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jeudi 10 novembre 2011

Le trésor des îles chiennes (F.J. Ossang, 1990)


Je l'ai vu, enfin en partie (je veux dire par là 40 minutes, puis j'ai fait "avance rapide" pour vérifier que c'était pareil à la fin qu'au milieu), et je peux dire que, même en le voyant, c'est un film qui ne se voit pas. Même s'il se regarde, je pense. Mais il ne regarde personne.


Cela dit, la bande-son est extraordinaire. Vraiment. Ossang musicien, OK. Superbe. Influencé par la musique industrielle, Throbbing Gristle, mille fois oui. Poète? Mais certainement.

Sinon, ben, comme on dit, quand on n'aime pas trop ça (je suis pas fan du trip "burroughsien" des consortiums, complots and c°), on cherche pas à en dégoûter les autres, donc, je serai pas (très) méchant. Puis ce mec a vraiment l'air sympa...


Bon. Je lis ça et là que les "îles chiennes" serait son moins abordable. Je peux le concevoir.

Le problème, dans ce film, du moins pour moi, ce n'est pas tant qu'il ne s'y passe rien du tout (car je suis depuis toujours fan de films où il ne se passe rien du tout). Les inserts textuels à la Godard, c'est un peu systématique et un chouïa agaçant (genre "leurs yeux sont des boules de mort"), mais soit. Passe encore, à la limite, qu'on ait l'impression que se soient toujours plus ou moins les mêmes images qui semblent repasser (rien ne semble bouger jamais, c'est du sur-place obstiné, même quand ça s'agite devant la caméra, on dirait que ça piétine). Bon, c'est vrai, je préfère la sensation d'un écoulement, d'une itinérance, d'une errance, si on tient à s'inscrire dans la logique d'un "faux mvt" (de Wenders/Handke, un des films que je préfère au monde), d'un mvt, même faux.

Non, ce qui crée une sorte de distance infranchissable, c'est bien "l'histoire", ou la "non-histoire", ou le "récit", le (pré)texte littéraire de celle-ci ou de celle-là, auquel avec la meilleure volonté du monde je ne parviens pas à m'intéresser un demi-quart de seconde, même à titre d'esthétique ou programme poétique, même au 340è degré:
« L'ingénieur Aldellio a découvert la synthèse artificielle de deux substances fondamentales (le Stelin et le Skalt) permettant la production d'une énergie (l'Oréon). Grâce à cette découverte, l'équilibre mondial a été reconditionné. Quand débute le film, l'ingénieur a disparu avec le secret de transformation du ‘Stelinskalt'. Le consortium producteur de l'Oréon, la Kryo' Corp, est au bord de la faillite. Et le monde à la frontière du chaos… »

 Bon, d'accord. Pourquoi pas. Et ça tient une énorme place dans ce texte récité avec une floraison d'accents balkaniques, une sorte de feuilleton sonore d'espionnage aussi embrouillé qu'ennuyeux, et qui semble avoir été conçu pour l'ortf.
Je trouve ça non-immersif au possible, j'aurais aimé qu'on se taise de temps en temps.

Je me demande ce qu'en pense Clovis Cornillac, qui fait une prestation assez chiadée, dans le film. Je veux dire par rapport aux autres: sans déconner, il donne de sa personne pour qu'on ait le sentiment qu'il y a un acteur qui bouge quelque part dans le cadre, et qui dit quelque chose dans une situation "x" ou "y" en remuant un sourcil.

On me dira éventuellement que tout ça, c'est fait exprès, qu'on vise une "distanciation". Mais ça, je le crois pas, ça. Os-sang, l'emblème de son projet, sa signature, c'est la recherche d'un "primitivisme", d'un "retour aux sources", peut-être du cinéma muet (sauf qu'ici c'est hyper-bavard en off), et en l'occurrence le retour à une "énergie", paraît-il, et "punk", s'il vous plaît.


Il paraît, d'après Wiki, que:

« Ossang a, dès son premier court métrage, posé les bases mouvantes d'un univers sombre mais transpercé d'une lumière aveuglante, où le film de genre se voit constamment remémoré pour mieux s'en éloigner. Voyager, partir, s'égarer : le cinéma d'Ossang se donne l'apparence de la dérive, mais n'abandonne jamais son cap ultime : l'extase. »


Je n'ai pas bien vu l'apparence de dérive, mais soit, cap à l'extase, donc.

"L'extase", dans la phénoménologie heideggerienne, c'est le pro-jet, la pro-jection, l'être-jeté, du Dasein, devant, au devant, hors de soi, dans le monde; donné, abandonné dans le monde ou vers le monde.

Bref, c'est l'existence (au sens existential): ex-sistere ou ek-sistance.

Existenz, prétendait Cronenberg.

Au sens de Jean-Paul, aussi, bien sûr: on s'éclate, pas forcément à Saint Tropez (comme chez Max Pecas), mais du moins à Saint-Germain.


Visiblement, ici, c'est pas ça.

Alors il reste deux possibilités:

soit c'est une extase à venir, longue à venir. Du moins, faut s'armer de patience, le temps de passer de la "stase" à l'ex-stase. L'ex-statique en question, ce serait peut-être alors quand le film prend fin. Qui sait?

Ou alors c'est une extase au sens religieux, au sens de sainte Thérèse d'Avila, ou de Lisieux, une sortie hors de son corps, éprouvée dans l'immobilité et l'intériorité totales. Je sais pas. Je suis pas assez religieux ou mystique pour ça. Et c'est dommage pour moi, déjà que je vis dans une vraie cellule monacale, que je bouge pas de là, même d'un orteil, et alors que je mène une existence de fuckin'Monk. Je m'explique pas ça.