vendredi 7 septembre 2012

Tapiola (Jean Sibelius, 1926)



Allez, j'en remets une petite couche sur Sibelius. Cette fois, on fait (relativement) court: place à youtube.


Après la septième symphonie, donc, il n'a pas encore dit son dernier mot.
Son dernier mot, c'est donc, bien sûr, l'opus 112 (1926), Tapiola. Puis 30 ans de silence (enfin plus ou moins) jusqu'à sa mort.

Le lieu, ou domaine, ou site, du dieu Tapio, le dieu de la forêt dans le Kalevala.
"Là, s’étendent du Nord les vieilles forêts sombres, mystérieuses en leurs songes farouches; elles abritent la grande Divinité des bois, les Sylvains familiers s’agitent dans leurs ombres."

Je trouve de belles formules dans ce texte, suscitant le désir de la découverte pour qui n'a jamais écouté Tapiola.
L'auteur insiste peut-être un peu trop sur cette affaire de forêt, de vie sauvage, de cellules organiques, de prolifération biologique, etc... On invoque souvent ces métaphores s'agissant du processus compositionnel sibélien (par croissance thématique, etc), mais il ne faudrait pas trop prendre tout ça au pied de la lettre. A trop suivre cette pente, on risque de sombrer dans les poncifs sur la musique à programme, mimétique et illustrative, dénoncés aussi bien par Debussy que par Stravinsky. Et ça affadirait considérablement le mystère de cette musique...
Sibelius lui-même nous met en garde contre cet analogisme, en recourant à... une analogie:
" If someone writes about my music and finds, let us say, a feeling of nature in it, all well and good. Let him say that, as long as we have it clear within ourselves, we do not become a part of the music's innermost sound and sense through analysis ... Compositions are like butterflies. Touch them even once and the dust of hue is gone. They can, of course, still fly, but are nowhere as beautiful ... "

Une des pièces les plus obsédantes, les plus secrètes, de l'histoire de la musique (pas moins), selon moi bien sûr, et quelques autres. La première fois que j'ai entendu ça, à la radio, j'avais 12 ans, par là. Je savais rien de ce morceau, ni qui l'avait écrit, ni quand, ni pourquoi, etc. Mais je sentais que dès la première note, il fallait que ça suive inexorablement son cours jusqu'à la dernière. Un pur bloc compact, minéral, une nappe phréatique, une fréquence souterraine, une géo-musique plane mais insondable. J'ai bien écouté Tapiola 500 fois, sans déconner. J'en ai toujours pas épuisé la substance.

Et voici, toujours selon moi, comment il faut jouer Tapiola, le juste tempo, la juste sonorité. Ne me demandez pas comment je le sais, je le sais, c'est tout, immémorialement, depuis mon cerveau reptilien, pour reprendre une métaphore foireuse.

Allez - et c'est un ordre -, interrompez toute activité et prenez 20 minutes de votre journée (multipliées par trois) pour écouter ce truc, ce monolithe stellaire, cette stèle monolithique...
 
 
Parmi la tripotée de très belles versions disponibles sur YT, j'en choisis donc 3, parce qu'il est toujours nécessaire d'écouter une pièce essentielle au moins 3 fois.
La version de Leif Segerstam est peut-être celle qui m'envoûte le plus.
 
 



La version de Neeme Järvi (avec l'orchestre de Göteborg, DG 2000), indispensable:






Karajan - avec le BPO, DG 1964 - nous emmène loin, très loin, dans ces contrées reculées où la main du serpent ne s'aventurerait point à mettre le? A mettre le? Le pied, je me tue à le dire. Alliage du phréatique et du tellurique. Moins chantant mais plus paniquant que Jarvi, plus douloureux, aussi, comme une brûlure persistante. K. rumine cette affaire de longue date, déjà, on sent que ça lui a travaille bien le siphon. Sibelius, avant de se rétracter, disait que K. était le seul qui comprenait son travail. Serait-ce le plus beau Tapiola gravé sur disque? Je serais tenté de le dire. Avec Segerstam. Si vous trouvez mieux, n'hésitez pas à m'en informer, j'fais la collec... (Il y a bien sûr Osmo Vänskä... Cependant, il va un chouïa trop vite). 
 
 
 

 
 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ouais, pour les tempi trop rapides de Paavo... Je sais pas, mais je crois que je préfère encore ça aux lenteurs pesantes, monstrueusement pesantes (limite lourdingues) de, par ex., la 2e symphonie par Lorin Maazel. Sans compter les rubatos et décalages entre les basses et la mélodie. Comme au piano, sauf que si déjà au piano, c'est de mauvais goût, je ne vous dis pas comment c'est à l'orchestre, hein.

Bon, sur ce, cher ami, je vais me pieuter, en rêvant de Sibelius et du dieu de la forêt...