lundi 5 octobre 2009

La guerre des mondes (Spielberg, 2005) en style passif indirect


Le prolétarisme des cadences infernales d'un conducteur de grue annonce les lézardes d'une vie familiale en voie de morcellation. L'épouse divorcée s'aguiche de luxes inutiles par la voie d'un nouveau mari en proie aux charmes d'une nouvelle voiture tout confort.

Les enfants sont trop gâtés par les gadgets de la civilisation technologique des loisirs. La cadette trompe son manque de père dans les illusions de la diététique bio, les fanfreluches et l'automédication manucurale, et prend la place de la mère laissée vacante par les oscillations imprévisibles du désamour conjugal.

L'ainé sans doute trop confiant dans ses aptitudes scolaires mise sur sa capacité à synthétiser à la dernière minute les linéaments de son cours d'Histoire sur l'indépendance de l'Algérie. Il ne sait pas encore que la gestation d'une invasion de créatures immémoriales en provenance des coins les plus reculés de la galaxie le préservera des vicissitudes d'une scolarité dilettante.

La bourgade est en proie à des intempéries mises erronément sur le compte des taches solaires. Méprisant les règles de la sécurité automobilistique, le jeune homme en casquette prend la tangente avec le break du paternel. L'occasion est saisie par ce dernier pour asséner un cours improvisé sur le code de la route et la nécessité de passer son permis. La négligence estudiantine du rejeton paresseux sera plus tard battue en brèche par la compétence du prolétaire exerçant son expertise dans la réparation des moteurs défectueux. Le message pédagogique est sans ambiguité: plutôt que de rêvasser à se sacrifier pour la mère patrie, le garnement procrastinateur devrait s'orienter vers une filière professionnelle plus ad hoc.

Cet événement est ainsi le prélude d'une crise d'autorité qui remettra Tom Cruise sur les rails d'une responsabilité protectrice trop longtemps délaissée. La déperdition de la culture scientifique au profit des certitudes d'une foi écclésiastique sera elle-même ébranlée par le symbole d'une église se déplaçant mystérieusement à l'horizontale dans le sens de la droite au mépris des lois de la gravitation.

Les machines gigantesques balaient sur leur passage les ultimes linéaments d'une communauté repliée sur son égoïsme comme l'adjonction sans solution de continuité des cordes à linges suspendues dans l'espace étriqué d'une zone pavillonaire. La fillette recourt avec ingéniosité à des techniques de méditation transcendantale extrêmes-orientales pour occulter la perception traumatique d'une réalité inquiétante et se bâtir une tour d'invincibilité.

L'invasion n'est pas terroriste, la piste du canular téléphonique est rapidement écartée, l'hypothèse européenne est elle-même envisagée puis congédiée, les tests d'adn ne révélant rien d'humain: la menace vient de bien plus loin, dans le sens d'une profondeur verticale insoupçonnée et d'un intellect froid. Le doute est porté sur l'identité mystérieuse d'un faux passager errant parmi les ruines d'un jumbo-jet. La critique se porte sur la manipulation exercée par les chaines de télévision dans leur course effrénée à l'audience, mais l'audience a disparu.

La vision apocalyptique des populations sur la route de l'exode, et contraintes à une lutte impitoyable pour la survie de leur espèce nous fait méditer sur la fragilité du vernis recouvrant les us et coutumes de la civilisation, parmi lesquels la politesse et le savoir-vivre. La joie de faire une croisière gratuitement sur un canotier pour touristes désoeuvrés transformé en bouée de secours de fortune est assombrie par les soubresauts agitant les fonds marins et faisant voler en tous sens les automobiles et les mobylettes pétaradantes.

Le récit bascule alors avec la rencontre d'un homme traumatisé emmenant la cellule familale dans les recoins d'un abri précaire. La fragilité de sa santé mentale inquiète Tom Cruise, qui doit se résoudre aux conséquences funestes d'une lutte sacrificielle et garantir l'intégrité mentale et physique de sa progéniture. Le blockbuster est détourné dans le sens d'une grande intelligence.

Le bonheur des retrouvailles ultimes avec le fils disparu derrière une colline masque mal les ravages exercés sur le paysage carbonisé, et les protagonistes de ce drame humain se souviendront toute leur vie de cette expérience limite qui a failli leur coûter la santé, voire une méningite.

Aucun commentaire: