Affichage des articles dont le libellé est Carax (Léo). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Carax (Léo). Afficher tous les articles

mercredi 4 septembre 2013

Holy motors (Alex Christophe Dupont, 2012)



Séance de rattrapage, comme toujours.

Doux Jésus, quel nanar atteint d’éléphantiasis, ce Holy motors.

Dès l'ouverture, je me suis senti cerné par une imagerie "surréalisante" tarteàlacrèmifiante, qui n'augurait pas que des bonnes choses. Le type en pyjama, avec les lunettes Armani à verres fumés (fabriqués à Lausanne) sorties de chez Ardisson, la choucroute à pointes qui retombent estampillée "pop star punk has been des eighties", mélange de Jakie Quartz, Louis Bertignac, Catherine Lara après une chimio, j'avais pas capté d'emblée que c'était Carax en la personne de lui-même.
Ainsi donc, c'était une audacieuse mise en abyme, comme on en fait à tire larigot dans des spectacles de théâtre subventionné d'avant-arrière garde: l'artiste-metteur en scène se met en scène, tâtonne d'un lent pas dans un novotel, en longeant un papier peint mysterioso qui, en trompe l’œil, suggère quelque forêt nocturne de bouleaux nordiques d'une phosphorescence blafarde du plus bel effet. On croirait vraiment pouvoir s'agripper aux branches. C'est alors que se révèle, on ne s'y attendait pas du tout, une entrée dérobée et secrète menant aux mystères envoûtants et profonds d'un moi-tout (détenant la clef, par la magie méliesque de l'enfance, de la boîte à malices de ses souvenirs nostalgineux). Une ingénieuse ingénierie sonore artisanale nous évoque un gros cargo melvillien en partance, lourd d'un fret de 13 années de miroirs brisés qui portent malheur.
Comme dans les meilleurs films ratés de Jaco Van Dormael allant chercher (avec son mister nobody) son magritte d'or avec les dents, on sent qu'on va faire une espèce de voyage pas commun. D'autant moins commun et planplan que l'artiste débouche, comme de juste, sur le balcon d'une scène de cinéma-théâtre, où une salle de spectateurs semi-zombiques nous alerte que le cinéma en tant qu'objet réflexif de réflexion réfléchissante, va donc être le cœur et le sujet d'un dispositif très osé, qui va questionner quelque part son devenir, l'avenir de son passé, surtout, et placer l'artiste exilé en blanc pijama au cœur de ce vertigineux voyage dans des doubles de sézigue. Pessoïens. Rien que ça. On a envie de pouffer, déjà. Pourtant, tout n'est pas que rire dans cette magnifique œuvre ludique autant que crépusculaire.

C'est certes assez cuculapraloche, comme incipit. Mais comparé à ce qui va suivre, attention, c'est quand-même un véritable pur moment magique de cinéma brut en liberté comme on en voit deux par siècle, et encore. Selon la presse spécialisée allocinesque.

Dans un vertigineux dispositif d'emboîtement de poupées russes gonflables pirandelliennes en quête non d'auteur mais de spectateurs absents, vitrifiés par le monde moderne à l'âge de la reproduction technique (cette accumulation de spectacles conchumérichtes, etchetera, où on ne sait plus hélas ni rêver ni s'enchanter ni s'ébaubir, ni croire encore à la magie révolutionnaire du cinéma des origines), vont ensuite se succéder, en rangs serrés, jusqu'à la fin salvatrice :

30 tonnes de métaphores insistantes, usées jusqu'à la corde, et de symbolisme à trois-cinq balles. Sur le virtuel qui a tué la vie et le réel, le cinéma, l'amour et tout ça. Les tombes au père Lachaise ont comme épitaphe "visitez mon site web". Mais waouw, quoi. Ironie légère, subtilité du trait, à la jadis-Sempé, pour évoquer les masses solitaires atomisées et aliénées par leur ordinateur (de pompes funèbres, puisqu'on en est à des formules percutantes que même Gérard-taxi-Pirès n'oserait pas placer s'il remakait son film du même nom). Tout comme cette pique acérée, sur les grises banlieues résidentielles (Philippe Val ou Alexandre Adler ont du adorer): le pauvre plouc qui retrouve sa petite famille - cad des chimpanzés. ça c'est une allégorie bien trouvée ("allez, gorilles", qu'est-ce qu'on se marre. On se croirait dans Hara-Kiri du temps de Siné et du professeur Choron, la grande époque "libertaire" - tu parles). Et Manset, s'auto-recyclant, couine lamentablement là-dessus, avec un texte qu'on croirait pondu pour Julien Clerc par un Dabadie sous laroxyl.

Puis quel mime génial, ce Lavant. Comme dirait Timsit parlant de Michel Leeb, il passe de mendiante roumaine-bossue-à-chicots à fantomas super-fucker en latex-à-capteurs, et d'anthropophage pierrafeu à Guy Hamilton vieux, avec une virtuosité vertigineuse, là encore.

Maintenant, faut le dire, aussi: s'il était pas là, s'il faisait pas le show à lui tout seul, s'il donnait pas généreusement de son corps et de sa gueule hallucinants de faune méphistophélique, ça serait ptêt un nanar. Mais ça serait un nanar sans vie, sans folie, pas sympa.

Poésie ringarde à deux sous, une sorte de sous-Prévert de carte postale de Paris sous cloche de verre. C'est que du clicheton creux à tous les étages. Jeunet-Caro enfoncés les coudes dans le nez. L'éternel jeune vieux con paradigmatique nous refourgue ad nauseam toute sa quincaillerie naphtalineuse pseudo poético-philosophique, digne d'un cahier clairefontaine d'ado qui se prend pour Rimbaud ou je sais pas quoi, alors qu'il en est l'exacte antithèse mortifiante. Rimbaud nous disait: "il faut être absolument moderne"; Carax nous dit: "il faut être absolument réactionnaire". Et de faire interminablement défiler ses vignettes fétichistes, citationnelles et auto-citationnelles (y doute vraiment de rien) d'un âge d'or à jamais révolu. C'est vraiment le triomphe du cinéma d'antiquaire, sentant à chaque plan le musée de cire astiqué et le cadavre embaumé.

Bref, un concentré de nostalgisme narcissique et morbide. Et ça pue le fric pour dire merde au Fouquet's. Toujours le même branle-trip depuis les amants du pont neuf. On sent trop que le gars se fantasme comme le dernier des mohicans ou des poètes dans un monde où il n'a plus sa place, snif.

Dialogues-monologues "funèbres" - quand il y en a (il aurait pu nous épargner ça aussi) - aussi emmerdifiants qu'un feuilleton de Nina Companeez. Entre autres, la scène de Guy Hamilton fatigué et de sa secrétaire estropiée à son chevet. Y va la cracher enfin, sa valda, oui ou merde? J'en pouvais plus... Mais non, y se relève, comme un Lazare chiant, et ça continuuue. Oh la purge. Le colloque à la Samaritaine en ruines, par les deux vieux amants, qui se clôt d'abord par une imbitable chansonnette en hommage à Christophe Honoré rendant hommage à Jacques Demy, puis un suicide tristoune en forme d'écrasage sur le trottoir. Bwoaf.

Ah bigre... "ça donne bien à méditer", tout ça. Sur toutes les belles choses du monde d'avant, envolées, ma bonne dame. Le cirque, les acrobates, les transformistes, le mime marceau, la petite loge de l'artiste, avec les lampions, les facteurs à vélocipède, remplacés par les machines déshumanisantes des américwouains.

Sur le fond et la forme, avec ou sans limousines, je sais pas même si Cédric Klapisch parvient à faire aussi nase et visqueusement luisant avec son Paris (entre autres), un pic qu'on croyait indépassable dans l'histoire des daubes prétentieuses du cinéma français. Avec Le jour et la nuit de bhl, et surtout le Cinéman de Moix - avec lequel ce HM entretient des correspondances plus que troublantes, qu'il conviendrait d'analyser par le demi menu car insuffisamment soulignées à ce jour.


Une jolie photo léchée et de beaux travellings chiadés n'y changeront rien. ça fait pub martini-dry tendance sociocu pour la mairie de Paris et le guide du routard des Champs-Élysées (malgré quelques trop rares moments de grâce). ça m'a fait penser aussi, non pas aux Yeux sans visage de Franju (y pousse vraiment les bobonnes, puis Franju, Franju, scuzi, ça sent un peu l'amidon aussi), mais à Subway de Besson. La touche 80s en moins mais son esprit gélifié en bonus.




Qu'est-ce qu'on pourrait dire encore?
Je me demande quand-même si la bite dressée à Lavant, c'est pas une prothèse en caboutchouk trop bien imitée, parce qu'elle bouge de façon absolument pas naturelle (cad qu'elle bouge pas du tout, quoi). Pis les fesses. Trop musclées, trop massives, pour son gabarit je veux dire. J'y crois pas. Honnêtement, j'y crois pas. Même en faisant des séances de fentes-avant intensives, t'as pas des fesses comme ça.
Non, c'est honteux. Ou alors c'est génétique. Bon ok je suis jaloux, et mauvaise langue.
En tout cas c'est un film où y a des putains de sfx merveilleux, ça au moins on peut le dire.




(Bon, pour le côté rock-rebelle qui dépote les orteils, on aura quand-même droit en interlude à une church-jam d'accordéons furieusement pogo-kusturicesques, du genre à défriser les moumoutes, et qui aurait fait un chouette clip sur arte pour le cirque du soleil ou Zingaro, en 2003. Unique moment qui m'a enthousiasmé, je dois dire. Même clichetonnant, c'était bath-punchy. Là, y avait quelque chose. Une niaque, de la vie, de l'émotion. Un peu comme dans le quadrille du Van Gogh de Pialat:)

[Ce n'est plus visible sur YT, mais voici une cover bien sympathique]