mercredi 25 janvier 2012

En quarantaine - Quarantine (John Erick Dowdle, 2008)


Remake du fameux °Rec de Paco Plaza et Jaume Balagueró (2007).

On serait tenté d'en expédier l'intérêt en se posant la question justifiée de l'utilité de remaker Rec pour le public américain.
Pourtant, j'oserais soutenir que, sur les plans terreur émotionnelle, gestion de l'espace, conduite du récit, ce quarantine parvient à faire au moins aussi bien, et parfois mieux. C'est un film étonnant, ni copiercoller, ni trahison.

Je l'avais loué sans avoir saisi que c'était un "rec-bis". Donc, les 10 premières minutes, je râlais sec, j'ai voulu même arrêter en me disant: non, la honte, nous faire la resucée de ça, quel intérêt, en plus tout va être mis au standard des slashers, nul, comme tout ce que font les ricains quand y remakent, etc etc.

Par curiosité, j'ai poursuivi, et plus ça avançait, plus je me disais: ah ben non, c'est bien, très bien même. Ils ont enlevé certaines lourdeurs et stéréotypes psychologiques, mais intensifié l'essence du truc, se concentrant plus sur l'ambiance, le trip expérienciel.

La réinvention de l'espace de cet immeuble est vraiment à couper le souffle, d'une puissance graphique oppressante. L'architecture est très différente, cette donnée est importante, car la réussite du remake repose sur cette transposition, un subtil déplacement géohistorique dans l'archéo-logie du tissu urbain, des immeubles et de leurs strates mémorielles, faites de ceux qui y habitent ou y ont habité dans un espace-temps social situé.

La caméra à l'épaule ne tombe pas dans le travers redouté de la saccade permanente, mais sans abandonner le principe, elle donne davantage à contempler, en mode "indirect", l'immeuble qui, cette fois, devient le véritable personnage du film, extension spatiale maladive de la créature, superbement réussie, qui le phagocyte depuis son sommet, ce grenier infernal. C'est bien plus, alors, fondamentalement, un récit de maison hantée qu'une histoire de contamination ou un "survival".

Bref, du Lovecraft, en mieux, pourrait-on dire, car Lovecraft (sa réputation culte mis à part, bien surfaite), n'a jamais réussi à produire chez moi le moindre soupçon de peur, avec son écriture ampoulée, redondante, laborieusement descriptive - qui au lieu de nous plonger dans l'expérience de la peur, ne cesse de nous dire: "oh mon dieu, que tout ça est effrayant", suivi d'une avalanche d'adjectifs répétitifs.

On a également souligné que Rec était d'une certaine manière une adaptation "officieuse" de l'univers du jeu vidéo Resident evil, du climat si particulier du manoir du premier, cette sensation de claustrophobie, où la conquête de chaque palier, de chaque porte, sont sources d'une véritable (et délicieuse) torture psychologique, autant de strates à parcourir en s'avançant précautionneusement, avec bcp de réticence, dans les spires ou les cercles d'un enfer se faisant de plus en plus clos, sans issue, comme un goulot d'étranglement.

Le remake a très bien saisi ceci dans sa conception de l'immeuble. Qui devient un des espaces de hantise les plus réussis du cinéma contemporain, avec son style urbain simili rococo, qui mute subtilement à chaque nouvel étage, vers quelque chose de plus délabré, ruineux, immémorial. On pense aussi à Silent Hill 2 et 3, les jeux (pas le film de Ganz, complètement raté de long en large à mon sens).

Le Rec espagnol est un grand film de terreur. Sa "variation" américaine est aussi un grand film de terreur, qui ne souffre pas de son emprunt, parvenant à lui rendre hommage sans le trahir ou l'affadir, parvenant même parfois à le transcender. Je vois ça un peu comme une variation transcendante sur une partition de piano qui serait une "étude transcendante" de Franz Lizst. Enfin, dans le souvenir que j'en garde.

Ce n'est pas un chef d’œuvre (non plus), cela dit. ça reste un peu dans les limites d'un "exercice de style". Mais combien de productions récentes, prétendant au supplément d'âme qui fait les classiques, n'atteignent pas au cinquième de la puissance de ce grand Huit sensoriel?


Aucun commentaire: