prend pour un perroquet imitant un canidé imitant la voix de son maître sur un gramophone pathé-marconi ou, à l'inverse, est lui-même un gramophone pathé-marconi imitant un canidé imitant la voix de son perroquet".


Tout ceci relève désormais du registre des anecdotes plaisantes qu'on aime à évoquer entre initiés dans les causeries d'épistémologie anglo-saxonne.
Le travail solitaire entrepris et mené à bien par Psittacus au cercle de Verviers a pâti de cette imagerie quelque peu obsolète, et bien entendu, comme on l'imagine, fut éclipsé par l'ombre tutélaire de Wittgenstein. On trouve encore mention, cependant, des écrits de Psittacus dans l'anthologie des fous littéraires d'André Blavier.

Il importe pourtant de reconsidérer aujourd'hui d'un oeil neuf, et au delà des saillies spirituelles - parfois injustement méprisantes - qui ont fait florès dans l'histoire des Idées du XXè siècle, l'oeuvre solitaire menée d'arrache pied par Psittacus entre 1953 et 1965.
Dans l'extrême dénuement d'une psychè tourmentée par ses propres golems, qui eux-mêmes étaient les golems d'un golem premier à jamais oublié, il sut puiser avec obstination dans les réserves limitées d'une culture et d'une épistémologie invariablement verviétoises, et assumer cette limite jusqu'à esquisser les contours d'une finitude radicale du savoir humain. Un savoir humain encerclé par les tropes d'une révolution résolument et authentiquement copernicienne.

Il partit en effet de son centre, qui n'était nulle part, avec la ferme intention de renouveler la preuve ontologique de l'existence de la périphérie de ce centre. Psittacus était rien de moins que kantien, et sa démarche unique en porte la marque radicalisée, et inouïe, par bien des aspects.

L'impossibilité, assumée, d'envisager la périphérie et l'extraphérie du centre verviétois l'amenèrent à poser thésiquement l'axiome apriorique et solipiste suivant:

"c'est bien parce que nous ne disposons, en tout état de cause, pas d'autre centre, ou point de vue, ou subjectum, que le centre verviétois, que nous devons impérativement revenir à ce centre même, pour rendre compte du caractère originairement excentré du centre, soit encore, pour avérer que ce centre est tout entier la preuve nécessaire et suffisante de sa propre ex-centricité".

La prose éclatée et éclatante de Psittacus est certes difficile à cerner. Et pour cause, puisqu'elle ne cesse de faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative, comme on le rappelle plus haut.
Canardus psittacosé second, un de ses plus fidèles disciples, nous paraît résumer cette axiomatique sartro-kantienne en des termes plus à même de toucher le grand public (le public, donc, de la périphérie verviétoise, voire de ses alentours):

"le centre ne se constitue comme centre que comme habitant une extériorité qui n'est pas lui, dont il est lui-même, in fine et ab origine la périphérie elle-même".

C'est donc à partir du centre lui-même, et en y revenant, qu'on peut et qu'on doit comprendre que ce centre est lui-même second par rapport à une excentricité ou extériorité premières qu'il n'est pas, et dont, par essence et signifiance, il ne peut que rendre compte. En somme, le centre (que constitue Verviers, ainsi que l'ancrage verviétois que constitue l'épistémologie psittacienne), est paradoxalement fondateur parce qu'il est fondé sur et par autre chose que lui-même.
Pour le dire autrement encore, le centre est l'excédent lui-même qui ne cesse d'être excédé par ce qu'il excède.
Alan Badius, dans son traité de la quadrature psittacosienne, a tenté d'axiomatiser le théorème auto-différentiel de cette tournure de pensée qui, à maints égards, demeure une énigme autant qu'un défi:

"SOIT le Psittacus comme tel est exclusivement instituable dans son centre (psittaco-verviétois) par ce qui l'excède, et dans ce cas l'excès en question pourrait se passer du Psittacus pour être défini, SOIT le Psittacus institue-t-il son centre comme l'excédant lui-même, et dans ce cas ce qui excède le Psittacus reste dans le Psittacus: l'excès non-psittaciste, le hors-psittacus sont ce dont sa psittacicité elle-même rend compte".

En tant que matérialiste athée, nous pouvons et nous devons ajouter foi au seul membre second de l'alternative. Que nous formaliserons par le monome binarisé suivant:

"Pour toute périphérie verviétoise dont au moins 1 psittacus est le centre, il existe un 0 divisé par -1 = (psittacus) x la somme des angles droits du cercle quadraturé "

Le psittacisme confluant à l'intersection ferroviaire des correspondances omnibus entre Verviers-central et Verviers-central peut et doit dès lors être considéré comme une variante indémontrable du tombeau d'Edgar Alan Poe (par conversion du corbeau en perroquet): soit un calme bloc ici bas chu d'un désastre obscur. La révolution copernicienne est donc l'événement "never-more" à venir dont Psittacus 5.3.1 est le nom de code chiffré.

Psittacus est un Léon-Blumisme transcendantal.
Il annonce la redistribution radicale du pécule sarkozyste (majoré à 170% ) + la refonte des bijoux de la castafiore, pour une somme finie de congés payés sur le front de mer, où maints steamers balançant leur mâture lèveront l'ancre pour une exotique nature."

On ne saurait mieux définir - grâce soit rendue à Badius, exhumant enfin Psittacus de sa crypte - le "cercle discursif" psittaciste, qui fait voler en éclat, non seulement les limites traditionnelles de la prose récitative, mais encore l'onto-théologie sous-jacente de tout cercle spéculatif qui prétend en finir avec le psittacisme.
Le psittacisme, se revivifiant aux sources d'un kantisme débarrassé du concept de noumène comme concept régulateur vide (de toute intuition), est donc à la fois un idéalisme transcendantal et un réalisme critique. Il engendre lui-même sa révolution autour et hors de son propre centre, parce que le centre qui le constitue est lui-même une périphérie seconde par rapport à une extériorité radicale préexistante.
Telle est l'audace du psittacisme radical.
Et Badius, en psittaco-lacanien, l'avait fort bien compris, qui s'en inspira à juste titre dans ses "prolégomènes à tout psittacisme futur qui voudra se constituer comme révolutionnaire".

Un jour, le siècle sera psittacien. Les rares interprètes qui ont su et pu percé à jour l'entreprise radicalement révolutionnaire de Psittacus peuvent en témoigner par l'irréfutabilité du rire sincère (et émouvant) que son entreprise suscite en eux.
Pour l'instant, il est vrai, ils sont encore obligés d'en rire tout seuls, et peu nombrables. Mais partout, de par le monde, des psittacistes se réunissent et fomentent du psittacisme, suscitant un rire contagieux qui ne cessera plus de croître. C'est du moins notre conviction profonde, au moment de signer cette postface à l'oeuvre désormais complète de Psittacus, qui, dans une manière d'ultime pied de nez à la postérité, nous a quitté, emporté par une psittacose (toujours) galopante et inextinguible."

(14 janvier 2008)



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