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mercredi 14 décembre 2011

André Camus n'a pas sauvé le monde



Un des derniers plateaux de Taddéi.

Sur la fin, il reçoit Maïwenn pour son "polisse", ne tarissant pas d'éloges, sous le charme jusqu'à l'extase:

"'c'est la première fois dans l'histoire du cinéma, non, qu'on fait un film qui ressemble à ce point à la vie? ça dure deux heures, mais on a l'impression qu'on pourrait ajouter une heure de plus et que ça ne changerait rien. Y a pas de début, y a pas de fin. Et à la fin, on voit pas le mot "Fin". Vous ne pensez pas qu'on n'a jamais proposé un film qui se rapproche autant de la vraie vie?

(Le film en question, on en donne la B.A. Des tranches de vraie qui font tellement "vrai" qu'on dirait un mix de Julie Lescaut, L627, Navarro et inspecteur Moulin, )

Maïwenn:  "oh ben non hein, y en a plein qui ont fait des trucs comme ça, déjà. Par exemple, Altman. J'ai bcp revu, pour faire mon film, "short cuts", que j'adore."

Taddéi: "oui, short cuts, une adaptation des nouvelles de Raymond Carver. Des tranches de vie, c'est vrai, sans début ni fin. Mais comment expliquez-vous que dans votre film, ce soit si vrai, si proche de la vie?"

Maïwenn: "oh ben si ça fait tellement vrai, c'est juste parce que les acteurs jouent trop bien hein."

Taddéi: "ah ça, donc, ah oui".

Maïwenn: "ben oui, c'est proche de la vraie vie parce que c'est une fiction où les acteurs jouent très bien."

Taddéi: "en effet, ils sont tous formidables. Petit extrait. (Viard et Joeystarr au bord de la crise de nerf. Au milieu, plein de pédophiles et d'enfants abusés. Un rythme trépidant, nerveux, caméra à l'épaule. On pense à un Derrick survitaminé supervisé par Ferrara).


Plus tard, il reçoit Béatrice Uria-Monzon, la plus grande mezzo-soprano de l'histoire de l'univers. Qui triomphe dans Carmen.
Extraits.

Taddéi: "c'est un métier très dur. Bcp plus dur que chanteur ou chanteuse de Rock. La critique et les fans sont impitoyables, alors qu'en rock, les fans vont voir le chanteur au concert, et même si c'est mauvais, ils sont contents parce qu'ils aiment le chanteur. Alors qu'à l'opéra, si vous êtes mauvais, on se fait siffler, puis la critique vous descend en flamme."

Béatrice U.M.: "oh c'est pas si différent, prenez Amy Winehouse par exemple. Sur la fin, elle se faisait pas mal siffler, le public était pas content".

Une intervenante: "oh oui mais non, Amy Winehouse, c'était parce qu'elle annulait tout le temps ces concerts à la dernière minute. Une fois, ça va, deux fois, bon, encore, mais à la dixième fois, le public en a un peu assez, quoi."

Un intervenant: "oui mais là, elle est annulée pour de bon, donc, plus trop de problème."



Après la chanteuse, Taddéi s'adresse à un autre intervenant: "qu'avez-vous envie de dire pour conclure?"

- "Eh bien, on a beaucoup parlé de politique dans cette émission, mais j'ai envie de dire que c'est la beauté qui sauvera le monde, comme disait Camus."

Taddéi: "ah mais pardon, excusez-moi, est-ce que n'est pas plutôt André Breton qui a dit ça?"

L'intervenant: "oui, bon, enfin, c'est un André aussi, alors ça va."


mercredi 27 octobre 2010

Badiou pense le cinéma à la télé


 Hier, chez Taddéi.


D'abord surpris par l'agencement curieux des plateaux:

- la première partie de l'émission ("pourquoi Sarkozy est-il si impopulaire?") rassemblant l'attendue clientèle talk-showeuse. On a eu droit à l'habituelle confrontation d'idées, c'est-à-dire de formules sonores, entre pro et contra;

- deuxième partie consacrée à un tête-à-tête tamisé avec Badiou; les intervenants de la séance d'avant demeurant sur l'aile nord du plateau
et leurs silhouettes dans la pénombre, tels des phasmes dans un vivarium.


Impression bizarre, donc, d'un capitonnage des préoccupations, comme s'il fallait en assurer la non-communicabilité: politique d'une part, esthétique de l'autre.
Badiou ne souhaitait peut-être pas un effet de "brouillage" pour cette séance de promo de son dernier livre sur le "Cinéma"?
Quels que soient le mobile ou la source de cette décision concertée entre l'animateur et le philosophe, ça suscitait un désagréable effet de "déréalisation" de la parole.

D'autant qu'en cette matière, on a eu droit, il faut bien l'admettre, à un défilé assez consternant de généralités et de platitudes. Après le tête-à-tête promo-publicitaire avec Finkielkraut. A force de trop mettre d'eau dans son vin, il y a de moins en moins de vin, c'est connu.


Faut-il s'appeler Badiou pour nous expliquer que ce qu'il y a de formidable dans les westerns de John Ford, ce sont les grands espaces servant de cadre à la monstration des passions humaines les plus fondamentales, ou que Clint Eastwood dans "dirty Harry" incarne la figure universelle du justicier solitaire raccommodant les "trous dans la Loi"?
Que des cinéastes tel Eastwood ou Ford, malgré leurs airs de matamores droitiers et de chasseurs blancs, ont le cœur noir qui penche à gauche?


"Papy fait de la résistance" est à tout prendre un bon film (c'est vrai), et on rit sans arrière pensée parce que la vulgarité du trait (Jugnot en collabo gestapiste) relève de l'outrance et que l'outrance a sa place dans l'économie du cinéma comique. Oui, certes. Mais où est l'outrance? Je trouvais ça comique parce qu'au bord de l'hyperréalisme, mais bon, c'est moi.

Le sexe (comme la violence), il faut le reconnaître, est un sujet qui intéresse grandement l'humanité de tous temps, et comme dans la tragédie grecque, ils interviennent nécessairement pour traiter des passions humaines saisies à leur paroxysme. Dame, oui. Il faut dire cependant que l'événement du sexe, dans son intrication à l'amour qui le meut, est d'une grande pauvreté au cinéma. Le plus souvent, on bâille, et on a envie de dire: bon, ça va, on connaît, sortez un peu du lit et passons à la suite. C'est ma foi bien observé.

L'extrait de "Crash" de Cronenberg, avec Arquette s'appuyant sur le capot et remontant lentement sa jupe pour exhiber ses attelles designées par Philippe Starck, attention, c'était plutôt soft, précise Taddéi. Oui, mais "limite, quand même" répond Badiou avec un petit sourire malicieux et l'œil frisottant de Frère Toc. Pendant un court instant, j'ai eu une hallucination sensorielle: j'ai cru voir Pierre Bellemarre.

Remarquons encore que "Les amants crucifiés" de Mizogushi, quoique ligotés et promis à l'innommable assassinat, arborent un visage transi de bonheur extatique. Puissance subversive de l'amour. Ferry serait d'accord.

En conclusion, le Cinéma est un art majeur de notre temps, le plus populaire de tous, brassant tous les autres arts à un point d'efficacité extraordinaire, et ça donne des œuvres magnifiques et bouleversantes. De partout, de 7 à 77 ans, l'on s'émeut, l'on rit et l'on pleure. C'est pas rien.

C'est un scandale que l'étude du Cinéma ne soit pas au programme de chaque lycée. Mais c'est bientôt au programme, allons, on va pouvoir admirer Jugnot et Gertrud Flon dans "voyage à Rome", un chef d'œuvre de la nouvelle vague.



Bref, c'est formidable. Je ne suis pas sûr qu'à l'époque du défunt "bouillon de culture" de Pivot, Toscan du Plantier ou Philippe Labro n'auraient pas dit à peu près la même chose.


Tout ceci avait son petit côté "Romain Rolland", avec un soupçon d'aristocratisme.
L'imagerie du philosophe se mouvant dans "l'inactuel", planant au dessus des préoccupations conjoncturelles de la plèbe. A un moment où l'événement de la "prise de parole", confisquée par les caniches multicartes de la rhétorique télévisuelle, eût été sans doute souhaité.


Alors, certes, quand on atteint un âge vénérable et qu'on a une œuvre considérable, on a bien le droit de se détendre et de se divertir un petit peu en passant à la télé. Et si des suffisants à brushing façon Luc Ferry y passent incontinent pour y vendre leur salade, pourquoi se gênerait-on au bout du compte?


mardi 28 septembre 2010

Toute une histoire...



Bon, je dois préciser que j'ai un début de grippette, donc il se peut que mes facultés rédactionnelles en soient quelque peu altérées.
Alors, qu'est-ce que je fais, quand j'ai un début de grippette? J'essaie de faire diversion, en allumant la télé et en me fadant la rediff d'un talque chaud sur le service public. En tant que cinéphile verviétois. Car je le rappelle incidemment: qu'est-ce qu'un "cinéphile verviétois"? C'est quelqu'un qui regarde énormément la télévision française.
Ce soir et cette nuit, j'ai pas mal regardé la 2. Enfin, regarder, c'est pas le terme, j'écoute, principalement. Le poste est dans la pièce à côté, et pendant ce temps je surfe sur google pour me cultiver. Bien sûr, de temps à autre, je me lève et je passe une tête reniflante dans l'embrasure de la porte, pour bien avoir confirmation scopique qu'un discours de crétin éloquemment sonore, qui m'interpelle chez Calvi, est bien ajusté à une face de crétin éloquente, et ma foi, la fièvre aidant, ça s'ajuste pas mal.

Plus tard, j'apprends que Jean-Luc Delarue est provisoirement remplacé par Sophie Davant.
Sophie Davant, c'est que du bonheur, j'ai l'ai entendu samedi par la bouche de Daniel Guichard chez Ruquier. Et Daniel Guichard, c'est le parler-vrai, y dit ce qu'y pense, et y pense ce qu'y dit. Y a des gens dans la vie qui vous font du bien quand vous allumez le poste. Parce qu'ils rayonnent, y diffusent de la joie de vivre. Sophie Davant, c'est ça, pour Daniel. Sophie Davant, chais pô, c'est cette pudeur, cette simplicité, elle emmerde pas son monde avec ses petits problèmes persos, elle diffuse. C'est pas comme Jean-Luc Delarue, je m'excuse. Jean-Luc Delarue, je vais pas pleurer sur son sort hein. 
Non non non non-non, tututututtt, je vais pas me laisser dicter l'agenda de mes affects quotidiens et hebdomadaires intimes par les petites misères breteastonellisiennes de Jean-Luc Delarue, oh, mais oh.
Le mec qui explique dans son émission d'exhibitionnistes qu'il en est venu à abuser de la schnouffe à force de s'être pris dans la tronche les témoignages de la vraie vie des gens exposée à des voyeurs concernés; déboussolé par la dureté du témoignage de personnes souffrant d'un déni de dépendance affective anorexogène, suite à un inceste sexuel sur le lieu de travail par leur beau-père, patron népotique et pervers narcissique les ayant conduit à une tentative de suicide par barbituriques au terme de huit années de harcèlement moral assorti de menaces téléphoniques nocturnes anonymes, dans l'indifférence générale du délégué syndical scientologue et avec la complicité de leur ex, dépressif sociopathe manipulé par un couple de libres-échangistes membres d'une cyber-secte satanique organisant des tournantes dans une cave louée par un curé pédophile ayant détourné les fonds d'une association caritative destinée à financer la retraite d'intermittents du spectacle travaillant dans un cirque Bouglione à titre de nains cul-de-jatte diabétiques, je dis non. Et je refuse mon empathie. C'est ma liberté de penser. 
Ce soir, Sophie Davant passait son baptême du feu avec une soirée spéciale "amants de femmes mariées". Faut savoir qu'il y a des gens qui souffrent de baiser deux fois par semaine pendant cinq ans une femme mariée qui n'a nullement l'intention de quitter son époux, parce que ça lui donne une sécurité matérielle, et que quelque part, l'amant est partie prenante d'un processus auto-victimaire co-participatif consentant, dans lequel il perpétue une carence affective sur le plan relationnel, qui pourrait nuire à plus ou moins moyen terme à la reconstruction douloureuse de sa personnalité, sans compter les implications dans le passif de sa vie professionnelle, même s'il accepte par ailleurs en connaissance de cause les termes d'un contrat socio-affectif sexuel implicite potentiellement unilatéral dans lequel, au bout du compte, tout le monde y perd parce que personne n'y gagne. Et ça fait des vies détruites par la misère affective dissimulée derrière les gratifications sexuelles dans une garçonnière de luxe au loyer exorbitant.
Et là aussi, je dis non. Je dis qu'on s'en tamponne, je dis qu'on nous agite sous le pif, comme dab, un nuage de fumée destiné à nous empêcher de voir les vrais problèmes concrets. La réalité, c'est qu'il se passe des choses qu'on veut occulter à tout prix.
En ce moment, il y a des problèmes graves dont il faut absolument, par tous les moyens, détourner l'attention du téléspectateur. Des grèves récentes, ayant perturbé les services publics, ont certes fait écran pendant un bref moment, mais sans parvenir à escamoter l'ampleur des faits qui se préparent.
On veut empêcher les gens d'avoir peur.
Alors que selon des faisceaux de concordances inquiétantes, révélés discrètement par le préfet de police, et dont on tente vainement, dans certains milieux médiatiques, de minimiser la portée dans un but d'exploitation politique honteux, la tour Eiffel risque d'exploser en plein Paris sous des charges de dynamite placées par des Romanichels clandestins naturalisés algériens, qui se sont auto-ghettoïsés dans des cités communautaristes autarciques à risques cultivant un esprit anti-français, et instrumentalisés par des trusts financiers luxembourgeois islamistes, dans le but de discréditer, aux yeux de l'opinion médiatique mondiale, les traditions républicaines de l'Etat-Nation français.

On est clairement dans une campagne de diffamation, à l'échelle européenne et même mondiale, des efforts républicains courageusement menés contre vents et marées par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, sous les quolibets irresponsables et les points Godwin démagogiques s'additionnant dans un climat de haine anti-française sans précédent.
Évidemment, comme il fallait s'y attendre, la probité d'Eric Besson en a encore fait les frais sur le plateau de Yves Calvi en première partie de soirée, où les attaques politiciennes ont volé à basse altitude. Sans surprise. Technique balisée, téléphonée, de la "tête de turc" providentielle, du "bouc émissaire" jeté en pâture à une opinion publique que la gauche revancharde et impuissante tente de manipuler: plus c'est énorme, plus ça passe.
Heureusement, Luc Ferry et Caroline Fourest étaient là pour faire entendre la voix discordante de la raison, ultimement, au delà de quelques critiques périphériques nécessaires à adresser à Eric Besson, même si ça ne lui fait pas plaisir. Bien sûr, il faut dénoncer les amalgames délirants et honteux, autour du "régime de Vichy" et des "déportations", qui ont été proférés par des instances parlementaires européennes au bord de l'hystérie. Et de quel droit, cette ingérence arbitraire dans la souveraineté d'un État laïque? Le problème, en vérité, c'est que l'Europe n'a jamais pu saquer le modèle républicain de la France, berceau des Lumières, et qui a toujours été à l'avant-garde en matière de terre d'asile et de droits de l'Homme. Et au plan intérieur, les querelles politiciennes fielleuses et partisanes n'ont pas lieu d'être quand l'Union sacrée de la classe politique est exigée par la menace imminente du terrorisme, expliquera sur le plateau suivant Mohamed Sifaoui. Mohamed Sifaoui est un esprit libre mesuré, qui cultive la nuance subtile: d'un côté contempteur sans compromis d'Eric Zemmour (esprit libre laïque qui excite la xénophobie et les guerres civilisationnelles), et de l'autre défenseur ardent de Robert Redeker (esprit libre laïque qui défend la civilisation des Lumières contre l'axe du mal).
Certes, la bonne volonté d'Eric Besson n'est pas en cause, d'ailleurs il était contre la circulaire sur les Bohémiens, rappelle Luc Ferry. Mu par ses convictions républicaines ferventes, il lutte avec courage, et il n'est pas aidé, contre les replis identitaires; il travaille d'arrache-pied à l'édification d'une identité nationale transcendant les communautarismes ethno-religieux pour préserver le pacte républicain universaliste. Mais cette générosité mal comprise est entachée d'idéalisme un peu naïf. Qu'il le veuille ou non, le pacte et le modèle républicains ont été mis à mal, et depuis bien longtemps, sous l'effet de la tribalisation des cités, d'un refus massif d'assimilation, de formes évidentes d'arriération éducative, de conceptions patriarcales phallocratiques archaïques de la famille, et là Caroline a raison, dit Luc. Il faut bien savoir que les rapports de force se sont proportionnellement inversés: avant (du temps de Léon Zitrone), dans les banlieues, c'était le petit noir et le petit maghrébin qui n'osaient pas sortir le soir, de peur de se faire rétamer par les vilains blancs casseurs se déplaçant en bandes. Aujourd'hui (du temps de David Pujadas), c'est le contraire: les victimes d'hier sont devenues les oppresseurs, et les banlieues sont le terrain de guerres ethno-civilisationnelles attisées par des prédicateurs au double langage fourbe. Luc admet lui-même avoir sa part de responsabilité dans l'échec de la politique d'intégration. Il a sous-estimé le problème quand il était à l'Enseignement. L'Universalisme et la Laïcité sont en danger. Et c'est la responsabilité des politiques, aussi. Faudra faire son examen critique, hein. On s'épargnera pas un douloureux bilan. Oh ben, je n'ai pas la berlue: au moment même où je développe cette intuition hardie, qui ne fait pas plaisir à tout le monde, Caroline Fourest est en train de le ré-esspliquer, à 5h38 pétantes, sur la rediff de "vous aurez le dernier mot!", de F.O.G.
Purée, sacrée soirée sur la 2. Placée sous le signe de la pédagogie émancipatrice. Pas de doute, c'est la rentrée, sur la grille et ailleurs. Ouf. Sophie Davant enfoncée sur toute la ligne de coke, au petit matin blême. Bon, allez, clarinase, le suppo, et c'est marre.


mardi 30 mars 2010

"Le jeu de la mort" et les dividendes de la zéro-pensée



Le 22 février, sur sa deuxième chaine, dédiée aux événements culturels et sportifs, la rtbf diffusait un "document" à haute teneur "controversiale" suivi d'un brainstorming ahurissant de têtes pensantes, pour "susciter le débat"  (comme les films de Joachim Lafosse) le lendemain matin dans les croissanteries, les boucheries chevalines, les lavomatics, les pmu et les cours de religion laïque. Test d'audience pour une diffusion, deux semaines plus tard, sur France 2.
 
Dans un cas comme dans l'autre, ce fut un flop. Si en Belgique, cette tentative désespérée pour doper l'audimat a été été enfoncée par King-Kong de Peter Jackson sur tf1, elle fut moins suivie en France que Louis La Brocante.

Et c'est justice.


Il importe cependant d'en faire mention, comme on descend ses poubelles le soir avant d'aller dormir, et pour se souvenir qu'au rayon shampooing & vibromasseurs des librairies, on peut désormais se procurer "L'expérience extrême", de Christophe Nick et Michel Eltchaninoff, à côté de la pile du futur best-seller de Patrick Sébastien ("une révolte, pas la révolution". Manifeste du d.a.r.d., "rassemblement humaniste et citoyen de conscience et de pression" ***)



Que dire encore de ce grand moment de psychosociologie comportementale bidonnée? Pas grand chose, sinon qu'on nous expliquera vraisemblablement, après comptage du chiffre des ventes du produit, que - encore plus mieux que l'expérience de Stanley Milgram - les  véritables sujets du test n'étaient pas, en définitive, ceux dont on pensait savoir ou croyait penser qu'il l'étaient, mais nous autres mêmes, ce qui fera l'objet d'une seconde émission diffusée on l'espère avant la grille estivale.



N'ayant pas le courage de me fader la nième description du "dispositif" de cette émission (il suffit de taper sur google), je me contenterai de reproduire ici un commentaire que j'ai commis le soir de la diffusion belge, sur le site "intermedia" de la rtbf où tout un chacun-chacune était invité à réagir.




http://www.intermedias.be/profiles/blogs/le-jeu-de-la-mort?


" - Non, allez quoi, c'est un peu gros. Je sais que la rtbf aime parfois faire dans le malicieux. Je salue donc la mise en scène, quoique un peu épaisse.
J'y ai pas cru une seconde: émission potentiellement situable nulle part dans la géographie télévisuelle francophone: accents ni belges ni français ni canadiens, mais typiquement "cabotinants" (genre acteurs du Trianon, voyez, c'est tout un art d'être juste "un peu" mauvais), illustres psychologues parfaitement ringards et/ou inconnus (plus le bonus: un faux-vrai-bouquin écrit par un super-reporter et cosigné par un philosophe improbable).


Le tout agencé autour du fameux test de Stanley Milgram qu'on nous ressert sur la grille tous les 5 ans, comme si on était amnésiques.
Un seul candidat avait vu, nous dit-on, "le vol d'Icare", et de ce fait a dû être écarté de la sélection. Tous les autres, pourtant recrutés selon un vaste panel représentatif de la population - méthodologie scientifique oblige - habitaient sur Saturne.
Bien que ça soit le tube le plus resservi en plat, en sauce, en dessert et en pousse-café dans toutes les écoles de France et de Navarre depuis plus de 40 ans par tous les profs en panne d'imagination, ces hommes et ces femmes ont en majorité appliqué de fausses décharges électriques canon à de faux homologues, sans jamais y associer ce grand classique de la télévision scolaire.


Bref, "nous" sommes, télé-spectacteurs, les "testés" véritables de cette émission, qui se voudrait, un peu lourdement, une mise en abyme de notre propre crédulité ou de notre soumission à l'autorité de ladite télé.


Mais si vous voulez mon avis, ce genre de démonstration, sur le plan qu'on nomme, hum... "scientifique" (si on croit bien sûr que le champ du comportement humain peut se réduire à un behaviorisme positiviste toujours très coté), ne démontrera rien. Des enjeux de réflexion à somme nulle, juste du spectacle. 
Quel que soit le "bilan" qui en sera tiré, je n'y accorderai aucun crédit, car en ce qui me concerne, ça fait beau jeu que je n'accorde plus aucune autorité, aucune légitimité ni aux tests, ni à la télé, ni aux psychologues et sociologues de publicité-dentifrice.
Merci quand-même de m'offrir l'occasion de le dire. C'était marrant, sans plus. Mais sérieusement, on peut mieux faire: je vous mitonne un canular aux petits oignons quand vous voulez, et autrement plus crédible. Vous savez où me joindre. D'avance, merci.


PS: Christophe "Nick" (le bien mal nommé, car ne "nique" pas qui veut), et le spécialiste international de Stanley Milgram dont le nom ne me revient pas tout de suite, tsssss.


Mais honte aux "notables" (universitaires et autres) qui se sont prêtés à cette pantalonnade sur le plateau. Ça en dit long sur la non-pertinence de leurs propres travaux et leur incompétence dans leur domaine. Quand on en est en effet à postuler que les gens soient assez stupides pour gober tous ces stéréotypes de psycho-sociologie formatée années 50 (au point de ne pouvoir placer ces démonstrations fumeuses et rabâchées qu'à l'occasion d'un docu-fiction digne de vidéo-gag), on n'a plus qu'à raser les murs. "


" - @ jerzy pericolosospore, faut arrêter de boire et prendre des produits... faut allez faire dodo la ... "


" - Je me couche tard le vendredi et je ne bois pas. 

Pour les produits, soumets la question à Michel Eltchaninoff, philosophe français, co-auteur avec Nick du best-seller à paraître début mars: "L'expérience extrême", plus mieux qu'Ushuaia et Docteur Mabuse réunis, récit d'une expérience-enquête qui décoiffe, à la Stephen King, que personne n'avait vu venir dans la communauté scientifique, et qui va pourtant la bouleverser de fond en comble, heureusement précédée, déjà, par la diffusion télé du documentaire en prime-time, et dans quelques jours sur France 2, ô joie.


Rappelons que Michel Eltchaninoff est un des grands penseurs de notre temps, à l'égal d'un Luc Ferry, d'un André Comte-Sponville ou d'un Michel Onfray : auteur d'une plaquette sur Dostoïevski parue aux PUF, il y a 10 ans, malheureusement épuisée, mais plus connu pour l'immortel "Bronzer debout est une spécialité russe" ainsi que la saison 1 des "insupportables".


Cet auteur aussi rigoureux que facétieux n'a pas hésité à mettre ses compétences au service du grand journaliste Christophe Nick, pour faire enfin connaître au grand public des téléspectateurs et tateuses les travaux admirables du Zénon Ligre de la psycho-sociologie expérimentale, j'ai nommé le grand Jean-Léon Beauvois, principal intervenant dans ce bouleversant document, et spécialiste mondialo-planétaire des questions touchant à la Manipulation, évidemment.


J'ignorais encore, je le confesse, l'existence et l'importance décisive de ce "franc-tireur" jusqu'à ce que je tombe, à l'instant, sur la notice que lui consacre Wikipédia. Je cite:

"Jean-Léon Beauvois, prenant de la distance avec les méta-théories bien placés [sic] dans le Zeitgeist scientifique et culturel (interactionnisme, constructionnisme, cognitivisme, neuro-scientisme...) et revendiquant son matérialisme et son comportementalisme, a voulu développer, avec quelques-uns de ses étudiants (nombre de ses doctorants sont aujourd’hui universitaires) [re-sic. Qu'est-il diantre advenu des autres?], des axes de recherche non tributaires des dogmes des sociétés individualistes et libérales, dogmes trop souvent pris, en sciences psychologiques et sociales, pour des vérités méta-théoriques premières. Les thèmes de recherche sur lesquels il a travaillé ou qu’il a impulsés durant sa carrière relèvent de ce souci. Ils sont principalement en rapport avec l’analyse méta-théorique, théorique et expérimentale des processus socio-cognitifs, ces processus dans lesquels les rapports sociaux insérant les sujets et les objets de la connaissance sont autant constitutifs des connaissances générées et/ou utilisées que le sujet psychologique et les objets eux-mêmes (schéma ternaire de la connaissance ; voir 4, 5, 6, 7). Son dernier ouvrage (10 ci-dessous) insère une synthèse des analyses et des travaux réalisés dans un essai politique et historique sur le pouvoir social."


---> Tain, c'est beau. Je suis vaguement diplomé en phizolofie, et bien que je ne fasse pas "autorité" en ce domaine, je suis en mesure de confirmer que, manifestement, en dépit du patagon simili-scientifique ronflant de cet extrait de la notice wikipédienne (dans son intégralité, elle rend justice à J.L. Beauvois, car elle est quasi aussi importante que celle consacrée à Galilée ou Einstein, ou Jean-Baptiste Botul), les travaux laborantins de ce Pic de la Mirandole de la psychologie expérimentale d'avant-arrière garde fraient véritablement des chemins nouveaux, avec des hypothèses sur la "manipulation" du sujet par l'objet (et réciproquement, comme dirait Pierre Dac) jamais entrevues jusqu'à a ce jour, ni par Gaston Bachelard, ni par Jean Piaget, ni par Karl Popper, ni par Peter Sellers, ni par Michel Foucault, ni par Docteur Spock.


Il a fallu, pour en prendre connaissance, attendre le documentaire remarquable de Christophe Nick, flanqué, on ne l'a pas assez souligné, d'un soundtrack hollywoodien prenant, ainsi que d'un montage parallèle qui rendrait Eisenstein vert de jalousie, ce qui sans nul doute renforce l'impact épistémologique puissant des schémas à la "shadock" que le grand J.L. Beauvois, contempteur du totalitarisme manipulateur, esquisse sur son tableau à l'adresse de ses étudiants-collègues sortis tout droit de la saison 5 des Experts. 

Comme quoi la télévision mène à tout.

Merci et bonsoir. "


(*** En dépit ou à cause de l'investissement personnel harassant que requiert la tâche urgente détaillée par P. Sébastien dans l'émission culturelle de G. Durand ("l'objet du scandale"), il continuera à assurer la programmation hebdomadaire du "plus grand cabaret du monde".
Fer de lance de la lutte contre le népotisme et les privilèges, "les années bonheur" sera assurée, comme l'été passé, par Olivier Villa, son fils)



Addendum vaguement analytique, si tant est que l'ironie ne constitue pas, n'a jamais constitué une arme efficace pour résister à la propagation exponentielle de la bêtise légitimée:

Le nœud de l'affaire, s'il y en a une (je continue à croire à un pseudo-test "en abyme" où on croit et prétend tester la soumission du téléspectateur à l'autorité du protocole et de l'interprétation des figures de "scientifiques" initiant et encadrant cette émission), c'est que l'acquiescement au contenu de la "démonstration" (soumission à l'autorité, en l'occurrence celle d'un "jeu télé", d'une animatrice et d'un public) dépend justement du présupposé "méta-théorique", comme dirait Beauvois, en vertu duquel le télé-spectateur qui regarde "l'expérience" ET son "interprétation" ne peut manquer de "se soumettre" à la légitimité et au prestige du "scientifique" qui dit la "vérité" de la déduction du processus qu'il a lui-même induit.
Et sur quelles bases? Toutes les bases sont ici sujettes à contestation:

a)
On établit une équivalence structurelle entre la relation "animateur de jeu tv/candidat" et la relation "scientifique/testeur bénévole".

Il faut admettre d'évidence qu'ici, le contexte du "jeu télévisé" (de l'espèce "appuyez sur le buzzer") s'est substitué, dans l'espace-temps, à valeur et effet comparables, au contexte du test de Milgram.

Sur la base de cette équivalence fantaisiste et de cette transposition hasardeuse, on "construit" un dispositif de "test" censé mesurer d'emblée les mêmes effets induits par les mêmes causes.

b)
Mais s'agissant du postulat behavioriste de Milgram lui-même, indépendamment des équivalences frauduleuses opérées ici, un problème se posait déjà : que mesurait au juste le test de Milgram? Etait-ce forcément ce que Milgram posait comme son hypothèse, aussitôt imposée comme "donnée" de base indiscutable: la soumission à l"autorité du "savant" - le sujet supposé savoir - qui donne des directives? Qu'en sait-on au juste? Les réactions induites pouvaient s'interpréter autrement.

Par exemple: en quoi serait-ce de la "soumission", et "l'obéissance" est-elle identifiable à de la "soumission"?
Le type qui exécute des consignes, même les plus innommables, est-ce forcément sa soumission qui est en jeu? La prétendue abdication de la responsabilité propre, secondarisée dans une chaîne de responsabilités en amont et fragmentées, cela veut-il dire "soumission"? C'est devenu une sorte de "prêt à penser" depuis les écrits de Arendt  (du moins ce qu'on en retient généralement) sur "la banalité du mal" et les fonctionnaires de l'état nazi.

Or c'est un postulat un peu faible que d'invoquer, dans le champ des décisions d'un "fonctionnaire" à l'intérieur d'un cadre "x" de criminalité étatique, une "perte d'autonomie" du sujet, interprétable en termes de "soumission/obéissance". Pourquoi le sujet serait-il par-là dépossédé de sa liberté et de son choix? Il peut tout à fait agir en toute responsabilité et par pleine conviction, adhésion à une cause ou une vision du monde qu'il croit juste et légitime, au nom du "bien".
Et c'est bien plus alarmant que simplement "abdiquer" sa responsabilité et se soumettre, et bien moins facile à excuser. Le zèle, c'est aussi l'affaire des zélotes, et les zélotes c'est pas bien difficile à trouver dans une société qui passe son temps à définir et délimiter un "axe du bien", "un axe du mal", une catégorie spécifique de la population désignée à la stigmatisation, à la diabolisation, aux caractéristiques d'une altérité radicale en vertu de laquelle l'autre en tant qu'autre sort des formes définies de l'empathie, n'est plus identifiable à un "alter ego". L'immigré, le chômeur, etc.
L'agent de l'Onem qui applique au contrôlé la sanction de la privation de ses indemnités de chômage, décidant sur la base des critères quantitatifs et "objectifs" de sa liste que ce dernier ne remplit pas les conditions d'une "recherche active et permanente d'emploi", applique-t-il ainsi les directives du ministère de l'emploi faisant autorité et secondarisant sa "subjectivité", ou bien estime-t-il, en âme et conscience personnelle, depuis sa position de salarié, et plus particulièrement de salarié sous-traité et mal payé pour un boulot ingrat, que le contrôlé ne mérite effectivement pas ses indemnités? Etc.

c)
L'inénarrable "spécialiste" Jean-Léon Beauvois brandit avec éloquence, s'en émouvant lui-même (ou feignant de) comme un prestidigitateur s'extasierait et s'hypnotiserait de faire sortir des lapins de son propre chapeau truqué, sa batterie de concepts éculés, si impressionnants et si spectaculaires: "totalitarisme", "manipulation", big brother télévisuel et compagnie.

C'est plus qu'un peu faible et facile dès qu'on s'interroge un instant, dans les termes évoqués ci-dessus, sur la pseudo-évidence des liens de causalité posés entre "obéissance" et "soumission", et dès lors qu'on tient également compte d'analyses plus contemporaines (au-delà de l'éternel schème pontifiant du "totalitarisme" et de la "perte d'autonomie du sujet"), foucaldiennes et autres, qui montrent que les procédures opératoires du pouvoir correspondent aujourd'hui davantage à des logiques de décentralisation, de dispersion, et surtout sont solidaires de processus de "subjectivation" libre et intime, bien plus efficients que les vieux trucs de l'aliénation verticale (valorisation constante de la responsabilité, de la conscience autonome, de l'affirmation de soi, de l'initiative personnelle, de la "résilience" - comme il en fut discuté ici).


d)

- Dans le cas de cette émission, non seulement ce genre de présupposés éthologiques "prêts à penser" organise les conditions matérielles de la prétendue "expérience", mais encore son protocole n'a rien de "scientifique", malgré l'évidence censément partagée que la psycho-sociologie comportementaliste repose sur l'établissement de panels, selon des fréquences statistiques représentatives d'une "population" dite "standard: en quoi les "candidats" sont-ils représentatifs d'une "norme"? Sur quelles bases cette "norme" aurait été étayée?

Les candidats ont été sélectionnés au hasard, selon une procédure de "concours" spontané: ils ne sont donc "représentatifs" de rien du tout. Mais, même dans le cas - non avéré - de la constitution d'un public-cible recruté selon on ne sait quel panel statistique, ce panel participerait lui-même à l'édiction arbitraire de la "norme" dans des termes qu'on reconnaît comme légitimes exclusivement en fonction de l'autorité non discutée de la psycho-sociologie "scientifique" opérant ici ses inductions.

Donc, dans le meilleur des cas, quel que soit le contenu déduit de ce qu'on nomme "résultat" du test selon les présupposés interprétatifs discutés ici, ce genre de démonstration repose exclusivement sur le postulat - qui fait consensus - d'une soumission à l'autorité de "l'expertise scientifique" qui dit le "vrai" et crée les conditions du "vrai".

dimanche 22 novembre 2009

L'armée recrute, mais pas les sourds.


J'ai vu ça sur mon vieil écran trinitron 55 cm de diagonale. Au journal parlé visuel de la RTBF.

C'est là que j'ai trouvé la nième confirmation d'une hypothèse ontologico-para-scientifique qui me tient à cœur depuis quelques temps. Empruntée pour une part à Richard Matheson dans "je suis une légende", et pour l'autre à un des films américains les plus intelligents sortis ces dernières années: "idiocracy".
Mon intuition, très neuve, c'est qu'un beau ou sale matin, le monde se réveille et est devenu entièrement con. Attention, une forme de connerie tellement pulvérulente que personne, par définition, n'est à même d'en prendre la mesure. Si je m'en sentais le courage et, disons, le talent (j'entends par talent une forme de discipline et de régularité dans le travail), j'en ferais un roman-saga très sophistiqué qui me ferait des cognons en  platine. Bien sûr, ça a déjà été fait, mais essentiellement sur un mode, disons, comique. Ce qu'il faudrait faire, c'est un truc profondément tragique et désespérant. Une apocalypse lente, inexorable, de la bêtise, plus dévastatrice que n'importe quelle arme de destruction massive.
Et il faudrait, naturellement, en décrire minutieusement toutes les implications, en laissant la genèse de côté, parce que de ce côté, on ne pourrait évoquer qu'un basculement indéductible, une rupture "épistémique" comme on dit. Plus rien ne fonctionne, c'est le chaos multi-directionnel, on ne se pose même plus la question de savoir pourquoi on ne sait plus se servir des objets techniques et non-techniques, pourquoi dans les établissements scolaires y a des tonnes de bouquins que plus personne ne comprend, etc etc. Non, sans rire, j'ai commencé à développer le machin, c'est vertigineux, et ça inclut dramaturgiquement l'élément horrifique implacable que le narrateur soit n'écrit pour personne parce que son témoignage ne peut être entendu, soit lui-même se retrouve con comme une pelle à tarte.

Mais comment définir cette espèce de bêtise, sa dimension anxiogène fondamentale? C'est une question difficile, voire insoluble, y a des manifestations qui laissent pantois, c'est juste ça, faudrait pouvoir dresser des listes.

Les journaux télévisés constituent sur le plan discursif une manne inépuisable de manifestations de connerie inquiétante qui ne semblent pas inquiéter grand monde, et c'est ça justement qu'est inquiétant. Bon, par exemple, je regarde ce reportage sur le grand salon des perspectives de carrière à l'armée. Y avait une déléguée de communication de la grande muette,  qu'avait l'air de carburer au p'tit bourgogne, dissertant au micro au milieu de stands occupés par de grands molosses musculeux et tonsurés distribuant à quelques skinheads malingres et désœuvrés des dépliants publicitaires, j'exagère à peine, pis aussi des témoignages de jeunes motivés en décrochage scolaire qui aimeraient se forger un avenir dans les forces belges, lesquelles assurent une formation gratuite. Et en ces temps de récession économique, c'est un service appréciable.
On a passé en revue quelques petits problèmes, on pourrait appeler ça des obstacles épistémologiques à l'embauche, qui font que c'est pas gagné pour le public ciblé. Et là, ça donne à méditer.
Parce que faut savoir un truc: le gros problème à l'embauche, si on veut entamer une carrière fructueuse à l'armée, c'est la condition physique. La condition physique des jeunes Belges est déplorable, désastreuse. Les mots sont impuissants pour décrire l'incroyable nullité de la condition physique de l'aspirant administratif au service de la défense. Faut bien  savoir, tout d'abord, qu'il y a un vache de problème très préoccupant au niveau des facultés auditives. Le jeune, en effet, a des oreilles foutues, statistiquement parlant. Il s'est détruit l'oreille, le jeune, à cause de son baladeur MP3 dont il pousse le volume à toute berzingue dans le bus sur le chemin de l'école. Et ça, c'est très préoccupant pour la déléguée de communication, c'est un véritable problème sociétal-générationnel sur lequel se sont penchés avec beaucoup d'attention à l'armée nombre de spécialistes scientifiques dans l'étude du canal auriculaire.

Le problème saillant qui ressort des études très sérieuses qui ont été faites, c'est que si le jeune souffre de surdité en raison des rythmes électro-binaires qui font boum-boum-tchak dans son tympan, il ne peut plus entendre les ordres. Or le socle fondamental des compétences opérationnelles que mobilise la fonction militaire, c'est l'aptitude à entendre les ordres et les directives. C'est expliqué très sérieusement dans le reportage. La mal-entendance du jeune compromet moult tâches d'une importance décisive comme écouter les directives du chef dans le talkie-walkie lors des exercices de manœuvres; et plus question évidemment de survoler en avion furtif les zones campagnardes à risque si on peut pas entendre les longitudes et les latitudes.
C'est très souciant, déjà, le devenir-sourdingue du jeune lamentable victime de la tectonik à son destin offert, mais y a pas que ça: le jeune mange mal, très mal, ses muscles sont avachis, et il manque de souplesse au niveau des articulations du bassin et de la colonne vertébrale. Le jeune est mou, statistiquement. Le jeune incarne de moins en moins la force vive de la nation et de plus en plus le déclin de l'oxydé. Parce qu'avec son baladeur mp3 il passe son temps vautré dans le canapé familial (sur une caisse à savon recouverte d'un paillasson s'il touche le cpas, et sur un siège de Taunus volée en simili-léopard s'il est délinquant) à mater d'un œil distrait et vitreux la rediff de "x factor". Ces mauvaises habitudes nuisent à l'avenir professionnel du jeune, car à l'armée, on rigole pas avec la condition physique.

A la limite, le jeune aurait encore pu espérer réaliser son espoir d'avenir radieux dans l'administration civile, où on n'est pas trop regardant sur les chips et les sodas, si seulement il s'était un peu plus impliqué dans son cursus scolaire. Mais à cause de ses mauvaises oreilles,  de son mou bide et de ses bras tout flasques, le jeune et son avenir socio-économique sont compromis. Faut bien  savoir que 95 à 98 % seront recalés aux examens pour l'embauche, et faudra pas venir pleurer. L'armée, c'est pas un  refuge pour les marshmallows et les mal-embouchés du conduit, l'armée c'est l'école de l'excellence, du maintien, c'est une vitrine qui se doit d'être éloquente du port et du maintien irréprochable de l'élite des citoyens. Un esprit sain dans un corps sain. Et l'oreille absolue, comme Pierre Boulez. Mais le jeune d'aujourd'hui y capte plus les micro-intervalles et la série des 12 sons de la gamme chromatique. La seule chose qui l'intéresse c'est de télécharger sur son gsm le dernier trip de Lady-Gaga sur le dance-floor, et d'ailleurs Lady-Gaga elle est molle de la cuissarde et du pectoral, manque de trapèze et abus de junk-food, elle tiendrait pas debout trois minutes comme majorette chez les Gilles de Binche avec le panier d'oranges, et si les filières traditionnelles menant à la fonction publique ont échoué dans leur mission de former des winners et des warriors en état de marche tip-top, c'est pas à l'armée de payer les pots cassés.

Alors, ok, d'accord, le plan de carrière dans l'armée est super-attractif pour le jeune en décrochage et qui aimerait faire quelque chose de constructif de sa vie, mais encore eut-il fallu qu'il surveille de plus près son hygiène de vie. La faillite du système est générale, c'est la société qui est responsable. Quelque part, c'est une bonne leçon. On a négligé l'essentiel, tant pis, fallait y penser avant. L'armée, même si elle manque de recrues, elle va pas brader non plus à la criée son socle de compétences, y a des bornes aux limites tout de même.

C'est une question de se respecter soi-même, et c'est aussi un message, un signal fort adressé à la jeunesse: tu voudrais un avenir sécure, tu voudrais échapper à une vie foutue, morcellée, à la consomption de toi-même comme main d'œuvre mobilisable, flexible et délocalisable dans une échelle sociale nivelée jusqu'à ta mort; mais avant de rêvasser aux lendemains qui chantent, fallait penser à tes oreilles et à choisir comme dix-heures une barre protéinée chez Décathlon plutôt que d'aller t'enfiler des Mc Burger Queen sur tes heures de sèche. Si t'es plus en mesure d'entendre les directives sinon dans l'oliphant de Tryphon Tournesol et si tu sais même plus toucher tes orteils debout sans te fiche un lumbago, eh bien que veux-tu que j'te dise, c'est bien malheureux à ton âge mais ne t'en prends qu'à toi-même.


Le journal télévisé de la RTBF, ça sert aussi à remettre les pendules à l'heure, même si ça fait pas plaisir. C'est la mission d'information et de responsabilisation du citoyen. On peut pas que s'amuser tout le temps non plus.

Ben oui, mieux vaut entendre ça que d'être sourd, pour sûr.

samedi 10 octobre 2009

François Bégaudeau, un ponke.


1.
"La névrose de la vie réussie", si elle constitue sans nul doute une sorte de ligne de fond dans le cinéma de Laurent Cantet ("ressources humaines" et "l'emploi du temps"), ne semble fort heureusement pas trop habiter "l'être-dans-le-monde" de François Bigoudi... Bigoudèn, pardon, Bégaudeau.
Depuis sa conf de presse à Cannes, je ne cesse de découvrir la personnalité fascinante de François Bégaudeau, son "parler juste", son regard, lucide, néanmoins tendre, sur not'société contemporaine.
Il faut lire et relire les interviews de François Bégaudeau, on apprend énormément de choses sur l'art de décoder, bien en phase, son époque, sans céder à la sinistrose des "no-life" à fond dans la "lose".
Bégaudeau appartient à cette fine et rare lignée de "personnages conceptuels" qui font vivre les meilleurs cocktails avant-arrière-gardistes, aux avant-postes d'un "souci de soi", nous ne dirons pas post-moderne, nous dirions post-historique, et nous ajouterions fukuyamien, précisément.
Fukuyama traduisant euh... Hegel (non, on va pas revenir là-dessus, c'est trop déprimant) et traduit par Beigbeder

Bégodbedeau se joue des clichés, des poncifs, avec une opportunité réjouissante:

" Aqui ! : Pourquoi avez-vous choisi comme matière première de votre livre le texte de la conférence de presse donnée par la journaliste Florence Aubenas ?


François Bégaudeau : J’ai regardé en direct cette conférence de presse. Au bout de vingt minutes, je n’en pouvais plus tant ce que j’entendais résonnait en moi. Ce qu’a raconté Florence Aubenas, ce jour là, cristallisait tout ce que j’avais envie de dire à ce moment de ma vie. La journaliste a éludé les sujets polémiques – la présence d’otages roumains, le montant d’une éventuelle rançon – pour décrire son quotidien de captive. Et elle l’a fait sur le mode du comique. Son comportement témoigne d’une grande force, que je prête à toutes les femmes. Mon livre est féministe dans le sens où j’y défends l’idée que les femmes sont plus fortes que les hommes, aujourd’hui.
@ ! : Est-ce pour cette raison que votre livre s’intitule « Fin de l’histoire » ?
F. B. : Oui. Le vrai évènement de cette conférence de presse c’est Florence Aubenas, une femme, et son aisance à parler. Elle remet en cause la suprématie historique des hommes. A force d’être au pouvoir les hommes sont devenus grotesques. Les femmes, qui ont été confinées à la sphère concrète et domestique, ont été "préservées". Mais lorsqu’elles accèdent à des postes de responsabilités, elles se masculinisent. Regardez Laurence Parisot. La seule que je trouve épargnée c’est Dominique Voynet. Elle se bat en politique mais elle reste mère et femme.
Mon titre fait aussi référence au titre du livre de Francis Fukuyama en 1992, qui voyait dans la victoire de la démocratie libérale, la fin de l’histoire.


@ ! : Vous abordez des thèmes très divers, quel sera le prochain ?
F. B. : Ma vie quotidienne parisienne. Remettre le quotidien à sa place et lui redonner son importance me tient à cœur."

Véritablement épatant. Quel féministe, ce Bigdili. Savoir se battre en politique, tout en restant mère et femme, séduisante parce que préservée des vicissitudes du pouvoir, par la grâce d'une domesticité, en laquelle la capacité d'évoquer le malheur en oubliant pas de rester drôle et divertissant trouve ses racines profondes z'et naturelles.

Concernant la "jeunesse", gageons que Beigodot ait également un regard éminemment décapant, tout aussi "punk", et amusant, à nous faire partager, petits et grands.

(26 mai 2008)


2.
Dans une séquence du film "entre les murs", appelée à être "culte", Beigbaudet, professeur de français, demande à une étudiante - qui s'est montrée malpolie - de dire: "je m'excuse". Et elle répète: "je m'excuse".

"Je m'excuse".

ça me troue le cul, ça.

On dit pas "je m'excuse", c'est pas seulement une question de bien parler, ça relève de la logique. C'est le récepteur qui doit recevoir l'excuse, et non l'émetteur qui se l'accorde. On dit "je vous prie de bien vouloir m'excuser".
Voilà ce qu'on dit.

Merde alors.


3.
Vu Bigbeider faire de la retape pour son "antimanuel de littérature" au cercle de minuit.
Hallucinant.
Ce mec se prend vraiment pour son perso.
Il cherche à tout prix à placer son créneau, entre Pascal Sevran (rip), Stéphane Zagdanski et Paul Guth. Je crois qu'il y arrivera.
D'une démagogie sans limite, infatué et enflé du cou à te foutre un torticolis. Le tout faisant penser à un chroniqueur "poil à gratter" officiant dans un mag "trend tendance" destiné à divertir des killers d'entreprise en jouant à se faire passer pour un "ponke".

Quand il nous a expliqué "le métier d'écrire" selon sa compréhension personnelle-par-lui même de Gustave Flaubert, j'ai eu un « flash » comme Christopher Walken dans dead zone, rien qu'en touchant mon vieil écran trinitron 54 cm de diagonale : un futur talque-chaud en seconde partie de soirée, façon Picouly, à moins qu'il ne soit pressenti pour remplacer au pied levé Naulleau chez Ruquier, pour jouer à Pécuchet avec Zemmour.

Ou alors (repensant au prime time de Picouly avec le tandem d'écrivains "maudits" BHL/Houellebecq), y nous prépare un coup fumant, genre tirage à 200.000 exemplaires d'un épistolariat soutenu avec Maurice G. Dantec sur msn/messenger.

Honnêtement, je sais pas, non, vraiment, je sais pas... comme disait Jean-Marie Straub.

(15 octobre 2008)

lundi 5 octobre 2009

Malaise vagal



 L'indicible empathie qui nous saisit à la vue du malaise vagal d'un homme qui travaille comme un damné.


"Quand on est président de la république", confie-t-il au micro, comme s'il n'en était pas encore revenu lui-même, ou comme s'il devait en redonner la confirmation à quelques téléspectateurs mal informés, comme s'il devait rééditer le best-selller d'Evelyne Leclercq, présentatrice oubliée de "tournez manèges": "comme vous, je vis, je ris, je pleure", et j'ai des malaises à force de me lever très tôt tous les matins pour travailler plus pour vous tous, bande d'ingrat(e)s, bande de glandeur(euse)s, et rien, jamais un merci. Alors, votre assurance-maladie, vous pouvez vous la mettre où je pense. Salauds de pauvres. Et paresseux.


Nicolas S. arborait donc la mine d'un homme épuisé qui a fait pendant 2 semaines les trois/huit à Domino's Pizza sous la férule harcelante d'un moniteur en marketing-évaluating.

Occasion inespérée, sans nullement ironiser, ce serait bas, et de mauvais goût, sur l'opportunité d'un vibrant, une fois encore, chantage aux affects.
Les traits tirés, quasi désemparé, la détresse, mais digne, d'un homme qui ne se ménage pas pour se donner âme et corps au labeur pharaonique de faire tourner à lui tout seul, à mains nues dans la fonte incandescente, toutes les usines métallurgiques de France et de Navarre.


Voilà qui force le respect, et devrait faire taire, une bonne fois, les langues de vipères critiqueuses. Et si notre prêtre ouvrier se tue à la tâche, à qui sera la faute? Ah, mais on connaît les coupables. Qu'ils se désignent eux-mêmes, fassent un pas en avant, la tête basse. On réglera les soldes.
Bouffé vivant par les rapaces du show-bizeness, comme Michael, encore un martyr brûlé vif sur l'autel du star-system. Des fois, Nicolas S. se sent bien seul, lui aussi, comme un petit enfant qui a trop vite grandi, victime sacrificielle jetée en pâture au cynisme assassin d'une populace avide de pains et de jeux. Un poète, au fond, un tendre, un être de bonté et d'innocence, instrumentalisé par les énarques, qui aimeraient tant se repaître de ses entrailles encore tièdes, mais non !

Le sacrifice de Guy Mocquet n'a pas suffi, et le sens du sacrifice pour sa patrie ayant déserté les instituteurs de nos campagnes alors même que la défection des églises paroissales n'a pas amélioré, loin s'en faut, la vie de nos concitoyens, il faut un exemple frappant, et plus éloquemment physique que Jeanne au bûcher version Besson.
On murmure dans les exégèses médiatiques que la communication poursuit un but évident: pratiquer la transparence, rompant, une fois de plus, avec les chafouineries coquettes des prédécesseurs, Pompidou et Mitterrand.
Mais le message est plus profond que ça.
J'irai chercher mon cancer avec les dents, s'il le faut, et je vous le déballerai sur la table d'opération, en direct du journal de 20h sur Tf1, s'il le faut. Pour m'interviewer, non, pas Yves Calvi, on en a marre des chauves à greffons. Didier Barbelivien.
Ou Jean Réno, un homme qui connaît la souffrance, et proche du "pople" (comme dirait Serrault). Je veux être entouré de mes amis.

Je veux dire aussi à Carla, ma tendre Carla: mon sacrifice n'aura pas été vain, ma mie, mon épouse, ma compagne des jours sombres. Essuie tes larmes sur ton beau visage. Je t'avais promis des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas, et on parle encore de ce roi mort de n'avoir pu te rencontrer.
Toi seule a su lire en moi la détresse, la fragilité, la sensibilité d'un homme profondément simple, d'un travailleur courageux. Regarde les cales sur mes mains, Carla, ce sont les stigmates d'un homme qui toute sa vie a lutté avec les machines-outils, a brûlé son corps meurtri dans les chaudrons du grand Capital, pour espérer un jour faire rejaillir le feu d'un volcan qu'on croyait trop vieux.

A tous les Français et Françaises, je veux vous dire: je vous ai aimés, plus que vous ne m'avez aimé. J'aurais tout donné pour vous, comme ces amputés du cœur qu'ont trop ouvert les mains, mais nom de dieu que c'est triste, Orly, le dimanche, avec ou sans Bécaud.

(31 juillet 2009)

Prolégomènes à une crétinisation du service télévisuel public





Sur la 2, on a pu le 13 janvier admirer le premier d'une série de téléfilms sur l'histoire de France ("Ce jour-là, tout a changé"), consacré à l'assassinat d'Henri IV.
Suavement annoncé et promotionné, à la fin du journal de 20h, par le sourire vasectomique et les clins d'yeux malicieux d'un David Pujadas plus carpette que jamais, cet invraisemblable et consternant nanar, compromis vachement avant-gardiste entre "Thierry la Fronde", "les rois maudits", "les visiteurs" et "Alain Decaux raconte", constitue le prélude éloquent d'une remise à niveau "culturelle" de l'inconscient historique du téléspectateur initiée par l'esthético-politique sarkozienne de restauration du culte des icones et de la personnalité.

Tout, dans cette sidérante dramatique jouée avec les pieds par on ne sait quels sociétaires de la française des jeux, et agencée comme une réclame incitant à collectionner des vignettes de bons rois aimant les belles femmes et le bon peuple sur des potiquets de yaourt soldé, transpire la "vision" délétère et sarko-feuilletonnesque d'une France binarisée et biniourisée entre l'ordre de la Cour (intrigues aux palais, portraits d'intrigants califats qui n'en veulent qu'à l'intégrité du brave monarque, homme idéaliste, follement romantique dans ses conquêtes féminines, chaud-lapinisant en diable, drôle et décontrassté, finaud et sympatoche derrière l'apparat contraignant du pouvoir, bref le portrait craché du Nicolus Omnipotus tel qu'il se fantasme par le prisme d'une télévision à lui tout entier dédiée), et le pittoresque du Peuple (une sorte de pitit village de schtroumpfs haut en couleurs, vu de loin, très loin).
La pédagogie n'est pas en reste, et on organisera sans nul doute pour les lycéens couche-tôt ou trainant la patte à la fréquentation des musées une projo en classe, pour réviser les énoncés logico-sémantiques marquants du passé, de ceux qui font l'histoire avec une petite hache aspirée: "Paris vaut bien une messe" et compagnie. 

(15 janvier 2009)


samedi 26 septembre 2009

documentaires animaliers





Chers Users, je vous remercie de remercier les Users qui vous remercient pour la haute tenue des échanges et des analyses exprimées ici sur les mérites respectifs des films de télévision au cinéma et des films de cinéma à la télévision, ainsi que l'esprit de camaraderie respectueuse de ce forum, dont je lis avec beaucoup de plaisir les interventions aussi diverses que variées.
Enfin un lieu où nous pouvons échanger des commentaires intéressants sur un sujet trop rarement abordé à mon goût.
S’il m’est permis d’insérer ici un avis personnel qui n’engage que moi sur cette problématique un chouïa délaissée en ces contrées où la main du serpent s'aventure rarement à mettre le pied, je vous dirai que je nourris, en ce qui me concerne, mais c'est là une question de goût personnel, une dilection particulière pour les documentaires à la télévision.
Par rapport aux documentaires à la radio, ou les documentaires dans la presse écrite, veux-je dire..
En effet, selon moi, les documentaires à la télévision bénéficient d'un plus : la dimension visuelle.
Autant la dimension visuelle est bien représentée dans les documentaires à la télévision, autant elle fait défaut dans les documentaires radio. Je trouve.
Dans la presse écrite, cependant, il arrive que l'on trouve des documentaires associant la dimension visuelle à la dimension écrite. Mais dans ce cas de figure, ce qu'il me semble un peu manquer dès lors, c'est la dimension auditive.
C'est pourquoi, à tout prendre, je préfère regarder les documentaires à la télévision, tout en me réservant le droit d'écouter les documentaires radiophoniques.
Mais je pense aussi qu'il faut les deux. La variété est source de richesse dans ce monde. Surtout quand ce monde est bien représenté par des documentaires, et surtout quand ces documentaires sont aussi intéressants qu'instructifs.
Je pense, personnellement par moi-même, que certains documentaires sont très bien faits, d'autres moins. J'ai pu constater, je ne sais pas ce que vous en pensez, que les bons documentaires se signalaient par leurs qualités, aussi diverses que variées, cependant que les mauvais documentaires se caractérisent, oserais-je le dire, par une qualité moindre.
Je vous donne un exemple. La semaine dernière, j'ai pu voir sur Télé-Vesdre (une chaîne de proximité sympathique, située non loin de ma région, entre Verviers et Eupen, deux pôles culturels rayonnants qui gagneraient à être mieux connus dans le pauvim – paysage audiovisuel médiatique) un documentaire très bien tourné et très instructif sur la tonte de la fourrure des loulous de Poméranie.
C'est là une chose que l'on ignore, mais le loulou de Poméranie est très prisé dans les cantons rédimés pour sa livrée d'hiver, de couleur blanc cassé, dont les usages sont multiples. J'ai ainsi appris que la doublure intérieure de certains modèles de pantoufle, du style de celles qu'on peut trouver à des prix très intéressants au shoe-post d'Eupen, juste à côté du Super-confex qui, depuis, a été supprimé, sont en poils de loulou de Poméranie.
Dans ce documentaire, très bien tourné, je le répète, nous avons eu la possibilité d'entendre sur ce sujet un propos très intéressant, et instructif, du professeur Rudy Van-Daele, spécialiste des loulous de Poméranie au CHU d'Eupen : la fourrure de loulou de Poméranie, spécialement dans sa livrée d'hiver, secrète une substance intéressante, la phrobéïne, reconnue pour avoir des effets apaisants pour les rhumatismes piédeux, ou piédiques.
Enfin, et bien que ceci n'ait pas directement à voir avec le sujet de mon intervention, j'ajouterai que je connais personnellement Guy Lemaire, présentateur-animateur attitré de "télé-tourisme", dont je m'honore de recevoir l'estime et l'amitié, et que je m'attriste du sous-emploi de ses talents multiples à la télévision ces derniers temps.
Je suis parfois d'accord avec lui, parfois moins, parce qu'il a aussi son franc-parler.
Sur certaines questions, par exemple (les questions d'ordre général, mais aussi, parfois, les questions d'ordre particulier), il nous arrive d'avoir des divergences d'opinion. Mais tout ceci s'oublie bien vite autour d'un bon château Lafitte dans une auberge de Vielsalm, dont Guy Lemaire connaît personnellement la cousine germaine de la patronne. Et dont une des spécialités culinaires que je vous recommande, à l'occasion, est la crêpe au fromage de Herve saupoudrée de Gingembre. Un pur régal.
Mais là, je reconnais que je suis moins objectif, parce que j'aime beaucoup les crêpes au fromage.
Merci de m'avoir lu, et encore bravo pour ce forum où on peut échanger courtoisement des.. euh, échanges très, euh... échangeables.

Bien cordialement,
Jerzy P.

(10 mai 2006)

vendredi 25 septembre 2009

rediff nocturne


(janvier 2008)

Suis actuellement scotché sur la rediff nocturne de Mireille Dumas. C'est comme qui dirait un grand moment de solitude.

Y a des keums, et des meufs, du monde du spectacle. En l'occurrence, on appelle ça le "théâtre-claque" de boulevard. Ces mèssieurs et ces mèdèmes sont très diserts, et ça jacte à tout va des trucs existentiels très chiadés. Dans une ambiance somme toute assez sympathique et bon enfant. Ah, quel entrain. Des gens qui bougent, qui vivent, qui s'amusent, dirait-on. Je parie qu'ils aiment croquer la vie à belles dents.

Le sujet, en soi, est une mine de réflexions très concernantes à propos des relations n'humaines et de séduction entre les n'hommes et les femmes. Y paraît, à c'qu'on dit, enfin moi j'essaie de me tenir au courant de c'qu'y s'passe dans notre société (du théâtre-claque de boulevard, notamment) que les repères sont chamboulés. Y a des n'hommes qui sont choqués parce que ces dames disent "fion". Par exemple. Rhoo! Y a une comédienne, très subversive sur la problématique des nhommes et des femmes, qui déchire grave les tabous: "moi, si un mec vient me voir sur scène et se trouve choqué parce que je dis "fion", "merde" et que je parle du "sexe de comment nous les femmes on aimerait parler", j'en ai rien à caler. Ce mec-là, y me séduira pas, point barre".

Qu'elle dit dans l'interview dans les coulisses après le spectacle.

Ouaih, t'as raison, ma fille, te laisse pas faire! La pièce, c'est sur des copines qui parlent entre elles, c'est très libéré, ouhla, on enfonce pas mal de tabous, puréééée. Je me suis cru choqué. Pis la comédienne, une femme très charmante au demeurant, une blonde crollée platine qui agitait sur scène (dans l'extrait) son tirlipotin de façon méga sexy provocante, avec un jean très très serré (je me suis dis: ouh la vache, qu'est-ce que c'est serré. ça doit être difficile à mettre, et à enlever, y a pas. Enfin, c'est du boulot. Mais bon, c'est beau, y a pas à dire. C'est nickel) pour bien dire aux mèssieurs, "je vous emmerde, na" (ooh, la ptite salôôpe, elle sait y faire, hein. Mh), au point que je pus difficilement réprimer un début d'érection - à quatre heures du matin, la gaule, Jules César, toute la smala -, s'exprima de la sorte:
"moi, mon rêve de mec à moi, le top classe du top classe, mon fantasme absolu que tu peux pas aller plus loin, c'est Steve Mc Queen...
... Alors, j'te raconte, une fois, j'étais dans un parc à Venis'euuuh, pis je vois sur un banc un mec, je te jure, c'était Steve mc Queen. Enfin, pas lui, vraiment, hein, mais son sosie, quoi. Mon dream absolu. J'étais complètement tétanisée, t'ouas, j'étais face, ouais, au rêve de ma vie, t'ois. Eh ben t'sais que chfaisais alors, t'ouas, ouah j'l'ai pris en photo avec mon Nikon, t'ouas, pis chuis rentrée direct à Paris, t'ouas. Pis après j'l'ai montrée la photo, à Josianeuh, ma super-copine à mwa que j'lui dis tout, t'ouas, et elle m'a demandé: "et putain, quoi, tu lui as rien dit, t'es rentrée comme ça, quoi"?

(alors moi, à ce moment, je pense en dedans de moi-même: oh ben dis donc, la petite salôôpe, c'est qu'elle est drôlement sûre de son potentiel séductile, hein, pour se permettre de snober, comme ça, le mec, là, sûrement une espèce de vieux beau sur le retour, avec ses rouflaquettes grisonnantes. Chais pas, j'imaginais des rouflaquettes grisonnantes, pis un regard bleu-océan inexpressif de boeuf mironton et un putain de sourire vachement énigmatique. Et peut-être un peu mélancolique. Si si, chuis sûr que c'était un mélancolique. Peut-être même un mélancolique chronique. Ben oui, sur un banc, à Venise, qu'est-ce que tu veux que ce soit. En tout cas, bizarre, le trip. Spécial. Pas commun en tout cas. La vie réserve de ces surprises, parfois).

"Ben ouai-ee, t'sais, qu'elle dit, j'ai appris une chose quoi, t'ouas, dans la vie t'as des fantasmes, et bien faut jamais réaliser ces fantasmes, quoi."

Avec Steve Mc Queen.
Bon, là, j'me disais dans ma tête: ouaih, elle a pas lu la biographie de Roman Polanski, ma main à couper, hein, parce que si elle avait lu, elle saurait. Que c'était un con, Steve Mc Queen. Un demeuré, quoi. Si, avec sa buggy, là, dévalant sur les dunes de Waïkiki en rigolant comme un malade, pendant que ce pauvre youpin de Polanski, bringuebalé dans la carlingue, à peine rescapé du ghetto de Varsovie, se fait des contusions et des bosses sur la tête plus grosses qu'un oeuf de crotale. Enfin bon, si elle aime ça, la salope, c'est son problème.

Bon, cela dit, c'était super. Un témoignage vécu très très perso vachement concernant et intéressant, pour le téléspectateur lambda que je fus et demeure. Je ne bandais plus du tout, certes, mais c'était pas le problème. Non, le problème, c'est que j'avais pas de travail. Et que je crois pas pouvoir, vu la conjoncture et les flux boursiers, m'acheter prochainement un billet d'avion pour Venise. Ni même un Nikon. Ni même une pellicule de Nikon. Je pensais à ça: est-ce qu'un jour j'irais à Venise avec un Nikon? Bwoaf. Keske j'irais foutre à Venise, je te demande un peu. On doit se faire chier grave à Venise. Pour prendre en photo des mouettes qui lâchent du guâno dans un square désert sur la statue de Paganini ou j'sais pas qui.

J'en étais là de mes réflexions en dedans de moi-même. Et soudain, tadaam, y avait Patrick Bruel, là, devant moi, grand philosophe français de la dernière décennie du XXè siècle, venu nous expliquer "la plus belle aventure de sa vie", à savoir, tadaaam, sa paternitude.
Patrick Bruel à coeur ouvert, tel qu'en lui-même, nous apprenant les valeurs fondamentales de l'existence, avec beaucoup d'humoure, de pudeure, de vérité-e, tout ça. Bon moi, alors, j'vous dis, j'étais comme vissé dans mon fauteuil, avec de la colle pattex super-U, c'tait bizarre comme sensation existensssielle. Je méditais sur le devenir humain, le mien en particulier, et je me disais, comme ça, en dedans de moi-même: mais bordel de couille, j'en ai rien à foutre, mais strictement rien à foutre. Faut'qu'je bouge, je sais pas, moi, même le petit doigt de mon orteil, un truc, une initiative, un sursaut de manifestation de mon libre-arbitre, quoi.

Mais non. Au lieu de ça, vissé, je bois, que dis-je, je lappe, dans une torpeur proche de l'hallucination mystique, les paroles de Patrick Bruel: "oui, c'est pas facile, pendant vingt ans, j'ai cru que...., puis je me rendu compte que.... Et ce jour là, mon père, que je n'avais pas vu depuis au moins.... "

Pendant ce temps là, tout en n'en perdant pas une miette, je me disais: je dois absolument faire quelque chose de ma vie, sinon je vais tourner à loque n'humaine, ou plancton marin... Oh Jésus Marie Joseph, faites quelque chose, aidez moi à prendre mon pouce gauche avec mon poignet droit, et donnez moi la force d'appuyer sur la télécommande pour aller... sur Tf1. Mais non, je savais, en mon for intérieur, que je regarderais jusqu'au bout, jusqu'à la lie, et même au delà. Mais c'est quoi, ce phénomène, cette télévision, je suis sûr, ma main à couper, qu'il y a des penseurs qui ont écrit des choses terriiiibles à ce sujet, si, j'peux en citer trois ou quatre, comme ça, paf, au débotté, sans remuer: Baudrillard, ouaih, ouaih, il leur a dit, hein, Baudrillard, y s'est pas gêné, tu penses. Pis Virilio, ah whouais, Virilio, le panard oufti toi, leur a mis la pâtée. Stiegler, aussi, faudrait qu'je lise un Stiegler. Y les enfonce tous. Bon, ok, demain, à 17h39, je file à la bibliothèque et j'emprunte un Stiegler, pour leur régler leur compte à tous. Si j'arrive à me lever... Question de volonté.

Merde, maintenant, v'là t'y pas que c'est un documentaire sur des ouistitis grimpeurs dans la forêt vierge des savanes.

Je suis o-bli-gé d'écouter la voix off asexuée du commentateur. Tiens, ça parle d'hippopotames: "William Barklow, spécialiste en bio-acoustique, tente depuis 10 ans de percer le mystère de la communication des hydropodes, en particulier les hippopotames, ... par les naseaux, en passant par la machoire interne, et tout ça à la surface de l'eau...".

Pourquoi pas.
On a tendance à oublier un peu trop vite qu'un hippopotame doit se démerder comme y peut. J'aurais pu naître hippopotame, moi, si ça se trouve. Mais le sort en a décidé autrement, la destinée, la divine comédie le master plan, tout l'bordel, pff. Et dire qu'hier encore, j'écoutais la quatrième symphonie de Sibelius.

On est vraiment peu de choses (tiens, j'me d'mande si y a un zoo à Venise, ben ouaih un zoo flottant, sur pilotis, ouske des hippopotames s'ébattraient en toute quiétude, délivrés du souci de gagner leur croûte, mais se faisant chier, quand-même, des descendants de géniteurs capturés par Steve Mc Queen lors d'un safari. Purée, ça fout l'vertige, ces trucs-là. T'es un hippopotame femelle, t'es en cloque mais tu t'en cognes, tu t'ébroues à la fraiche, tranquillos, dans l'Zambèze, par une belle fin d'après-midi d'automne, et paf, tu vois débarquer Steve Mc Queen dans sa buggy, avec un filet de pêche à hippopotames... Et John Huston, derrière, qui épaule son Verney à canon scié et à crosse nacrée, en cas d'grabuge, et ton gosse finit sa vie châtré dans un zoo, au milieu des gondoles. Moi, ça m'file le bourdon, ce genre de plan foireux).

Bon, allez, y en a marre, j'vais m'foutre un dvd loué hier au hasard: lemming, ça s'appelle. Chais pas si c'est bon. J'en doute fortement. Mais chais pas, ça me parle, cette histoire de lemmings. Je me demande si il y a des vrais lemmings dedans, à c'film là. Une fin de nuit passionnante en perspective. Aha, on se sent vivre, hein. Tudieu.