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dimanche 4 avril 2010

Souvenirs d'enfance. L'Île noire.




Je devais avoir 7 ou 8 ans. Notre instituteur, monsieur Demarche, nous avait branché sur un projet enthousiasmant de documentation. Nous devions rechercher des images, photographie ou dessin, de gorilles. J'ignore pourquoi des gorilles, mais c'était l'idée. Le truc, c'est qu'on pense rarement aux gorilles. En tout cas pas comme on le devrait.
Le concept, c'était de faire preuve d'originalité, sortir du lot avec quelque chose d'inattendu. Les plus imaginatifs se verraient récompensés par une mention au cahier d'honneur.
Le défi était fort excitant: nous ne parlions plus que de gorilles.
Bien décidé à me distinguer, mais ne sachant où orienter mes recherches, je mis mes parents dans la confidence au repas du soir. Sans mot dire et d'un air entendu,  mon père - documentaliste né - se leva de table et alla farfouiller dans un coffret où il rangeait des vignettes de provenances diverses.
Dans les boîtes de chocolat en poudre "Banania", on trouvait, quelques années plus tôt, des reproductions à l'identique de cases d'albums de Tintin, parmi lesquels L'Île noire. Et dans L'Île noire, toutes les apparitions dans le donjon du géant simien, qui annonçait le Yéti  de Tintin au Tibet.
C'était imparable. Avec ça, m'expliqua mon père, Demarche sera épaté, enchanté, subjugué. Personne, mais alors personne, ne trouvera l'idée d'aller dénicher les images du gorille dans L'Île noire. C'était montrer qu'on avait de la culture, de l'imagination. Immanquablement, scientifiquement, je serai en lettres d'or dans le cahier d'honneur.

Nous nous mîmes aussitôt en devoir de découper soigneusement les vignettes, afin de les débarrasser du logo qui trahissait leur origine publicitaire. Nous les collâmes sur un beau feuillet cartonné. Avec ma plus belle plume, je calligraphiai à l'en-tête du document: "L'Île noire".

Le lendemain matin, tous les écoliers remirent les fruits de leurs investigations au maître. Je jubilais intérieurement, en jetant un coup d'œil compatissant sur les photos de zoos et autres king-kongades dépourvues de toute originalité de mes condisciples. Après la collecte, Demarche nous annonça que la revue et les trophées seraient au programme du surlendemain.

C'est donc le cœur battant qu'après deux fois dormir, je m'installai à mon pupitre. 
Demarche fit son entrée dans la classe, salué par un silence concentré. Il exprima l'idée - délicieuse à mes oreilles - qu'à quelques notables exceptions près, la récolte était décevante. Tout le monde ou presque s'était contenté d'images convenues, stéréotypées, sans envergure. Je retenais mon souffle. Le moment historique n'allait pas tarder. 

Après avoir commenté d'un air contrit diverses photographies froissées et mal découpées, il marqua un temps d'arrêt. Il se dirigea alors lentement vers moi, à pas comptés, avec un regard impénétrable, riche de sous-entendus énigmatiques dont je détenais, seul, la clef.

"Qu'est-ce que c'est que ça?", fit-il d'un air coupant en déposant le feuillet sur mon pupitre
"C'est L'Île noire, monsieur", répondis-je avec une fierté hésitante.
"Je vois bien que c'est L'Île noire, je ne suis pas idiot", s'exclama-t-il, le sourcil froncé.
"Tu n'as pas honte de découper les cases des albums de Tintin dont tes parents te font cadeau, et qui coûtent très cher ? Des livres de collection à garder toute sa vie, et toi, pour les remercier, tu abîmes ces beaux albums, tu découpes ta collection de tintin, et tu t'imagines que comme ça, tu vas te faire bien voir? Mais n'as-tu donc rien dans la tête, est-ce donc un écervelé que voilà?"

J'étais sidéré, sonné, incrédule. Comme dans certains cauchemars, ma langue était devenue énorme, monstrueuse, obstruant toute ma bouche. 
"Je… je… je n'ai pas découpé", articulai-je à grand peine, dans un couinement qui devait évoquer le grincement d'une poulie mal graissée.
"Comment? Parle distinctement, je n'entends rien".
 "J-je n'ai pas d-d-découpé… C'est… mon père!"
"Aha, c'est ton père! Ton père a découpé dans ton album de tintin. Ton père t'achète de beaux livres pour les découper en petits morceaux, il n'a que ça à faire, bien sûr. Non seulement tu ne respectes pas les beaux albums de tintin que ton père t'achète, mais en plus, tu as le toupet d'accuser ton père, tu me mens effrontément, comme un grossier merle".
Impossible de "switcher", sinon avec le recul - il m'eût sans doute fallu cinq années de plus pour déployer une argumentation détaillée, éloquente, dénoncer avec emphase et lyrisme l'injustice absolue qui m'était faite là, mais non, rien, j'avais pas les mots. Juste un chaud bouillon de pleurs qui me montait aux yeux et que je m'efforçais de contenir avec difficulté. 

"C'est… PAS dans un album de tintin", répliquai-je sur un ton que j'aurais voulu éclairant, mais qui manquait apparemment de conviction.
"Mais bien sûr, voyons, ce n'est pas un album de tintin. L'Île noire n'est pas un album de tintin, et moi je ne suis pas professeur, je suis cosmonaute. De mieux en mieux. Qu'est-ce que tu vas encore ajouter pour te ridiculiser devant tous tes camarades?

Toujours sous le coup de la stupéfaction, et comme si je me parlais à moi-même, je ventriloquai comme un automate :
"Banania… C'est Banania".
Demarche, l'œil rond, genre halluciné, et se tournant vers la classe, répéta d'un ton théâtral: "Banania. C'est Banania. Vous avez entendu, comme moi: c'est Banania".
"Au coin, monsieur Pericolosospore, au coin, cingla-t-il en me saisissant doucement le pavillon de l'oreille dans le sens de la verticalité, je vais t'apprendre à faire l'impertinent."



Oui, Banania. C'était Banania. Les chaises à porteurs, missié, Léopold II, les caramels mous, triple buse, moule-à-gaufre, la malédiction de Rascar-Capac soit sur toi, bachi-bouzouk, anthropopithèque, le yéto-là-hi, le yéti-lo-ha.







samedi 21 novembre 2009

Les gens savent plus causer...


Bon, je repasse par ici parce que j'ai un truc sévère à dire sur le plan du niveau de l'entendement de la question de l'existentiel, faut toujours creuser du côté de l'existentiel, comme je dis toujours c'est là que gît le mystère de la vie du vivant, pis ça me démangeait - je l'avoue je l'admets je ne le renie point oh non ça jamais - de me réessayer à l'écriture, cette espèce de truc aberrant qu'on se demande bien qu'est-ce ça peut foutre pis de toute façon ça fout, faire ça ou peigner la girafe, faut vraiment rien avoir à foutt et ça tombe bien parce que justement, bingo, j'ai rien à foutt, après un mois d'inactivité absolutely totale proprement indescriptible, tu peux pas imaginer, un embryon de méduse échoué sur la grève un dimanche à Ostende, c'est plus actif. Levé à 18h couché à 9h du matin,  je sais même plus à quoi ressemble la lumière du jour automnal, et ça m'inquiète un peu je dois dire, surtout depuis que je suis tombé sur cette émission où on expliquait que le manque d'exposition aux particules de photons influe sur le moral, même qu'y faudrait s'acheter un masque et se le foutre sur la tronche pour se  bombarder de photons vu qu'on manque de lumière en cette saison où les jours raccourcissent à vue d'oeil; grave mais grave, et j'ai  même pas envoyé une seule lettre de motivation au secrétariat du ministère du temps libre pour implorer un futur ex-décisionnaire responsable de la mobilité des ressources humaines du personnel de la gare de triage désaffectée de Quincampoix-nord, d'entrer comme préposé aux lettres de réclamation au rebut. De toute façon c'est poubelle direct avec ces gens-là y a un truc, je dis bien un, qui leur démange le fion, cette saloperie de zone du corps humain la moins fournie en photons, c'est peu d'le dire: c'est le sens de la politesse, de l'enchainement service-volée et surtout comment dire l'empathie qui est une faculté passionnante et vraiment sous-estimée mais passons.

Non ce que je voulais dire c'est que j'ai croisé y a une semaine une vague connaissance qui habite juste au dessus du night-shop où je vais acheter mes clopes, en face du Théâtre de la place. Le genre de mec un poil collant qu'a rien à dire mais faut absolument qu'il le dise à quelqu'un, surtout après minuit sinon il se choppe une crise d'angoisse et moi que voulez-vous l'éthique de la réponse j'ai ça dans le sang, pour ainsi dire, sans parler de l'empathie dont j'ai accumulé une telle réserve que je peux en distribuer à la cantonade à tous les proto-dépressifs du quartier, et avec cette maestria de l'entertainment combiné à l'understatment qui caractérisent ma faculté quasi innée à mettre de la joie autour de moi, sans déconner j'irradie de bonne humeur contagieuse comme une pile atomique même si la comparaison est un tantinet foireuse mais foin de vain ergotage, le mec, à peine m'aperçoit-il de sa fenêtre qu'il se met à hurler à la mort en faisant de grands gestes avec ses mains partant de la poitrine:


" eh Jerzy, tu sais quoi, Jerzy? Eh Jerzy, je suis timoré, Jerzy, timoré, tu m'entends: TI-MO-RÉ !"

Alors moi saisi par une pudeur un peu étrange, et pour le coup timoré, je balbutie un truc, le nez en l'air et le sourcil s'excusant presque:

"euh, pardon, je vois pas bien ce que tu veux dire; pourquoi, euh, timoré, c'est pas ça timoré, tu m'as pas l'air timoré si tu veux..."

" Ah bon, qu'y fait l'air soudain abattu, ça veut dire quoi "timoré"?


"Ben, je sais pas, timoré ça veut dire je sais pas moi, craintif, quelqu'un qui n'ose pas faire quelque chose, quoi..."

"Ah oui pardon Jerzy, je voulais dire un autre mot, je me suis trompé excuse-moi, non, je veux dire - et le voilà qui se remet à faire de grands gestes brassant l'air autour du sternum comme s'il allait s'envoler tel un pélican aux ailes délicates et néanmoins majestueuses: "je... je suis... je suis maudit, voilà, c'est le mot que je cherchais, je suis maudit, Jerzy, MAUDIT!

" Whoua bon ce n'est que ça, pfff, que je réponds, pas du tout surpris ni démonté, ben oui t'inquiète pô va, moi aussi j'suis maudit, on est tous maudits, y a pas vraiment de problème. Puis comme disait Beckett, tu sais bien, c'est pas exactement ça mais c'est de mémoire: "je tiens à dire avant tout que je ne pardonne à personne, je souhaite à tous une vie atroce et ensuite la  flamme et les glaces des enfers et aux exécrables générations à venir une mémoire honorée".

Là-dessus, le gars, tout ragaillardi, l'arborait une banane d'enfer: "Ah Jerzy excuse-moi, tu m'fais rire, tu m'fais toujours rire, je ne saurais pas t'expliquer mais vraiment tu m'fais rire."

On a donc partagé un peu de ce rire, sans excès car je traine toujours un petit pet de travers et après tout ça fait une partie de mon charme et ça me rend encore plus drôle, si possible, puis j'ai pris congé et je suis rentré chez moi, moins guilleret que lorsque j'en suis sorti...


Sur le chemin, je pensais: timoré, timoré, moi aussi je suis timoré, et en plus je suis maudit, je vois vraiment pas pourquoi y s'excite, l'autre, là, comme s'il venait de décrocher la timbale en or massif... Chaque solution a son problème, ah non, c'est le contraire. Bah, n'y pensons plus nous aurons bien le temps d'y revenir, avec le retour des photons. Enfin bon, une bonne clope, un bon dvd, pis un bon bain et c'est marre.

samedi 10 octobre 2009

dernières paroles des grands hommes sur la vie, la mort, les trucs...



Les mots sont impuissants pour décrire l'indicible émotion qui nous étreint à la lecture des beaux textes apocryphes de grands n'écrivains circulant de liens en lettres chaînées, à faire suivre par mail ou en forum tel un précieux ostensoir.

Un classique d'anthologie est cette "lettre d'adieu" de Gabriel García Márquez, qui a remué des milliers d'internautes jusque dans les tréfonds de l'âme: dernières paroles d'un génie, sésame d'une sagesse immémoriale et universelle dont la méconnaissance est susceptible d'entraîner des conséquences graves, comme le risque de mourir idiot. Et malgré le démenti du principal intéressé ("la seule chose qui me préoccupe est que l’on croit que j’ai écrit un texte aussi mauvais."), ce testament spirituel bouleversant continue et continuera à creuser son sillon phosphorescent jusqu'à extinction des cyber-feux de la chandeleur:

Jeudi 3 août 2006 à 11 h 21
Monsieur García Márquez souffre d’un cancer lymphatique. Son état s’aggrave de jour en jour. Il a adressé cette lettre d’adieu à ses amis.


« Si pour un instant Dieu oubliait que je suis une marionnette de chiffon et m’offrait un morceau de vie, je profiterais de ce temps du mieux que je pourrais.
Sans doute je ne dirais pas tout ce que je pense, mais je penserais tout ce que je dirais.
Je donnerais du prix aux choses, non pour ce qu’elles valent, mais pour ce qu’elles représentent.
Je dormirais peu, je rêverais plus, sachant qu’en fermant les yeux, à chaque minute nous perdons 60 secondes de lumière.
Je marcherais quand les autres s’arrêteraient, je me réveillerais quand les autres dormiraient.

Si Dieu me faisait cadeau d’un morceau de vie, je m’habillerai simplement, je me coucherais à plat ventre au soleil, laissant à découvert pas seulement mon corps, mais aussi mon âme.
Aux hommes, je montrerais comment ils se trompent, quand ils pensent qu’ils cessent d’être amoureux parce qu’ils vieillissent, sans savoir qu’ils vieillissent quand ils cessent d’être amoureux ! A l’enfant je donnerais des ailes mais je le laisserais apprendre à voler tout seul.
Au vieillard je dirais que la mort ne vient pas avec la vieillesse mais seulement avec l’oubli.
J’ai appris tant de choses de vous les hommes… J’ai appris que tout le monde veut vivre en haut de la montagne, sans savoir que le vrai bonheur se trouve dans la manière d’y arriver.
J’ai appris que lorsqu’un nouveau-né serre pour la première fois, le doigt de son père, avec son petit poing, il le tient pour toujours.
J’ai appris qu’un homme doit uniquement baisser le regard pour aider un de ses semblables à se relever.
J’ai appris tant de choses de vous, mais à la vérité cela ne me servira pas à grand chose, si cela devait rester en moi, c’est que malheureusement je serais en train de mourir.
Dis toujours ce que tu ressens et fais toujours ce que tu penses.
Si je savais que c’est peut être aujourd’hui la dernière fois que je te vois dormir, je t’embrasserais très fort et je prierais pour pouvoir être le gardien de ton âme.
Si je savais que ce sont les derniers moments où je te vois, je te dirais ‘je t’aime’ sans stupidement penser que tu le sais déjà.
Il y a toujours un lendemain et la vie nous donne souvent une autre possibilité pour faire les choses bien, mais au cas où elle se tromperait et c’est, si c’est tout ce qui nous reste, je voudrais te dire combien je t’aime, que jamais je ne t’oublierais.
Le lendemain n’est sûr pour personne, ni pour les jeunes ni pour les vieux.

C’est peut être aujourd’hui que tu vois pour la dernière fois ceux que tu aimes. Pour cela, n’attends pas, ne perds pas de temps, fais-le aujourd’hui, car peut être demain ne viendra jamais, tu regretteras toujours de n’avoir pas pris le temps pour un sourire, une embrassade, un baiser parce que tu étais trop occupé pour accéder à un de leur dernier désir.
Garde ceux que tu aimes près de toi, dis-leur à l’oreille combien tu as besoin d’eux, aime les et traite les bien, prends le temps pour leur dire ‘je regrette’ ‘pardonne-moi’ ‘s’il te plait’ ‘merci’ et tous les mots d’amour que tu connais.
Personne ne se souviendra de toi pour tes pensées secrètes. Demande la force et la sagesse pour les exprimer.
Dis à tes amis et à ceux que tu aimes combien ils sont importants pour toi.

Monsieur Márquez a terminé, disant : Envoie cette lettre à tous ceux que tu aimes, si tu ne le fais pas, demain sera comme aujourd’hui. Et si tu ne le fais pas cela n’a pas d’importance. Le moment sera passé.

Je vous dis au revoir avec beaucoup de tendresse ».

Monsieur García Márquez est écrivain et prix Nobel de littérature.


Bizarrement, la confession ultime de Miguel Archangelo de Platas, poète révolutionnaire humaniste atteint de tuberculose pulmonaire, et sténographiée par sa secrétaire Nanita-Dolorès, n'a pas suscité la même ferveur.
On peut le déplorer, même si les dernières paroles de Archangelo de Platas signalent une contiguïté formelle et sémantique troublante avec les mots de G.G.M., ayant engendré un aura de suspicion dévalorisante.
L'analyse de texte ci-bas pourrait tenir lieu de réhabilitation:

 « je peindrai ma vie aux couleurs de l'arc-en-ciel avec la palette de Leonardo Da Vinci,, et donnerai père et mère aux orphelins du monde entier en échange d'un sourire ou d'une fleur des champs »

Combien de vies ternes et grises auraient bien besoin d'un arc-en-ciel? hm? Et tous ces enfants abandonnés qu'on bat sauvagement dans des placards ? C'est facile de critiquer, mais moi, désolé, ça me touche. Et puis oui, cent fois oui, moi je dis qu'un homme qui donnerait un foyer à un gosse malheureux contre une fleur des champs ou un sourire, et bien, il ne peut pas être mauvais c’t’homme-là. Je dirai même que c'est courageux.


 « je dirai aux boit-sans-soif de regarder dans le fond des bouteilles pour y apercevoir le sein nourricier de la madone;  je montrerai aux myopes le chemin qui conduit aux portes de la lumière, sans un mot, avec le battement de mon cœur pour seul guide »

Une prose naïve, rebattue? Peut-être, mais des mots simples, pour des gens simples. Qui ose encore de nos jours dénoncer le drame des "boit-sans-soif", à qui on a volé une madone, et qui agonisent dans les geôles du capitalisme coca-cola? Et les myopes qui se cognent contre les poteaux indicateurs dans les cavernes du matérialisme? Hein? Alors. Vous croyez qu'on bouge le petit doigt pour eux? Ben non, Archangelo de Platas n'est peut-être pas Montherlant ou Gonzague st Bris, mais lui, au moins, il nous ouvre les yeux, avec des phrases simples, évidentes, pour questionner notre égoïsme.


 « j'apprendrai aux puissants à danser la carmagnole dans les bordels de Calcutta. Je te dirai, ô toi, le Roi dédaigneux, dévêts-toi des oripeaux du mensonge, et donne ton royaume à un lépreux qui t'apprendra à conjuguer le verbe aimer aux mille temps de la valse de l'espoir perdu-z-et zéperdu »

De la poésie à dix sous? Des métaphores de grand-bazar? Peut-être : pour les cyniques, les sans-amours, les frustrés de la vie. De Platas, lui, il ne se la pète pas comme Lamartine, il ne donne pas dans l'amphigourique comme un Saint John Perse. Lui, au moins, il laisse parler son cœur, et il dénonce la démesure des gens de pouvoir. Il est combien facile d'oublier que nos rois nous toisent du haut de leurs montagnes d'or, surtout quand nous sommes lépreux! Ah mais! Et ça, les braves gens en ont un peu assez, quoi. Alors, soyez content qu'un de Platas vous secoue dans vos petites lâchetés et vous rappelle que la valse, c'est aussi la dignité du prolétaire dans un monde livré aux PME et aux léproseries nationalisées.
Merci Miguel.
Nom de dieu. 

lundi 5 octobre 2009

La recherche du bonheur





La recherche du bonheur.

Voilà un sujet de discussion rarement abordé en ces contrées, au bout du compte.
Pour ma part, je dirais que la recherche du bonheur dépend de la bonne volonté des hommes et des femmes de ce monde, qui, personnellement ou collectivement, ne répugnent pas à se retrousser les manches afin de saisir à pleines dents un futur plein d'avenir qui leur tend les bras.
 Bien sûr, une condition nécessaire, mais non suffisante, c'est qu'ils et elles se tiennent par la main et regardent ensemble dans la même direction. C'est alors que l'enivrante bonté du monde irisera l'horizon d'un quotidien trop souvent gangrené par le matérialisme de not'société contemporaine.

Il suffit pourtant d'un rien, un bout d'bois, un cerceau, et on s'amuse pendant des heures. Enfin, je trouve.

Au post 853, Josiane pose la bonne question, la question de la solitude :

" Bécaud à chanter la solitude cela n’existe pas et ben on vois qu’il n’a jamais été vraiment seul dans la vie, car surtout entouré d’une foule on peut se sentir immensément seule. "

Sur ce point, Josiane, j'aimerais nuancer.
Gilbert Bécaud, on s'en souvient, fut un jour interrogé par un faux-journaliste à la sortie des 7 d'or. La question était:

"est-ce que vous comptez présenter encore cette année le journal de 20h?"

A quoi G. Bécaud, très irrité, répondit:

 "mais mon pauvre petit chéri, je suis Bécaud, je chante".

La question, inopportune et d'un goût douteux, fut néanmoins réitérée. G. Bécaud répliqua alors que l'agriculture manquait de bras (vérité trop souvent tue ou refoulée, mais qu'il est parfois bon de rappeler, en ces temps de disette économique), et allongea derechef un pain dans la tronche de l'impétrant récipiendaire.

Moralité: même Gilbert Bécaud a connu, dans une existence pourtant bien remplie, de grands moments de solitude. Prenons-en de la graine.

Cela m'évoque, je ne saurais dire exactement pourquoi, ces très beaux vers de Sir Quint Poitem d'Iroë:

"aimer et être aimé, tel le secret du coeur humain, et la nostalgie, regret du temps passé, irradie tel un soleil, astre de feu, dans un ciel bleu comme l'azur".

Le grand poète gascon du XVIIIè siècle Alphonsin de Chandernagor semble lui faire écho, pour peu qu'on le lui accorde, dans cet églogue bouleversant:

" le bonheur dans le pré demeure,
mais pour qui de nous bovins s'y leurrent,
herbage nouveau réjouit le migrateur"

Chaque fois que je lis ces paroles empruntes d'une profonde sagesse, je m'émeus, et nourris le souhait d'aller tondre la pelouse. Mais de pelouse n'ai point, et les tondeuses, ça coûte cher, alors, je mets un Mick Rossillon de Demis Roussos, et je pense aux jours heureux où on tondait les gazons gratis. Toute une philosophie de vie que nous avons perdue, en cette époque mercantile et égoïste.

Concluons cette amicale causerie au coin du feu par quelques révélations décoiffantes sur le chemin de la vie:

autant avons-nous tous commencé dans un berceau, autant finirons-nous tous dans une tombe, sauf bien sûr pour les enfants perdus accouchés dans des poubelles et les distraits ayant eu la mauvaise idée de garder une grenade dégoupillée à la main au beau milieu d'un terrain-vague.
Mais ce n'est pas tout. La plupart d'entre nous ont des cheveux, mais certains sont et resteront chauves. Pour autant, jeunes ou vieux, pauvres ou riches, malades ou bien portants, nous serons mouillés sous la pluie, et secs au soleil.
Sauf bien sûr pour ceux qui nous offriront des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas. C'est gentil de leur part. Si en plus ils pouvaient se bouger le cul pour creuser, jusqu'après leur mort, un domaine où l'amour s'ra loi, où l'amour sera l'roi, ce serait impec.

(4/12/2007)

samedi 26 septembre 2009

psittacus project 5.3.2.



Je reviens donc, un instant, sur ce texte improvisé - souvenez-vous, magnifique, formidable - autour de "Birdy" d'Alan Parker.

Le lecteur attentif aura bien évidemment pris soin de relever les multiples tropes magnétiquement invoqués ça et là, dans un ballet étourdissant et enchanteur digne de La Péri de Paul Dukas. On est branché sur l'inconscient ou on ne l'est pas. Point n'est besoin d'insister. L'humilité n'insiste jamais. C'est pourquoi je ne m'appesantirai pas outre-mesure. Je me contenterai de dévoiler quelques éléments épars de cette architecture cryptophorique à la fois savante, ignare, et verviétoise.


Tout d'abord, les ailes, l'envol, le vol (frères Wright); et son envers symétrique, le monde de l'eau (océan, plongeon, placenta, etc), et toutes ces choses;

- autres bébêtes, avec ou sans plumes: soldats-baleines, perroquets télépathes, saintexuperys, prométhées, icariens, archéoptéryx-s, tyrannosaurus-Rex-s, etc

- Allusions imbriquées à diverses théories paléo-anthropo-philosophico-psychanalytiques envisagées comme "transformateurs Duchamp". Farpaitement :

Abraham & Törok (L'Unité duelle, dans "L'écorce et le noyau"),
Ferenzci (Thalassa),
Jean-François Lyotard (La chose, l'inhumain, les grands ancêtres, in "examen oral")
Mélanie Klein (théorie du "bon et du mauvais sein" dans "Envie & Gratitude"),
Winnicott (l'objet transitionnel, le "forda", la "couverture de Linus", in "Jeu et réalité"),
K. G. Jung (la persona, in Dialectique du moi et de l'inconscient), etc.

- Tropes littéraires: Mallarmé, Michaux, Lovecraft, Stevenson, Daniel Goossens, Pierre Perret, Heidegger, Baudelaire, Rimbaud, Hergé (frères Loisau-Wright), Saint Ex (citadelle), Kant (le beau et le sublime), etc.

Plus le fluide (glacial, of course), le grano, salis, évidently, la folle, du logis, forcémently. Et les mineurs de fond. Et les naufragés de l'île de la tortue. Et le Paris-Brest. Et toute la smala. Tous à Zanzibar. Tous à Verviers-Central.


- Références cinématographiques:

- Birdy (Alan Parker)
- Reviens moi (Joe Wright)
- Le grand bleu (Besson)
- la ligne rouge (Malick)
- Johnny got his gun (Trumbo)
- Jurassik park, le Soldat Ryan (Spielberg)
- Le testament d'Orphée; la belle et la bête (Cocteau)
- La Chose (Carpenter)
- La nuit du chasseur (Laughton)
- les contrebandiers de Moonfleet (Lang)
- The deer hunter (Cimino)
- Apocalypse now (Coppola)
- Persona (Bergman)
- Ces merveilleux fous volants dans leurs drôle de machines (Annakin)
- Full metal Jacket (Kubrick)
- Le cri du cormoran le soir au dessus des jonques (Audiard)


Bref, étourdissant. Quel talent. Christian Tzara peut aller se rhabiller, le pauvre. Et son perroquet aussi. Que son grrraand crick le croque.


Ensuite, L'Origine des oiseaux (nouvelle d'Italo Calvino dans "Temps zéro") & Les Dinosaures (dans "Cosmicomics"), matrices de la machine textuelle hypno-grammato-mnésique.
Tout y conspire. Honnêtement, on ne peut pas comprendre ce texte prodigieux sans les avoir lues.

Un passage, au hasard (que je découvre, actuellement, pour la première fois, en même temps que je le tape):

(c'est un dinosaure qui parle, et qui a réussi à passer inaperçu au milieu du groupe des "Nouveaux", ceux qui n'avaient jamais vu les dinosaures, depuis longtemps disparus, mais en avaient entendu parler):

Elle me raconta: "j'ai rêvé que dans une caverne, il y avait l'unique survivant d'une espèce dont personne ne se rappelle le nom, et moi j'allais pour le lui demander, et il faisait noir, et je savais qu'il était là, et je ne le voyais pas, et je savais bien qui il était et comment il était fait, mais je n'aurais pas su le dire, et je ne savais pas si c'était lui qui répondait à mes questions ou moi aux siennes" [...]
Depuis lors, j'avais compris tant de choses, et par-dessus tout de quelle manière les Dinosaures gagnent. D'abord, j'avais cru que leur disparition avait été pour mes frères la magnanime acceptation d'une défaite; maintenant, je savais que plus les Dinosaures disparaissent, plus ils étendent leur empire, et sur des forêts bien plus intimes que celles qui couvrent les continents: dans l'enchevêtrement des pensées de ceux qui demeurent. Dans la pénombre des frayeurs et des doutes de générations désormais ignorantes, ils continuaient à allonger le coup, à soulever leurs pattes griffues, et quand l'ombre ultime de leur image s'était effacée, leur nom continuait à se superposer à toutes les significations du monde, à perpétuer leur présence dans les rapports entre les êtres vivants. A présent que le nom lui-même s'était effacé, il leur revenait de se fondre avec le moule muet et anonyme de la pensée, à travers quoi prennent forme et substance les choses pensées: par les Nouveaux, et par ceux qui viendraient après les Nouveaux, et par ceux qui viendraient après encore." (I. Calvino, Cosmicomics, p.112, Paris, Seuil, coll. "Points")

Je n'ai strictement absolument rien compris. Mais c'est très beau.


Confusément, je sens bien, sans pouvoir m'en expliquer davantage, que c'est là, précisément là, qu'opère, ou d'où procède, le chant du psittacus, au point nodal de sa mémoire reptilienne, à l'intersection des gares de Verviers-Central et de Verviers-Central, point non récursif de mon ressouvenir de Stéphane M., quand j'ai ressenti que je n'étais plus le psittacus que j'avais moi-même connu.
Alors, bon, on nous dira: c'est très fâcheux, tout ça... Peut-être, peut-être, mais c'est là, précisément là, que se révèle et se déploie, qu'on l'admette ou pas, la révolution authentiquement copernicienne du Psittacus. Alan Badius l'a bien compris. C'est un grand Marabout, lui aussi. Je me demande même s'il ne jouait pas dans la guerre du feu des frères Rosny Aîné.
Alan Badius et moi, nous n'avons pas besoin de disserter à l'envi: un coup d'oeil trifurqué, et nous nous sommes compris. Nous sommes tous deux des enfants du limon, fruits du croisement heureux, à Verviers-Central même, des archives Queneau de l'Hôtel de ville et des usines Marabout, là même où, sur cet lopin de terre meuble plus ou moins excavé, naquirent conjointement Stéphane Mallarmé et le Monolithe noir de 2001 lui-même. Car c'est un fait établi, quoique dissimulé dans cette crypte - et l'un comme l'autre nous savons, de ce savoir très ancien probablement oublié, souvenir agi et agissant en nous, que c'est là, à Verviers même, que Stéphane vit le jour, en même temps que l'hominisation du singe. Et bien sûr, ça ne fait rire que nous, mais nous rions sous cape.

A Verviers-Central, le temps était hors de ses gonds.
Nous y étions, Alan & moi, unité duelle de l'enfant majuscule, un Infini turbulent.
Notre code chimique et électromagnétique fut ce qui nous permit de nous flairer à l'odeur, comme les néandertaliens, frères so(u)rciers dans la clairière de l'être, parce qu'ils s'écoutaient eux-mêmes tels qu'en eux-mêmes.


Aussi savions-nous que notre "tombeau" était en réalité une crypte, aussi avions-nous toujours eu la foi en l'avènement obscur, au don dévoilé/voilé de notre code chiffré/constellation d'Or. Aussi étions-nous sauvés. Parce que nous étions déjà sortis par réminiscence tellurique de notre chiffre:

"C'ETAIT (issu stellaire)
LE NOMBRE
EXISTÂT-IL (autrement qu'hallucination éparse d'agonie)
COMMENÇÂT-IL ET CESSÂT-IL (sourdant que nié et clos quand apparu - enfin - par quelque profusion répandue en rareté)
SE CHIFFRÂT- IL (évidence de la somme pour peu qu'une)
ILLUMINÂT-IL
CE SERAIT
(pire
non
davantage ni moins
indifféremment mais autant)
LE HASARD
(Choit
la plume
rythmique suspens du sinistre
s'ensevelir
aux écumes originelles
naguère d'où sursauta son délire jusqu'à une cime
flétrie
par la neutralité identique du gouffre)
RIEN (de la mémorable crise - ou ce fut l'événement accompli en vue de tout résultat nul - humain)
N'AURA EU LIEU ( une élévation ordinaire verse l'absence)
QUE LE LIEU (inférieur clapotis quelconque comme pour disperser l'acte vide
abruptement qui sinon
par son mensonge
eût fondé
la perdition
dans ces parages
du vague
en quoi toute réalité se dissout)
EXCEPTÉ (à l'altitude) -PEUT-ÊTRE […] - UNE CONSTELLATION (froide d'oubli et de désuétude - pas tant - qu'elle énumère - sur quelque surface vacante et supérieure - le heurt successif - sidéralement - d'un compte total en formation)"

Avec les seuls moyens du bord, une caisse à savon évidée en son centre, une cloche tubulaire, quelques macarons, nous avions écrit par avance ce texte, sans même le connaître, ou plutôt, ce texte s'était écrit en nous, au travers des fils innombrables et torsadés que nous tissions inlassablement, chemins de traverse, qui furent tantôt ontologie, tantôt anthropologie structurale, tantôt psychanalyse, clinique du fantôme, approche systémique, anasémique, morale appliquée, pantomime, imitations diverses, thérapie clownesque, rhétorique, linguistique, tintinologie, théorie des champs méta-morphiques et de l'harmonie des sphères, kantisme, leibnizisme, sartrisme, hégélianisme - le tout exclusivement et intégralement lu sur des quatrièmes de couverture de Marabout-sciences-junior;
maïeutique obscure avec bornes de signalisation sonore sous forme de marteaux sans maître qui faisaient tantôt "dong" tantôt "ding", assénés sur la tête de quelques pauvres crânes tondus de passage et qui repartaient aussitôt, migraineux, dans quelque ruelle ténébreuse d'Harry Dickson, et sans demander un putain de Kopeck à qui que ce fût;

aussi par l'invocation de forces occultes qui nous répondirent, depuis la faille de San José, et d'où sortirent un soir de septembre, à notre grand dam, après diverses prières inversées, de sombres borborygmes et invectives recueillis sur la bande magnétique à moitié déchiquetée d'une maxell standard et passées par la touche rewind d'un vieux Sharp tout pourri, quelques grands ancêtres monstrueux aux noms oubliés et imprononçables;

aussi par diverses poudres de perlimpinpin recueillies, filtrées et tamisées à même l'Ab-grund de la forêt noire, dans un commerce clandestin que nous entretenions avec certaines sorcières aux pieds nus et crochus dont nous tairons le nom, appelées à nous par écho-sonar, nous conviant à de sombres sabbats où nous exorcisions les âmes d'enfants morts-nés comprimés entre les pages du Kaddish, et chaque fois (pas toujours), le sortilège bu, par nos cloisons tympaniques transpercées, déployant nos pavillons de fortune, faits de breloques et de peaux de tambours soldées aux puces, nous apprivoisions les mots de la tribu. Sauvés par l'acousmatique, et Alfred Tomatis.

(15 janvier 2008)

psittacus project 5.3.1.


Ce texte magnifique sur Birdy, donc, un chant magnétique vespéral, non seulement très sympathique, mais encore impayablement drôlatique, suscita éventuellement moue dubitative et regimbante.

Peu importa.

Je renonce provisoirement à en déplier ici (cf. cependant "psittacus project 5.3.2.") toutes les riches correspondances ouvragées, et psittacosées avec une maestria sans limites, qui le promeuvent au rang d'une simio-poétique incandescente.. Mes fans s'en chargeront.

Qu'il me suffise de dire que j'en suis un fervent admirateur. Le projet perroquet 5.3.1. initie une ère nouvelle de la modernité littéraire, l'authentique révolution copernicienne d'une jouissance labiale en prise directe sur son inconscient.

Osons le dire, et je cite moi-même la postface de la monographie qui m'est consacrée à titre posthume:


Ainsi Psittacus, portant jusqu'à son terme, avec témérité et d'une main ferme, le projet harassant qui le hanta toute son existence: devenir l'original de sa propre copie, laissera à la postérité la tâche infinie de déchiffrer l'insondable borne hiéroglyphique de son Oeuvre, lancée, comme un défi, aux siècles à venir. Ultime provocation d'un génie sauvage, rieur et frondeur, faisant voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative. Faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative n'était pas une mince affaire. Nombre de plumitifs tombés dans l'oubli s'y sont cassé le bec. L'entreprise en effet, plus que risquée, réclamait une lucidité sans faille dans l'appréciation d'un tel projet.

Psittacus s'acquitta de ce projet.

Non seulement il s'en acquitta, mais encore il parvint, ce n'est pas là le moindre de ses mérites, à excéder les limites qu'il s'était imposées. Transcendant, par une prise de risque qui faillit bien des fois le conduire aux abords de la folie (en témoigne un passage de la correspondance omnibus qui le menait quotidiennement de Verviers-central à Verviers-central : "mince, je ne suis plus le Psittacus que j'ai connu"), les percées somme toute auto-limitantes de la pataphysique verviétoise, il parvint, au prix d'une auto-discipline de fer, se vouant à cet apostolat avec l'inexorable intégrité de ceux qui ont conscience de refermer les portes ouvertes, et de frayer des sentiers où jamais la main du serpent ne s'était aventurée à mettre le pied, non seulement à faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative, mais encore à poser les jalons d'une nouvelle science, crainte par Kierkegaard, entrevue par Heidegger, élaborée par Alexandre Kojève, éditée sous le manteau par Queneau,  saluée par Deleuze, vilipendée par Bouveresse, pillée par Rémy Bricka, et ultimement rejetée par Karl Popper: la science infalsifiablement réfutable de la mimétologie généralisée.
Psittacus, rappelons-le à ceux qui l'ignorent encore, avait tenté de lancer dans les années 50, entre autres projets infructueux, le "cercle de Verviers" (Psittacus project 5.2.0), dont il fut et resta l'unique membre honoraire, en soutien tardif au "cercle de Vienne".

Selon Psittacus, en effet (in "Psittacus auteur du Ménard"):

" En l'état actuel de nos connaissances en éthologie, rien ne permet d'établir avec certitude si Konrad Lorenz se prenait lui-même pour un cygne sauvage suivant des canards anthropomorphes ou, à l'inverse, était lui-même un canard sauvage suivant à la télévision un film de Michel Audiard en croyant le précéder ".

Wittgenstein, dont le violon d'Ingres était le piano (il jouait avec la main gauche de son frère invalide de la Grande guerre les "morceaux en forme de poire" de Satie, portant la mention non-valide bien connue "à jouer comme un rossignol qui aurait mal aux dents"), n'a pas manqué d'ironiser sur cette conjecture, en écrivant dans ses "investigations philosophiques":

"rien ne permet d'établir avec certitude si Psittacus se prend pour un perroquet imitant un canidé imitant la voix de son maître sur un gramophone pathé-marconi ou, à l'inverse, est lui-même un gramophone pathé-marconi imitant un canidé imitant la voix de son perroquet".


Tout ceci relève désormais du registre des anecdotes plaisantes qu'on aime à évoquer entre initiés dans les causeries d'épistémologie anglo-saxonne.
Le travail solitaire entrepris et mené à bien par Psittacus au cercle de Verviers a pâti de cette imagerie quelque peu obsolète, et bien entendu, comme on l'imagine, fut éclipsé par l'ombre tutélaire de Wittgenstein. On trouve encore mention, cependant, des écrits de Psittacus dans l'anthologie des fous littéraires d'André Blavier.

Il importe pourtant de reconsidérer aujourd'hui d'un oeil neuf, et au delà des saillies spirituelles - parfois injustement méprisantes - qui ont fait florès dans l'histoire des Idées du XXè siècle, l'oeuvre solitaire menée d'arrache pied par Psittacus entre 1953 et 1965.
Dans l'extrême dénuement d'une psychè tourmentée par ses propres golems, qui eux-mêmes étaient les golems d'un golem premier à jamais oublié, il sut puiser avec obstination dans les réserves limitées d'une culture et d'une épistémologie invariablement verviétoises, et assumer cette limite jusqu'à esquisser les contours d'une finitude radicale du savoir humain. Un savoir humain encerclé par les tropes d'une révolution résolument et authentiquement copernicienne.

Il partit en effet de son centre, qui n'était nulle part, avec la ferme intention de renouveler la preuve ontologique de l'existence de la périphérie de ce centre. Psittacus était rien de moins que kantien, et sa démarche unique en porte la marque radicalisée, et inouïe, par bien des aspects.

L'impossibilité, assumée, d'envisager la périphérie et l'extraphérie du centre verviétois l'amenèrent à poser thésiquement l'axiome apriorique et solipiste suivant:

"c'est bien parce que nous ne disposons, en tout état de cause, pas d'autre centre, ou point de vue, ou subjectum, que le centre verviétois, que nous devons impérativement revenir à ce centre même, pour rendre compte du caractère originairement excentré du centre, soit encore, pour avérer que ce centre est tout entier la preuve nécessaire et suffisante de sa propre ex-centricité".

La prose éclatée et éclatante de Psittacus est certes difficile à cerner. Et pour cause, puisqu'elle ne cesse de faire voler en mille éclats les limites traditionnelles de la prose récitative, comme on le rappelle plus haut.
Canardus psittacosé second, un de ses plus fidèles disciples, nous paraît résumer cette axiomatique sartro-kantienne en des termes plus à même de toucher le grand public (le public, donc, de la périphérie verviétoise, voire de ses alentours):

"le centre ne se constitue comme centre que comme habitant une extériorité qui n'est pas lui, dont il est lui-même, in fine et ab origine la périphérie elle-même".

C'est donc à partir du centre lui-même, et en y revenant, qu'on peut et qu'on doit comprendre que ce centre est lui-même second par rapport à une excentricité ou extériorité premières qu'il n'est pas, et dont, par essence et signifiance, il ne peut que rendre compte. En somme, le centre (que constitue Verviers, ainsi que l'ancrage verviétois que constitue l'épistémologie psittacienne), est paradoxalement fondateur parce qu'il est fondé sur et par autre chose que lui-même.
Pour le dire autrement encore, le centre est l'excédent lui-même qui ne cesse d'être excédé par ce qu'il excède.
Alan Badius, dans son traité de la quadrature psittacosienne, a tenté d'axiomatiser le théorème auto-différentiel de cette tournure de pensée qui, à maints égards, demeure une énigme autant qu'un défi:

"SOIT le Psittacus comme tel est exclusivement instituable dans son centre (psittaco-verviétois) par ce qui l'excède, et dans ce cas l'excès en question pourrait se passer du Psittacus pour être défini, SOIT le Psittacus institue-t-il son centre comme l'excédant lui-même, et dans ce cas ce qui excède le Psittacus reste dans le Psittacus: l'excès non-psittaciste, le hors-psittacus sont ce dont sa psittacicité elle-même rend compte".

En tant que matérialiste athée, nous pouvons et nous devons ajouter foi au seul membre second de l'alternative. Que nous formaliserons par le monome binarisé suivant:

"Pour toute périphérie verviétoise dont au moins 1 psittacus est le centre, il existe un 0 divisé par -1 = (psittacus) x la somme des angles droits du cercle quadraturé "

Le psittacisme confluant à l'intersection ferroviaire des correspondances omnibus entre Verviers-central et Verviers-central peut et doit dès lors être considéré comme une variante indémontrable du tombeau d'Edgar Alan Poe (par conversion du corbeau en perroquet): soit un calme bloc ici bas chu d'un désastre obscur. La révolution copernicienne est donc l'événement "never-more" à venir dont Psittacus 5.3.1 est le nom de code chiffré.

Psittacus est un Léon-Blumisme transcendantal.
Il annonce la redistribution radicale du pécule sarkozyste (majoré à 170% ) + la refonte des bijoux de la castafiore, pour une somme finie de congés payés sur le front de mer, où maints steamers balançant leur mâture lèveront l'ancre pour une exotique nature."

On ne saurait mieux définir - grâce soit rendue à Badius, exhumant enfin Psittacus de sa crypte - le "cercle discursif" psittaciste, qui fait voler en éclat, non seulement les limites traditionnelles de la prose récitative, mais encore l'onto-théologie sous-jacente de tout cercle spéculatif qui prétend en finir avec le psittacisme.
Le psittacisme, se revivifiant aux sources d'un kantisme débarrassé du concept de noumène comme concept régulateur vide (de toute intuition), est donc à la fois un idéalisme transcendantal et un réalisme critique. Il engendre lui-même sa révolution autour et hors de son propre centre, parce que le centre qui le constitue est lui-même une périphérie seconde par rapport à une extériorité radicale préexistante.
Telle est l'audace du psittacisme radical.
Et Badius, en psittaco-lacanien, l'avait fort bien compris, qui s'en inspira à juste titre dans ses "prolégomènes à tout psittacisme futur qui voudra se constituer comme révolutionnaire".

Un jour, le siècle sera psittacien. Les rares interprètes qui ont su et pu percé à jour l'entreprise radicalement révolutionnaire de Psittacus peuvent en témoigner par l'irréfutabilité du rire sincère (et émouvant) que son entreprise suscite en eux.
Pour l'instant, il est vrai, ils sont encore obligés d'en rire tout seuls, et peu nombrables. Mais partout, de par le monde, des psittacistes se réunissent et fomentent du psittacisme, suscitant un rire contagieux qui ne cessera plus de croître. C'est du moins notre conviction profonde, au moment de signer cette postface à l'oeuvre désormais complète de Psittacus, qui, dans une manière d'ultime pied de nez à la postérité, nous a quitté, emporté par une psittacose (toujours) galopante et inextinguible."

(14 janvier 2008)



vendredi 25 septembre 2009

raccourci par l'Histoire


Elmir Popielusco

Né à Bucarest en 1917, mort à Rhode Island en 2002.

Il avait mis au point une psychothérapie révolutionnaire à base d'éoliennes à membranes de crapaud, ce qui lui a valu l'exclusion du PC et l'exil aux States, où il ouvrit un centre de formation en thalasso-rebirth.

Selon Popielusco, le psychisme de l'être humain est semblable à celui d'un Emanglon:
la couche archaïque est composée de méthol ignifugé, et de poudre de perlinpinpin;
la couche centrale ressemble à un ouroboros à nervures trifurquées. Elle entre en contact avec la couche du bas au moyens de conducteurs supra-thermiques à circuit de refroidissement commandé par la glande pinéale;
la couche supérieure, dite la théophrine, sécrète des quasars microgénitomorphes qui pompent les trous noirs et augmente l'énergie alpha-centaurique lors d'un rebirth assisté avec une bassine de Splörth parfumée de Klüg.

Elmir Popielusco a été traqué par la CIA et persécuté par Gérard Majax. Il finit sa vie, ruiné, dans un sanatorium, après avoir essayé en vain de commercialiser son hydro-pneumatique à hélices holotropiques.

Il est plus que temps de redécouvrir Popielusco, dont les intuitions géniales sur la métensomatose des bébés phoques a inspiré les recherches récentes en A.I. réalisées par le Docteur Apfelstrüdel de la faculté de transgénétique nébulaire de Bourg en Brisgau.


friture post-mortem


Quand on constate l'immense difficulté qu'ont les bien-vivants pour s'écouter les uns les autres, on ne manquera pas de s'étonner de la facilité déconcertante avec laquelle les mal-morts nous passent un coup de phone...

Les morts sont parmi nous. ça, je le savais depuis que je fais mes courses dans les grands complexes commerciaux, et que je visionne les films de George Romero. Pas besoin d'être catéchumène pour ça.
Et un sourd, de son vivant, il devient accorte dans l'outre-phone, ou il est condamné à taper en morse sur le radiateur?
Et les manchots, on en fait quoi? Et les muets?
Je croyais que le numinion astral tendait à l'harmonie de ses composants. Chuis déçu.

- Allo, Mirza? Je t'appelle de chez les crevards. Ici, temps magnifique, je suis à la pêche.

- Ah bon, tu es à la pêche?

- Non non, je suis à la PÊCHE!

-oui, j'ai bien compris, Alfonso, alors, y fait beau, c'est ça?

- Mais crénom, Mirza, puisque je te dis que JE SUIS A LA PÊCHE!!

Crzzzzzz...bip bip bip bip...

Ben oui, la mort, la vie, la coupure, la friture... éternels problèmes.