samedi 10 octobre 2009

dernières paroles des grands hommes sur la vie, la mort, les trucs...



Les mots sont impuissants pour décrire l'indicible émotion qui nous étreint à la lecture des beaux textes apocryphes de grands n'écrivains circulant de liens en lettres chaînées, à faire suivre par mail ou en forum tel un précieux ostensoir.

Un classique d'anthologie est cette "lettre d'adieu" de Gabriel García Márquez, qui a remué des milliers d'internautes jusque dans les tréfonds de l'âme: dernières paroles d'un génie, sésame d'une sagesse immémoriale et universelle dont la méconnaissance est susceptible d'entraîner des conséquences graves, comme le risque de mourir idiot. Et malgré le démenti du principal intéressé ("la seule chose qui me préoccupe est que l’on croit que j’ai écrit un texte aussi mauvais."), ce testament spirituel bouleversant continue et continuera à creuser son sillon phosphorescent jusqu'à extinction des cyber-feux de la chandeleur:

Jeudi 3 août 2006 à 11 h 21
Monsieur García Márquez souffre d’un cancer lymphatique. Son état s’aggrave de jour en jour. Il a adressé cette lettre d’adieu à ses amis.


« Si pour un instant Dieu oubliait que je suis une marionnette de chiffon et m’offrait un morceau de vie, je profiterais de ce temps du mieux que je pourrais.
Sans doute je ne dirais pas tout ce que je pense, mais je penserais tout ce que je dirais.
Je donnerais du prix aux choses, non pour ce qu’elles valent, mais pour ce qu’elles représentent.
Je dormirais peu, je rêverais plus, sachant qu’en fermant les yeux, à chaque minute nous perdons 60 secondes de lumière.
Je marcherais quand les autres s’arrêteraient, je me réveillerais quand les autres dormiraient.

Si Dieu me faisait cadeau d’un morceau de vie, je m’habillerai simplement, je me coucherais à plat ventre au soleil, laissant à découvert pas seulement mon corps, mais aussi mon âme.
Aux hommes, je montrerais comment ils se trompent, quand ils pensent qu’ils cessent d’être amoureux parce qu’ils vieillissent, sans savoir qu’ils vieillissent quand ils cessent d’être amoureux ! A l’enfant je donnerais des ailes mais je le laisserais apprendre à voler tout seul.
Au vieillard je dirais que la mort ne vient pas avec la vieillesse mais seulement avec l’oubli.
J’ai appris tant de choses de vous les hommes… J’ai appris que tout le monde veut vivre en haut de la montagne, sans savoir que le vrai bonheur se trouve dans la manière d’y arriver.
J’ai appris que lorsqu’un nouveau-né serre pour la première fois, le doigt de son père, avec son petit poing, il le tient pour toujours.
J’ai appris qu’un homme doit uniquement baisser le regard pour aider un de ses semblables à se relever.
J’ai appris tant de choses de vous, mais à la vérité cela ne me servira pas à grand chose, si cela devait rester en moi, c’est que malheureusement je serais en train de mourir.
Dis toujours ce que tu ressens et fais toujours ce que tu penses.
Si je savais que c’est peut être aujourd’hui la dernière fois que je te vois dormir, je t’embrasserais très fort et je prierais pour pouvoir être le gardien de ton âme.
Si je savais que ce sont les derniers moments où je te vois, je te dirais ‘je t’aime’ sans stupidement penser que tu le sais déjà.
Il y a toujours un lendemain et la vie nous donne souvent une autre possibilité pour faire les choses bien, mais au cas où elle se tromperait et c’est, si c’est tout ce qui nous reste, je voudrais te dire combien je t’aime, que jamais je ne t’oublierais.
Le lendemain n’est sûr pour personne, ni pour les jeunes ni pour les vieux.

C’est peut être aujourd’hui que tu vois pour la dernière fois ceux que tu aimes. Pour cela, n’attends pas, ne perds pas de temps, fais-le aujourd’hui, car peut être demain ne viendra jamais, tu regretteras toujours de n’avoir pas pris le temps pour un sourire, une embrassade, un baiser parce que tu étais trop occupé pour accéder à un de leur dernier désir.
Garde ceux que tu aimes près de toi, dis-leur à l’oreille combien tu as besoin d’eux, aime les et traite les bien, prends le temps pour leur dire ‘je regrette’ ‘pardonne-moi’ ‘s’il te plait’ ‘merci’ et tous les mots d’amour que tu connais.
Personne ne se souviendra de toi pour tes pensées secrètes. Demande la force et la sagesse pour les exprimer.
Dis à tes amis et à ceux que tu aimes combien ils sont importants pour toi.

Monsieur Márquez a terminé, disant : Envoie cette lettre à tous ceux que tu aimes, si tu ne le fais pas, demain sera comme aujourd’hui. Et si tu ne le fais pas cela n’a pas d’importance. Le moment sera passé.

Je vous dis au revoir avec beaucoup de tendresse ».

Monsieur García Márquez est écrivain et prix Nobel de littérature.


Bizarrement, la confession ultime de Miguel Archangelo de Platas, poète révolutionnaire humaniste atteint de tuberculose pulmonaire, et sténographiée par sa secrétaire Nanita-Dolorès, n'a pas suscité la même ferveur.
On peut le déplorer, même si les dernières paroles de Archangelo de Platas signalent une contiguïté formelle et sémantique troublante avec les mots de G.G.M., ayant engendré un aura de suspicion dévalorisante.
L'analyse de texte ci-bas pourrait tenir lieu de réhabilitation:

 « je peindrai ma vie aux couleurs de l'arc-en-ciel avec la palette de Leonardo Da Vinci,, et donnerai père et mère aux orphelins du monde entier en échange d'un sourire ou d'une fleur des champs »

Combien de vies ternes et grises auraient bien besoin d'un arc-en-ciel? hm? Et tous ces enfants abandonnés qu'on bat sauvagement dans des placards ? C'est facile de critiquer, mais moi, désolé, ça me touche. Et puis oui, cent fois oui, moi je dis qu'un homme qui donnerait un foyer à un gosse malheureux contre une fleur des champs ou un sourire, et bien, il ne peut pas être mauvais c’t’homme-là. Je dirai même que c'est courageux.


 « je dirai aux boit-sans-soif de regarder dans le fond des bouteilles pour y apercevoir le sein nourricier de la madone;  je montrerai aux myopes le chemin qui conduit aux portes de la lumière, sans un mot, avec le battement de mon cœur pour seul guide »

Une prose naïve, rebattue? Peut-être, mais des mots simples, pour des gens simples. Qui ose encore de nos jours dénoncer le drame des "boit-sans-soif", à qui on a volé une madone, et qui agonisent dans les geôles du capitalisme coca-cola? Et les myopes qui se cognent contre les poteaux indicateurs dans les cavernes du matérialisme? Hein? Alors. Vous croyez qu'on bouge le petit doigt pour eux? Ben non, Archangelo de Platas n'est peut-être pas Montherlant ou Gonzague st Bris, mais lui, au moins, il nous ouvre les yeux, avec des phrases simples, évidentes, pour questionner notre égoïsme.


 « j'apprendrai aux puissants à danser la carmagnole dans les bordels de Calcutta. Je te dirai, ô toi, le Roi dédaigneux, dévêts-toi des oripeaux du mensonge, et donne ton royaume à un lépreux qui t'apprendra à conjuguer le verbe aimer aux mille temps de la valse de l'espoir perdu-z-et zéperdu »

De la poésie à dix sous? Des métaphores de grand-bazar? Peut-être : pour les cyniques, les sans-amours, les frustrés de la vie. De Platas, lui, il ne se la pète pas comme Lamartine, il ne donne pas dans l'amphigourique comme un Saint John Perse. Lui, au moins, il laisse parler son cœur, et il dénonce la démesure des gens de pouvoir. Il est combien facile d'oublier que nos rois nous toisent du haut de leurs montagnes d'or, surtout quand nous sommes lépreux! Ah mais! Et ça, les braves gens en ont un peu assez, quoi. Alors, soyez content qu'un de Platas vous secoue dans vos petites lâchetés et vous rappelle que la valse, c'est aussi la dignité du prolétaire dans un monde livré aux PME et aux léproseries nationalisées.
Merci Miguel.
Nom de dieu. 

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