lundi 5 octobre 2009

Malaise vagal



 L'indicible empathie qui nous saisit à la vue du malaise vagal d'un homme qui travaille comme un damné.


"Quand on est président de la république", confie-t-il au micro, comme s'il n'en était pas encore revenu lui-même, ou comme s'il devait en redonner la confirmation à quelques téléspectateurs mal informés, comme s'il devait rééditer le best-selller d'Evelyne Leclercq, présentatrice oubliée de "tournez manèges": "comme vous, je vis, je ris, je pleure", et j'ai des malaises à force de me lever très tôt tous les matins pour travailler plus pour vous tous, bande d'ingrat(e)s, bande de glandeur(euse)s, et rien, jamais un merci. Alors, votre assurance-maladie, vous pouvez vous la mettre où je pense. Salauds de pauvres. Et paresseux.


Nicolas S. arborait donc la mine d'un homme épuisé qui a fait pendant 2 semaines les trois/huit à Domino's Pizza sous la férule harcelante d'un moniteur en marketing-évaluating.

Occasion inespérée, sans nullement ironiser, ce serait bas, et de mauvais goût, sur l'opportunité d'un vibrant, une fois encore, chantage aux affects.
Les traits tirés, quasi désemparé, la détresse, mais digne, d'un homme qui ne se ménage pas pour se donner âme et corps au labeur pharaonique de faire tourner à lui tout seul, à mains nues dans la fonte incandescente, toutes les usines métallurgiques de France et de Navarre.


Voilà qui force le respect, et devrait faire taire, une bonne fois, les langues de vipères critiqueuses. Et si notre prêtre ouvrier se tue à la tâche, à qui sera la faute? Ah, mais on connaît les coupables. Qu'ils se désignent eux-mêmes, fassent un pas en avant, la tête basse. On réglera les soldes.
Bouffé vivant par les rapaces du show-bizeness, comme Michael, encore un martyr brûlé vif sur l'autel du star-system. Des fois, Nicolas S. se sent bien seul, lui aussi, comme un petit enfant qui a trop vite grandi, victime sacrificielle jetée en pâture au cynisme assassin d'une populace avide de pains et de jeux. Un poète, au fond, un tendre, un être de bonté et d'innocence, instrumentalisé par les énarques, qui aimeraient tant se repaître de ses entrailles encore tièdes, mais non !

Le sacrifice de Guy Mocquet n'a pas suffi, et le sens du sacrifice pour sa patrie ayant déserté les instituteurs de nos campagnes alors même que la défection des églises paroissales n'a pas amélioré, loin s'en faut, la vie de nos concitoyens, il faut un exemple frappant, et plus éloquemment physique que Jeanne au bûcher version Besson.
On murmure dans les exégèses médiatiques que la communication poursuit un but évident: pratiquer la transparence, rompant, une fois de plus, avec les chafouineries coquettes des prédécesseurs, Pompidou et Mitterrand.
Mais le message est plus profond que ça.
J'irai chercher mon cancer avec les dents, s'il le faut, et je vous le déballerai sur la table d'opération, en direct du journal de 20h sur Tf1, s'il le faut. Pour m'interviewer, non, pas Yves Calvi, on en a marre des chauves à greffons. Didier Barbelivien.
Ou Jean Réno, un homme qui connaît la souffrance, et proche du "pople" (comme dirait Serrault). Je veux être entouré de mes amis.

Je veux dire aussi à Carla, ma tendre Carla: mon sacrifice n'aura pas été vain, ma mie, mon épouse, ma compagne des jours sombres. Essuie tes larmes sur ton beau visage. Je t'avais promis des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas, et on parle encore de ce roi mort de n'avoir pu te rencontrer.
Toi seule a su lire en moi la détresse, la fragilité, la sensibilité d'un homme profondément simple, d'un travailleur courageux. Regarde les cales sur mes mains, Carla, ce sont les stigmates d'un homme qui toute sa vie a lutté avec les machines-outils, a brûlé son corps meurtri dans les chaudrons du grand Capital, pour espérer un jour faire rejaillir le feu d'un volcan qu'on croyait trop vieux.

A tous les Français et Françaises, je veux vous dire: je vous ai aimés, plus que vous ne m'avez aimé. J'aurais tout donné pour vous, comme ces amputés du cœur qu'ont trop ouvert les mains, mais nom de dieu que c'est triste, Orly, le dimanche, avec ou sans Bécaud.

(31 juillet 2009)

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