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lundi 23 juillet 2012

Présumé coupable (Peter Hyams, 2008)



Se souvient-on un peu de Peter Hyams?

Oui, bof. Ce troisième couteau a commis un bon film, du moins dans mon souvenir: Capricorne one. Le même gus a livré une suite inutile, assez ennuyeuse, mauvaise quoique pas absolument et irrémédiablement nulle, de 2001: 2010, avec Roy Scheider. Ah oui, aussi Outland, loin de la terre, un trip de sf dormitive avec Sean Connery, et Relic, une soporigène histoire de bestiole gluante se réveillant dans un musée.
En dehors de ça, j'ai rien vu d'autre, jusqu'à hier. L'esprit fatigué, en quête d'un petit thriller quelconque mais qui fasse passer un peu de ce temps qui rarement passe, je me matte, en location gratos heureusement, Présumé coupable, avec Michael Douglas, et une distribution transparente qui n'a pas poussé ma curiosité à aller lire les noms sur la pochette ni à cliquer sur google.

Alors là mes zamès, c'est le ponpon du tromblon, l'acmé du nawak, l'apogée du gâtisme. Paraît que c'est le remake d'un film de Fritz Lang, L'Invraisemblable vérité, et ils auraient dû garder ce titre parfaitement indiqué.

Comment dire, quel angle aborder, comment exprimer la perplexité qui vous étreint, à la vision de cette chose surprenante par son ineptie fondamentale et inéluctable?

Y a un mec, qui est reporter dans un grande chaine de télé, mais à qui on confie des rubriques nases, genre rallyes pour chiens. Il a de l'ambition, pourtant. Il voudrait sortir un scoop d'enfer qui lui donnerait le prix Pulitzer. Pourquoi pas.
Or il se fait qu'un avocat renommé, potentiellement gouverneur du district, en la personne évidemment de Michael Douglas - que nous appellerons Vlad - attire son attention aiguisée. Il se demande, le gars, si le mec n'est pas complètement véreux, pourri, voire malhonnête. En effet, Vlad a fait condamner 17 personnes pour meurtre en 2 ans, et à chaque fois, sur la base d'analyses adn faites sur un objet présenté à la dernière minute. Le gars se demande si c'est pas à tous les coups des preuves bidonnées. Genre un mégot oublié à côté de la victime violée, et y a dedans l'adn de l'assassin. Or le gars et son pote qui travaille dans le même journal télé ont maté une vidéo où Vlad et un flic pourri, qui s'arrange toujours pour diriger l'enquête sur les cas dont Vlad s'occupe, donnent une cigarette à fumer au prévenu, lors d'un entretien juridique. Y s'dit: l'ont foutue après, cette cigarette, sur les lieux du crime.
Ah mais non, leur explique, excédé, leur boss: la photo de la victime montrait déjà ce mégot là et pas un autre. Donc, même si c'est pas clair, mauvaise pioche.

Le gars ambitieux, appelons-le Edouard, ne veut pas en rester là. Il dragouille la collaboratrice de Vlad, une jeune mocheté en tailleur, que nous appellerons Nadia. Parce qu'il la trouve bandante, Nadia. Il lui dit qu'il trouve son chef Vlad louche, qu'il le soupçonne d'être malhonnête, de truquer ses enquêtes. Nadia proteste: c'est parce que c'est un winner brillant et talentueux et toi un loser séduisant, et tu l'envies, c'est tout. Il l'invite à diner et tout, puis ils baisent comme des pécaris enflammés, donc.

Sur ces entrefaits, lui germe une idée géniale, qu'il compte expérimenter avec son pote balourd, une sorte de geek à l'humour de fancy-fair, que nous appellerons Rantanplan. Vu qu'ils sont sûrs que Vlad truque ses procès avec de fausses preuves à conviction, avec un adn rajouté par après, ils vont le confondre de belle manière. Suffit d'attendre le prochain crime crapuleux commis sur une prostituée dont tout le monde se branle, se tenir au courant des éléments de l'enquête, et là, Edouard entre en scène. Il va accumuler des indices faisant croire que c'est lui l'assassin, comme ça la police lui tombera dessus, il se retrouvera dans le prêtoir, en tant qu'accusé, face à Vlad. Et le prix Pulitzer tombera tout cuit dans les paluches d'Edouard et Rantanplan.
Comment vont-ils s'y prendre, au juste? C'est pas évident, certes, mais ils ont aussitôt l'occasion de mettre leur plan à exécution. Une prostituée est assassinée dans un parc. L'assassin a pris la fuite, non sans s'être fait mordre salement au mollet gauche, sous témoins, par un Bull-Terrier croisé Teckel qui passait par là. Le propriétaire du chien l'a d'ailleurs coursé, et a eu le temps de lui flanquer sur la cagoule un peu de bombe lacrymogène. Pis on trouve les empreintes des godasses de l'assassin: une marque de baskets qu'on trouve plus depuis dix ans, c'est dire si elle est rare.

Alors le modus operandi est le suivant: Edouard, flanqué de Rantanplan qui le filme avec une mini-caméra numérique, va acheter à la fourrière un Bull-Terrier croisé Teckel, puis commande sur internet une paire de ces godasses, objet de collection qu'on peut trouver sur E-Bay. Achète au Wallmart une cagoule de gangster, chez un revendeur chelou un couteau et une bombe lacrymogène. Pis il se fait mordre au mollet gauche par le clébard, asperger de lacrymo sur sa cagoule, dans la fente orbitale. Et à chaque fois, bien évidemment, son pote le filme pendant qu'il tient, bien en évidence, un numéro daté du Times, qui prouve que tout ça a été fait un autre jour.
Puis Edouard dit à Rantanplan de cacher le dvd contenant les séquences en lieu sûr, que personne, pas même Edouard, ne doit connaître. Tout comme personne ne doit être au courant, sinon ils risqueraient de gros ennuis pour procédure pas nette, et adieu Pulitzer. Rantanplan répond: "t'inquiète, je garde l'original chez moi, en lieu sûr, et je laisse une copie quelque part que je dis pas où". Ok. Jusque là, on veut bien, à la limite, entériner tous ces postulats, admettre que Rantanplan, ou Hyams, même sans jamais avoir lu Derrida, ont pas percuté qu'avec les données numériques, l'antique question platonicienne du privilège de l'original sur la copie se pose plus tellement.


Comment Edouard se fait coincer, après? Fastoche: il se bourre la gueule un samedi soir, et roule à 250 à l'heure sur l'avenue principale. Pis passe une nuit au poste. Là, un flic honnête, chargé de l'enquête, qui le connaît, en pluche, et qui sait que c'est un brave gars qui fait pas la bringue d'habitude, doublé d'un clampin, vient le voir le matin et lui dit qu'il est libéré sous caution. Edouard la joue pas sympa, maussade. On lui rend ses effets personnels, dont, of course, sa paire de baskets hyper-rares... qu'il enfile ostensiblement sous les yeux médusés du flic futé et très observateur.

ça fait pas un pli. Just in the night, alors qu'Edouard en écrase sur l'édredon, la flicaille vient tambouriner à sa porte, investit son appart et lui passe les menottes, "vous avez le droit de ne rien dire" et tout le baltringue. Edouard continue à la jouer chelou. Il se défend sans grande conviction: la blessure au mollet c'est mon clébard, les baskets je les ai commandés sur le net, mes yeux me font mal parce qu'on a fait la bringue avec des potes en s'arrosant de gaz lacrymogène, ben quoi on a le droit de s'amuser un peu.

Nadia est effondrée par tout ce qui arrive à Edouard, le nouvel amour de sa vie. Elle vient le voir au parloir, toute chamboulée. Edouard lui dit de pas s'inquiéter plus que de raison, et lui jure qu'il est innocent. "Je sais pas, t'as l'air bizarre", dit Nadia. "Je me demande si y a pas un rapport avec mon chef Vlad, t'es obsédé par lui, tout le monde le sait". Edouard ne confirme ni ne dément. Puis Nadia s'inquiète plus du tout de cette hypothèse fantaisiste, et suit, comme tout le monde, les péripéties au tribunal.
Edouard, avant de s'assoir, rappelle discretos à l'oreille de Rantanplan: "surtout, n'oublie pas, tu dois aller chercher les contre-preuves sur le dvd seulement lorsque Vlad sortira son truc bidon avec l'adn rajouté et tout, pas avant!". Au cas où Rantanplan n'avait pas tout capté du stratagème.
L'audience commence, elle va durer une semaine minimum. Mais dès le troisième jour, Vlad, vieux renard, et son flic ripou pas tombé de la dernière pluie, sentent qu'y a anguille sous roche. Le ripou fait sa petite enquête et découvre aisément qu'Edouard a acheté ses godasses sur le net, un clébard agressif à la fourrière, and so on. "Ohooo, dit Vlad, ce sale petit fils de pute d'enfoiré de sa mère, restons sur nos gardes, alors".

Arrive le moment téléphoné, et là on se demande pourquoi Vlad a pas changé sa stratégie d'un iota, de la pièce de vêtement avec l'adn de l'assassin, en l'occurrence l'innocent Edouard. Aussitôt, Edouard se retourne vers Rantaplan, qui est surexcité, et hoche ostensiblement de la tête pour lui signifier que c'est maintenant, go, va chercher le dvd. Rantanplan fonce à couilles rabattues et le palpitant battant la breloque, hors du tribunal, et plonge sur sa bagnole. Y pouvait absolument pas attendre le lendemain, on se demande pourquoi, vu que le procès était loin de se terminer. Il aurait ainsi tranquillement amené son matos, sans attirer l'attention de quiconque et en s'évitant une fluxion de poitrine. C'est que ni Edouard ni Rantanplan ni Hyams donc, même sans avoir jamais lu là encore Derrida, n'ont davantage percuté que tout ça ne se jouait dans l'immédiateté de l'instant, et que leur révélation fracassante ne perdait rien à être légèrement différée.

Mais le flic ripou le course discrètement. Rantanplan roule à tombeau ouvert vers son appart, et là, horreur et putréfaction, il voit qu'il a été cambriolé, a pu le dvd. Reste la copie. Le voilà reparti à tombeau ouvert, de plus en plus nerveux et on le comprend, toujours coursé par le ripou, vers sa banque. Il manque à trois poils près de pas pouvoir retrouver l'emplacement de son coffre-fort perso à cause d'une vieille employée bavarde et passablement gâteuse, mais ouf, son précieux colis en main, le voilà reparti vers le tribunal. C'est à ce moment qu'hélas le flic lui tanne le pot d'échappement et parvient à le faire s'encastrer entre deux camions. Rantanplan est salement amoché. Le flic ripou, qui est en plus du genre cruel satanique, allume tranquilos une sèche et la balance dans sa caisse pleine d'essence qui fuit. Boum. A pu Rantanplan, a pu dvd.

Je passe quelques péripéties. Edouard, manquant de preuves, et bien qu'ayant tenté d'expliquer son plan pour confondre le véreux Vlad, se retrouve condamné, gisant au trou, et donc la ramène moins, vu qu'il s'inquiète pour sa tête. En effet, dans cet Etat, les assassins présumés passent juridictionnellement à l'injection létale avec une facilité déconcertante. Il le savait, ça, que c'était dangerousse comme stratagème, que sa vie dépendait de ce précieux dvd en deux exemplaires uniques au monde, tous les deux partis en fumerolles.
C'est là que Nadia, qui jusque ici s'était montrée discrète, intervient. Edouard la met au parfum. Elle refuse tout d'abord de le croire. Mais faisant sa petite enquête, elle découvre aisément les indices éparpillés qu'avait aisément trouvé le flic ripou: baskets, chien, cagoule, etc, achetés à la va-vite. Mais attention! Vlad se rend vite compte que Nadia est pas nette, et demande à son acolyte de pas la lâcher d'une semelle. Nadia va consulter des experts en imagerie numérique, qui lui font la démonstration aisée que sur toutes les photos des dossiers dont Vlad s'est occupé, l'indice compromettant a été rajouté, par après, au photoshop. ça valait bien la peine qu'Edouard et Rantanplan se décarcassent avec leur plan hyper-risqué. Rantanplan y a laissé la vie, et Edouard attend avec anxiété son imminente injection létale. Merde quoi, tout ce talent gâché.

C'est ici que ça se corse pour Nadia. Alors qu'elle regagne sa bagnole dans un parking à 5 niveaux complètement désert, serrant dans ses mimines la précieuse démo des photos truquées, voilà que le ripou sadique déboule en son bolide inquiétant et s'avise de tenter de l'écraser contre une colonne. Elle échappe à la mort de justesse, grâce au flic honnête du début, celui à qui on avait retiré l'enquête et qui trouvait ça bizarre autant qu'étrange, qui déboule just in time avec son colt 47 magnum. Hop, une prune bien ajustée directement dans le lobe frontal du ripou.

Après, ça se précipite, François de Brigode nous l'explique au JT sur la trois: Vlad, celui qui montait, se retrouve au trou, et Edouard, celui qui descendait, monte en pleine lumière.

Mais attention, y a un twist d'ultra-dernière minute qui nous apprend qu'Edouard était pas tout net non plus, sur un autre truc.
Nadia s'en rend soudain compte en matant De Brigode sur la rediff en boucle, au pieu, à côté d'Edouard qui ronfle du sommeil du juste. Son attention est alors attirée par une brève sur une pauvre femme assassinée, la même femme sur laquelle Edouard avait tourné un reportage non diffusé, qu'il avait montré à Nadia, où il expliquait que cette même pauvre femme avait mis fin à ses jours par désespoir, suite à l'abandon de son nourrisson. Histoire de prouver à Nadia qu'il avait l'étoffe d'un grand documentariste concerné par la question sociale (ce qui avait fait pleurer Nadia d'émotion). Nadia, désemparée, sort du pieu et s'en va fouiller les étagères. Elle tombe à son grand dam sur un dossier vachement compromettant pour Edouard, dont je vous épargne la teneur. Edouard entretemps se réveille, et y a du malaise dans l'air. Nadia lui montre ce dossier prouvant qu'il est lui-même rien qu'un sale tricheur et ptêt même une saloperie d'assassin. Edouard commence à suggérer, tout en tentant de se justifier et protestant de son indéfectible amour, un comportement vaguement menaçant. C'est à ce moment, alors qu'on n'a vu nulle part Nadia sortir un gsm de sa poche, que les sirènes de police se mettent à hurler au lointain. Elle le quitte tranquilos, en passant la porte, le laissant tout dépité et lui assénant le mot qui tue: "va te faire mettre".



Bon, tout ça c'est bien gentil, mais y a ce truc évident, énorme, qui d'emblée ruine absolument tout, et qui fait que le spectateur ne peut pas accorder une nano-seconde d'intérêt à ce scénario formidable, épatant, redoutable et combien fascinant, réglé comme une horlogerie suisse (écrit par Hyams lui-même, sur la base du scénar d'origine):

ça se passe en 2008.

Edouard et Rantanplan bossent dans une grosse chaine télé, à la pointe de la technologie. Moi, avec mes modestes moyens, quand je veux sauvegarder une donnée informatique dont ma vie dépend, j'en fait non pas deux, non pas trois, mais au moins 15 copies sur dvd. Et ces dvds, que j'emballe dans des enveloppes molletonnées, je demande à qqun de confiance de les envoyer, à la date que je décide, à plein de gens et organismes différents. Mais même si je connais pas grand monde, j'en envoie une à moi-même par recommandé, ou à une boîte postale que je loue. Et si, en tant que parano virulent, je fais confiance à personne, j'en cache dans la doublure du matelas d'un oncle gâteux au moment de la sieste ou dans le grenier d'une vague cousine tétraplégique (ou pas). Et si je suis orphelin, j'en enterre dans un pot à bonsaï, j'en scotche dans le vide ventilé, que je dissimule sous une plaque en forme de vide ventilé, etc, etc. Mais oublions, même, les dvds, les clés usb (qu'on peut se caler entre les fesses et récupérer discrètement aux waters en se torchant, même dans un palais de justice, surtout quand on fouille pas, comme là), les mini-disques durs portables Lacie Rikiki, tous ces supports matériels d'un temps déjà antédiluvien. Le père Hyams, je sais pas, on a dû le décongeler comme Hibernatus, et lui dire: "mon gars, tu vas nous mitonner une réadaptation d'un film à suspense de 1956 qui va laisser tout le monde sur le cul, même Michael Douglas, qu'est un peu blasé". La fonction Nas, dispo à partir de n'importe quel HDD multimédia: Hyams, Edouard, Rantanplan, Vlad et Nadia, y connaissent pas, ces blaireaux. Je te fous mes données perso les plus précieuses sur un serveur dédié avec une clé d'accès sécurisée, et basta, je vais pas m'emmerder avec les supports périssables. Non mais oh.