vendredi 14 mai 2010

Y se passe des choses...


Je ne sais pas. Comme des signes avant-coureurs d'un bouleversement dans mon existence, la secrète annonce d'un événement considérable. Les événements les plus anodins, d'apparence, prennent une dimension... Je suis aux aguets, c'est dans l'air, ça s'rapproche, c'est sur mes talons. Capter les signes, être aware, saisir le kaïros pendant qu'il est en train de me saisir. La bifurcation adéquate in the right place at the right time. Ce sont des choses qu'on sent. Y a tout un charivari en dedans de soi-même. C'est toute une révolution des cellules qui se met en branle. Quelque chose va viendre. 

Il s'agit de garder la tête froide. Ne pas chercher à induire. Ce serait l'erreur. Car l'évènement n'est pas précédé par sa propre annonce, cela va sans dire. Il s'agit simplement, enfin, faut le dire vite, voire ne pas le dire du tout, de se laisser porter par le flux vibratoire des ondes concomitantes qui concomitent. Le canal est ouvert. Acting is reacting. Ne commencez pas à acter, jusqu'au moment où vous actez. Laissez venir, laissez faire, mais suivez le mouvement, épousez la courbe.
Une activité réceptrice, une réceptivité active.

C'est pas que je veuille m'emballer, mais quand-même, y a des trucs dingues qui n'arrêtent pas de m'arriver en ce moment, je suis submergé par mille et mille interactions qui m'électrisent le neurone. J'avais plus connu une telle activité sensorielle depuis au moins... 10 ans. Allez, on va dire 10 ans.
Parce que j'ai vécu ça, une fois; ça s'est jamais reproduit, mon canal s'est rebouché et c'est dommage. Des synchronicités... Oui, les fameuses synchronicités. C'était comme dans un rêve. Tout arrivait comme si c'était déjà arrivé, tout se mettait en place. C'était comme le déroulement d'un film que je connaissais sur le bout des doigts tout en le découvrant pour la première fois. Tout ce qui était "en moi" était "hors de moi", tout ce qui se passait à l'extérieur était une projection de quelque chose que j'avais à l'intérieur: choses, gens, paroles, paysages, actions. Enfin, bon, ce sont des choses que plusieurs d'entre-vous connaissent certainement. Et ça durait, ça durait... ça semblait ne jamais vouloir s'arrêter.
Alors, ça m'a tellement surpris, cet emboîtement harmonieux, totalement prévisible en même temps que totalement inattendu, cette sensation de "déjà-vu" (à prononcer avec l'accent anglais), persistante, - non, pas de "déjà-vu", en fait, infiniment plus riche: une idée qui ne cesse de s'actualiser intégralement, un désir s'accomplissant perpétuellement, jusque dans les moindres détails, et chaque détail ayant été pensé, conçu, imaginé, fantasmé, auparavant, en un autre temps, en ordre dispersé -; ça m'a tellement effrayé, donc, que j'ai véritablement pris mes jambes à mon cou. Je suis sorti volontairement, à toute allure, du "cadre" où les événements étaient en train de se produire. La quatrième dimension, quoi, ou la cinquième, je sais plus. Et puis, pfft, plus rien.

Mais voilà que ça, je ne dirai pas, recommence, car c'est pas du tout la même chose. C'est un petit peu ça, sauf qu'il n'y a strictement rien de notable qui se passe. C'est même d'une banalité effrayante. C'est le mot juste, pour une fois. Car justement, pourquoi qualifie-t-on la banalité d'effrayante? Elle n'est en rien effrayante, juste ordinaire, pas de quoi casser trois pattes à un canard. Or, ici, elle effraie, presque. Pas qu'elle fasse peur, n'exagérons rien. Non, simplement vécue avec une intensité inaccoutumée.
Quelque chose qui, comment dire, nécessairement arrive, mais on est heureux (et encore, c'est un bien grand mot) que ça arrive. Bien qu'on s'y attende. Il n'y a aucun secret, aucun mystère caché derrière. Et cette absence fondamentale de tout mystère dans l'ordre des choses et des enchainements, c'est justement ça qui vous étonne, vous mobilise.
C'est la routine elle-même qui n'est plus routinière, au point de vous sembler extra-ordinaire. Chaque objet usuel, pour lui-même, vos interactions les plus usuelles à son égard, même répétées, plus généralement les enchaînements de causalité, vous apparaissent dans leur singularité et autant d'événements dignes d'intérêt. Comme si cause et effet ne faisaient plus qu'un, ne se distinguaient plus l'une et l'autre. N'est-ce pas curieux? Vous me direz: ben non, franchement je vois pas, c'est d'une banalité, ce que tu racontes, aucun intérêt, vraiment. Et en un sens, c'est vrai; ça n'a strictement aucun intérêt. Pourtant, ça n'a pas arrêté de la journée.
Bien sûr, c'est sans commune mesure avec l'aventure évoquée plus haut, hélas, trois fois hélas. On en est loin. Y a pas de "déjà-vu" ou de "survenue" ou que sais-je. C'est juste du "vu" et du "vécu". Mais c'est comme des petites miettes de ça - hou là, toutes petites-petites-petites.


Alors. Pas plus tard qu'hier soir. Vers 23h45, pour être précis. Je me rends compte que l'étui à tabac est presque vide. A vue de nez, j'évalue qu'il me reste juste de quoi faire trois tubes de cigarettes.
Et bien ça n'a pas raté. J'ai juste pu en faire trois. Pas une de plus. Pas une de moins. Déjà, étrange.
Je me dis que si je sors dans les cinq minutes, pour me rendre au night-shop - il est à ce moment là 00h15 -, j'y serai à, mettons, 00h25. Considérant que le night-shop est à 5 minutes. C'est exactement ce qui a eu lieu. Mais ce n'est pas tout.
J'entre dans le night-shop. Je dis bonsoir au type. Il me répond bonsoir. Jusque là, c'est normal. Mais voilà que je sors ma carte proton, avec l'intention de vérifier sur le distributeur proton qu'il me restait suffisamment de monnaie. Vérification faite, il me restait 5 euros. Ce dont par ailleurs je me doutais, car j'avais encore la somme en mémoire. Or, l'étui à tabac coûtait 4 € 60 centimes exactement. C'est là que je me suis souvenu de ce fait apparemment anodin: quand je recharge mon proton, c'est presque toujours à la cabine téléphonique qui est deux rues plus loin. Et je recharge toujours pour 5 €. Pour quelle raison? Ahaaa. Justement, parce que sur les cabines, on ne peut pas recharger à moins de 5 €. Or. Pour quelle raison irais-je, en temps normal, c'est-à-dire tout le temps, recharger ma carte proton sur une cabine? Héhéhé... Pour m'acheter du tabac. Vous saisissez le processus? Non, c'est évident; ça fait sens. Ces choses n'arrivent pas par hasard. Moi je dis que les choses n'arrivent pas par hasard. Y a des connexions invisibles. Faut être attentif, c'est tout.

Bon alors je demande: "vous avez du belgam 21"?
Y en avait.
Parce que d'habitude, y en a toujours. Eh bien, cette fois-ci encore, y en avait. Vous me suivez?
Non, mais quand-même. C'est pas moi qui l'invente, ça. C'est des choses réelles.

Mais attendez. 25 mètres plus loin, y a un passage piéton. Que j'emprunte toujours pour rentrer chez moi. A l'aller, je ne le prends pas. Au retour, si. Allez comprendre pourquoi. Bon. Je vais au passage piéton. Et le feu est rouge. Pour les piétons. Mais y a pas de voitures. Aussi loin que je porte le regard, y a pas de voitures. Aussi loin que je tende l'oreille, y a pas de voitures non plus. A cette heure-là, y a jamais de voitures.
Et qu'est-ce que je fais à ce moment là? Mmh? Ahaaaa. Je traverse la rue. A côté du passage piéton. Juste à côté. Comme je le fais d'habitude.

C'est quand même troublant, non?


Je vous tiendrai au courant, bien sûr. Mais je crains que, pffuit.


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