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vendredi 11 mars 2011

The social network (Fincher, 2010)



Je me demande pourquoi j'ai loué ce film.
Bon, j'essaie de me tenir vaguement au courant de l'actualité cinématographique de l'année passée. Déjà que ça fait 10 ans environ que je ne vais plus au cinéma. Pour plusieurs raisons que j'ai déjà exposées ça et là dans ce blog. Et qu'il me plaira de redire, en passant. Il n'y a là dedans ni militantisme ni posture. Pour militer, et pour posturer - ce sont deux choses différentes, et je veille toujours à bien les séparer dans mon esprit -, il faut déjà être en quelque façon connecté au monde. Enfin, connecté d'une façon qui implique de façon assez régulière une présence physique (y compris virtuelle) au milieu des autres. Plus simplement dit, il faut disposer d'un environnement, avec lequel on peut inter-agir C'est évidemment plus compliqué que ça, cette idée de connexion. Moi, par exemple, je m'estime connecté au monde, aux autres. A l'intérieur d'une solitude à peu près totale. Mais connecté quand-même. Impliqué dans l'action-réaction, l'inter-subjectivité comme on dit. Et l'exerçant à mon endroit, déjà. Car on est toujours toute une foule dans sa tête, de toute façon. On n'y échappe pas. Je ne prétends d'ailleurs pas y échapper.

Le mois passé, je me suis acheté un gsm à 30 euros, parce que la batterie de l'ancien (reçu il y a 5 ans par colis postal, cadeau émouvant d'une amie virtuelle du net) était usée. Dans l'enthousiasme où m'avait mis l'acquisition de cet objet, j'avais à l'époque communiqué mon n° à trois ou quatre personnes, que j'ai depuis perdues de vue. Aujourd'hui, s'il m'est nécessaire de posséder un gsm, ne serait-ce que pour recevoir à tout moment une nouvelle tragique importante, comme un décès, ou une convocation à un examen d'embauche, c'est surtout, au quotidien, pour la fonction "horloge", qui est assez smart. 
Bien que tout au bas de la gamme, ce gsm dispose d'une batterie d'une grande autonomie: en mode veille, il peut facilement tenir une semaine sans être rechargé. Donc, à tout moment, je peux consulter l'heure, et la date. Je ne m'en sépare pour ainsi dire jamais. J'avais fini par me lasser de porter un bracelet montre. Je trouve plus "événementiel" de sortir son gsm de sa poche pour consulter l'heure. J'ai ainsi l'impression qu'il se passe quelque chose.
La sonnerie du réveil intégré est efficace, aussi. Si on doit partir en voyage, par exemple. Je me demande si je vais partir bientôt en voyage.

Question vie sociale, ça va, y a pas à se plaindre. De ci de là, j'ai des opportunités de faire un peu de conversation avec mes contemporains.
Par exemple, il y a deux mois de ça, et bien, je me promenais du côté de la rue Grétry, avec l'intention d'aller visiter le Saturn. J'adore ce genre de grande surface. Essayer les casques hi-fi, tout ça. Soudain, alors que je marchais d'un pas alerte sous un fort vent contraire, me prend l'envie de me passer un coup de peigne. Je garde toujours un petit peigne en bakélite dans la poche droite de mon pantalon. Histoire d'être présentable, et parce que je me passe de moins en moins la tignasse sous la tondeuse. Mais j'avais oublié mon peigne.
Donc, je décide de passer au Delhaize, qui était sur le chemin. Manque de bol, c'était l'heure d'affluence aux caisses, une file de l'autre monde, partout. Bref, j'avise poliment, et au hasard, une demoiselle à la mise stricte, look "assistante sociale", qui attendait avec son caddy rempli à ras bord. Plus pour avoir l'occasion de parler qu'autre chose, car ça ne me gêne en rien d'attendre aux caisses, en général. Ce jour-là, j'étais de bonne humeur, et j'avais envie de la partager. Je lui demande:
"pardon, mademoiselle, est-ce que ça vous dérange si je passe devant vous? Je n'ai que ça".
Je lui montre mon futur nouveau peigne avec un petit sourire emprunt d'une auto-dérision irrésistible - du moins je le supposais. Je me trompais lourdement, car elle me répondit d'un ton glacé:
"Oui, ça me dérange".
J'étais assez déçu, ma foi. Non tant que je tenais à tout prix à passer devant son caddy rempli à ras bord, mais plutôt parce que l'occasion d'exercer la fonction phatique avec mes contemporains était manifestement compromise. Je bredouillai quelque excuse, et me tins donc coi, le peigne baissé, sans rien laisser paraître de cette menue contrariété.
La demoiselle crut cependant bon d'ajouter, sans se retourner et comme pour elle-même, mais assez distinctement pour que je n'en perde pas une miette:
"je ne vois pas pourquoi il faudrait constamment laisser passer les gens devant soi, sous prétexte qu'il n'ont qu'un article. Quand on fait ses courses, on fait la file. Une file, c'est une file, chacun attend son tour. Il y en a toujours qui ne veulent pas respecter les règles".
Je ne pus m'empêcher d'exercer à nouveau la fonction phatique, même si ce "monolinguisme de l'autre" avait une portée philosophique plus générale, dépassant le cadre de mon petit égo situé:
"Oh, et bien vous savez, ce n'est pas bien grave. Il m'arrive régulièrement de proposer spontanément à des personnes, qui n'ont que quelques articles, de passer devant moi quand mon caddy est chargé. Mais si vous estimez que ma requête est déplacée, n'en parlons plus, c'est aussi bien comme ça, nous n'allons pas en faire un fromage si vous le voulez bien."
"Je n'en fais pas un fromage, monsieur. Maintenant, peut-être que vous estimez, vous, que votre requête est fondée, mais pour moi, elle ne l'est pas, c'est tout".
"Puisque vous avez la gentillesse de me poser la question, mademoiselle, je vous dirais que j'estime que ma requête est en effet fondée, mais je ne voudrais pas vous déranger davantage en tentant de vous le démontrer".
"Et bien je vous en prie, monsieur, puisque vous estimez que votre requête est fondée, passez devant moi, ne vous gênez pas surtout, allez-y, puisque vous semblez tant y tenir, et que, visiblement, vous êtes très pressé".
"En effet, je suis très pressé, je vous l'avoue, mademoiselle. Je vais donc passer devant et je vous remercie de me le proposer très gentiment".
Je passe devant. Elle est comme qui dirait livide, et se tourne d'un air exaspéré vers une dame qui entretemps s'est placée derrière elle, pour la prendre à témoin de ma goujaterie. La dame ne réagit pas, elle n'a pas suivi l'affaire. Elle regarde ailleurs d'un œil terne. Je n'ajoute plus rien, mais j'entame dans ma tête un dialogue socratique étincelant, dans un monde mental où l'on se passionne pour la quête de la vérité.

Voilà pour la fonction phatique, que j'exerce avec pondération, car comme toute bonne chose, il convient de ne pas en abuser.

Je disais, plus haut, que je n'allais plus au cinéma. C'est vrai que c'est cher, une place de cinéma. Je préfère louer des dvds (deux + un gratuit, pour à peu près la moitié du prix d'une séance). Mais surtout, les séances sont pratiquées à des heures indues, compte tenu de mon métabolisme. Généralement, quand je me fais une petite séance dvd, c'est passé minuit. Avant, c'est pas la peine, je m'endors après 20 minutes, malgré tous mes efforts. Puis avant minuit, y a trop de bruit dans mon immeuble. J'ai besoin de calme et de concentration. Quand tous mes voisins dorment, ou à peu près, du sommeil du juste, je prends mon casque et je m'installe confortablement dans mon fauteuil vert-bouteille-à-trainées-noirâtres. C'est le grand moment de la journée. Celui où je quitte provisoirement un état semi neuro-végétatif, qui a aussi son charme, à bien y penser.


Alors, "the social network".

On nous dit que voilà un "film générationnel". Peut-être. Comme l'était "Ferris Bueller", à l'heure où je ne me sentais déjà plus concerné par la nouvelle génération, ou comme "la fureur de vivre", à l'heure où j'arrivais trop tard pour me sentir concerné par la précédente.
Abstraction faite de la problématique des générations, on murmure également que c'est un film où beaucoup de monde est susceptible, sinon de se reconnaître, du moins de se sentir concerné. Je sais pas. Je veux bien concevoir qu'on puisse se sentir concerné si on est inscrit à l'Université de Harvard, ou si on veut entrer dans une "fraternité" quelconque, de bonne tenue. Mais un film générationnel qui concerne un mode d'existence et de préoccupation circonscrit à quelques pâtés de maisons dans un quartier select, j'ai du mal à me sentir concerné. Mais ça, c'est pas encore trop grave, ça n'empêche pas l'empathie. J'aime, quand je regarde un film, exercer ma faculté d'empathie en me plongeant, spectateur, dans des mondes que je ne fréquente pas, c'est-à-dire dans des mondes, donc.

Qu'ajouter d'autre à propos de ce film totalement inintéressant, sauf si on souhaite passer un test de Q.I.sans se rendre dans un centre P.M.S., en tentant de suivre les conversations speedées et supérieurement intelligentes de quelques types qui eux-mêmes ne s'intéressent absolument à rien, même pas à l'informatique (ce ne sont donc pas des "geeks", car un "geek", ça s'intéresse, au minimum)?
Pas grand chose.
On aura remarqué que, sur mon blog, déjà, il n'y a aucun lien pointant vers un site ou un forum quelconques. Alors, un "réseau social" (c'est comme ça que ça s'appelle, par goût du paradoxe), du genre "facebook" "myspace", "twitter", c'est dire.
N'allez pas imaginer que je sois asocial, ou gravement menacé d'autisme. C'est tout le contraire: je suis hyper-sociable, anormalement sociable même. Est-ce ma faute, si le monde qu'on dit social est profondément, de pied en cap, a-social, sans connexions, clos, si la communication ne communique absolument rien, ni à quiconque? C'est bien simple, je suis tellement avide, douloureusement avide de lien social (sans motif, désintéressé) et de communication (essentielle, vitale, même dans le phatique) avec mes contemporains, que je commence à sérieusement me demander si je serai embauché un jour dans une entreprise de communication autiste. A titre de personne "ressource".